Les parcs suisses dans l’assiette

Patricia Michaud

En terre helvétique, les déten-trices du label «Parc» – soit une vingtaine de régions situées principalement dans les Alpes, les Préalpes et l’Arc jurassien – peuvent apposer à leur tour un label, baptisé «Produits», sur leurs biens et services. En tout, on compte actuellement environ 2600 produits labellisés sur l’ensemble du réseau des parcs suisses.

Alors qu’en vertu des directives éditées en 2013 par l’Office fédéral de l’environnement sur les conditions d’attribution et d’utilisation du label, ce dernier pourrait aussi concerner des services, seules des denrées alimentaires arborent pour l’instant le précieux logo. Il s’agit principalement de produits de montagne, préparés en petites quantités de façon artisanale. On peut citerle fromage, la viande séchée, les vins, les thés, les herbes ou encore quelques produits de niche tels que le safran.

© regiosuisse
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Pour obtenir le droit d’afficher fièrement la couleur verte, les produits doivent remplir une série de critères. La conformité à ces exigences est vérifiée lors d’un processus de certification établi par la Confédération. Un bien doit être essentiellement fabriqué ou fourni sur le territoire du parc en question, suivre un processus de fabrication répondant aux objectifs du parc et satisfaire aux directives de l’Association suisse des produits régionaux. Pour résumer, ce label doit offrir aux consommateurs et consommatrices la garantie de produits régionaux et durables. Selon les dernières estimations, le chiffre d’affaires annuel correspondant est d’environ 30 millions de francs. Une partie de ces recettes passe par de gros détail- lants tels que Coop. Mais pour la plupart des petits producteurs, le label n’est pas tant un moyen d’étoffer leurs recettes que de mettre en avant la qualité de leurs produits et d’agir concrètement pour défendre les valeurs régionales et durables.

parks.swiss

Vous trouverez ici la version complète en allemand.

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Verzasca 2030

Le  numéro  17 de «regioS» (décembre 2019) avait parlé du master plan «Verzasca 2030» (Tessin), élaboré dans le cadre d’un processus participatif.

Les premiers projets sont réalisés

La mise en œuvre des projets inscrits dans le cadre du master plan «Verzasca 2030» se déroule depuis 2019 dans la vallée. Non seulement le projet de mini-bus, mais aussi celui de l’«Albergo diffuso» a été réalisé. L’hôtel décentralisé de Corippo a ouvert ses portes en mai 2022. Il comprend une réception centrale et 25 lits répartis entre cinq maisons historiques, restaurées au centre du village. Le projet « Vera Verzasca » soutient en outre la distribution de produits alimentaires et artisanaux locaux. Le début de la construction du camping alpin de Brione est soixante emplacements, disposera d’une zone bien-être et de pavillons pour les clients plus exigeants. Pour le grand projet de centre sportif multifonctionnel de Sonogno, l’élaboration du business plan est en cours et le début des travaux de construction est prévu en 2024.

Un trait d’union entre la terre et les start-up

Patricia Michaud

Prolongement d’un projet pilote soutenu par le SECO, Star’Terre est une structure qui met en lien les milieux agricoles et entrepreneuriaux des cantons de Vaud, de Genève, de Fribourg et du Valais. Avec un focus sur la consommation locale, les circuits courts et le retour de valeur ajoutée pour la région.

C’est l’histoire – aussi banale que fictive – d’une famille vivant dans un appartement du centre de Nyon (VD). En grandissant, les enfants manifestent un intérêt de plus en plus prononcé pour la terre et pour la nourriture. L’étroit balcon du domicile familial, déjà encombré par une table et une mini-déchetterie, ne permet pas d’accueillir des bacs propices à la culture de légumes. Il reste à peine la place d’y entreposer quelques pots d’herbes aromatiques. Tous les dimanches, la petite troupe met donc le cap sur la parcelle qui lui est allouée dans le jardin participatif local Au-Potager. Parents et enfants s’adonnent aux joies de l’arrosage, du désherbage et – plaisir suprême – de la récolte, tout en bénéficiant de conseils professionnels.

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Offrir une opportunité de pratiquer l’agriculture contractuelle, en tant que nouvelle voie de consommation alimentaire: c’est le but affiché par l’association  Au-Potager, qui compte déjà trois antennes dans le canton de Vaud. Cette structure, qui propose par ailleurs des services visant à multiplier cet type de jardins en Suisse romande, fait partie des quatre projets qui ont décroché en 2022 un accompagnement Star’Terre. Les autres lauréats sont Local Impact (élaboration de la plateforme digitale fribourgeoise «Cuisinons notre région»), L’Ortie (projet de maraîchage en gouvernance partagée sur sol vivant dans le canton de Genève) et Lupi Food (développement dans le canton de Vaud d’une nouvelle filière de protéines végétales liée au lupin suisse).

Dans le cadre de cet accompagnement qui s’étend sur trois ans et représente environ 12 000 francs par projet, les quatre structures bénéficient d’expertises thématiques dispensées par des professionnels (par exemple en ce qui concerne la chaîne de valeur, les aspects juridiques, l’éco-conception ou encore la stratégie économique). Ils ont par ailleurs accès à une base d’informations ainsi qu’à des outils spécifiques, et peuvent s’appuyer sur le solide réseau d’acteurs des écosystèmes à l’interface desquels Star’Terre se positionne activement: écosystèmes agricole, entrepreneurial, de l’innovation et académique.

Promouvoir la consommation locale

Le nom Star’Terre en dit long sur la nature et les objectifs de cette entité, qui se veut – entre autres – un trait d’union entre le monde des start-up et celui de la terre. «Notre but est de rapprocher les milieux agricoles, alimentaires, de l’innovation et de l’entrepreneuriat autour d’une thématique centrale, celle de la consommation locale», explique Magali Estève, membre de l’équipe de coordination. Par «locale», on entend ici une région qualifiée de «métropole lémanique» et recoupant les cantons de Vaud, de Genève, de Fribourg et du Valais, où Star’Terre est active.

Star’Terre est une structure très jeune, puisqu’elle n’existe sous sa forme actuelle que depuis mars 2020. Mais il s’agit en fait d’un prolongement du projet intercantonal «Consommation locale dans la métropole lémanique» réalisé dans le cadre du «Programme pilote territoire d’action Économie» développé par le SECO. Ce programme national, qui comportait six projets au total, s’est déroulé sur trois ans, entre 2017 et 2019. Suite à cette expérience, les acteurs impliqués dans l’aventure «Consommation locale dans la métropole lémanique» ont décidé de pérenniser la structure, ce pour deux raisons. Premièrement, parce qu’elle apportait des éléments de réponses à plusieurs lacunes (notamment le manque d’aides spécifiques aux projets situés à l’interface entre entrepreneuriat agricole et non agricole, ainsi que le manque de synergies entre les divers programmes de soutien existants). Deuxièmement, parce qu’elle permettait de mettre en valeur le potentiel de la métropole lémanique.

«Star’Terre vise un vrai changement de modèle», souligne Magali Estève. «Nous appuyons les acteurs locaux dans leur volonté d’innover, de partager et de mieux valoriser les savoir-faire agricoles et alimentaires.» Le tout dans une optique de «retour de la valeur ajoutée aux producteurs et à la région». Initiative intercantonale dès ses débuts, Star’Terre est portée par les services de l’agriculture des quatre cantons impliqués, ainsi que par l’Association suisse pour le développement de l’agriculture et de l’espace rural (AGRIDEA), à laquelle est rattachée Magali Estève.

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Retour de valeur ajoutée

«Notre structure a été conçue comme un guichet qui propose des informations et des outils à tous les porteurs de projets en lien avec les thématiques se situant dans notre domaine de compétences, agriculteurs et entrepreneurs en tête», explique Magali Estève. Il suffit pour ce faire de prendre rendez-vous avec un membre du réseau Star’Terre, qui oriente vers les organismes compétents et les ressources adaptées. A noter que le soutien de la structure est payant pour les projets hors appel.

Au-delà de cette fonction de guichet, Star’Terre se veut aussi un lieu de mise en réseau (qu’il s’agisse de compétences ou de ressources), ainsi qu’une base de connaissances. «Nous éditons de la documentation, par exemple un guide pour lancer son épicerie participative.» Sans oublier la mise sur pied d’évènements. Un webinaire gratuit a ainsi présenté des outils d’innovation axés sur les circuits courts pour agriculteurs, start-up et PME. Lors d’un cycle de rencontres thématiques, les participants ont pu découvrir les avancées en matière de techniques de valorisation des coproduits et des déchets agricoles et alimentaires. «Nous constatons un intérêt de plus en plus marqué pour les notions d’analyse du cycle de vie, de circularité; c’est un pilier que nous allons encore renforcer.»

Reste que le cœur d’activité de Star’Terre demeure l’accompagnement de projets en phase de démarrage. «Il doit s’agir de projets qui ont moins de trois ans et qui ont trait à la production, la transformation, la distribution ou la valorisation», précise la responsable. Logiquement, les personnes qui déposent une demande de soutien doivent être actives dans la zone d’activité de Star’Terre. Par ailleurs, leur projet «doit d’une manière ou d’une autre contribuer à l’augmentation du volume de consommation de produits locaux et présenter un retour de valeur ajoutée pour l’agriculture locale». Enfin, les initiatives soumises au comité de sélection doivent être axées sur la nouveauté, avoir des chances de succès, «être facilement reproductibles dans un autre canton et potentiellement atteindre un marché dépassant les frontières de la métropole lémanique».

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Un modèle à exporter

Depuis le lancement de la structure pilote en 2017, 26 projets ont été accompagnés par Star’Terre. Parmi eux figure un des «Fruits de Martigny», une société anonyme active depuis plus de vingt ans dans la commercialisation de fruits et légumes valaisans. «Elle souhaitait innover en produisant une gamme de jus de fruits et de légumes aux valeurs nutritives préservées grâce à la pascalisation», un processus de pasteurisation à froid par haute pression, rapporte Georg Bregy, adjoint du chef du Service valaisan de l’agriculture et membre du comité de pilotage de Star’Terre. Ce projet, qui a obtenu un soutien en 2020, «constitue un bel exemple de l’apport de Star’Terre à l’économie régionale», poursuit-il. «Dans un canton alpin et touristique comme le Valais, utiliser l’innovation pour favoriser la consommation de la production locale est particulièrement intéressant.»

Autre canton, même son de cloche. Jean-Marc Sermet est le chef du secteur contributions et structures de l’Office genevois de l’agriculture et de la nature. Il est lui aussi membre du comité de pilotage de Star’Terre. «Avant, nous avions tendance à nous concentrer sur le terrain agricole; or, en allant au-delà, en trouvant des chemins innovants pour mettre en contact producteurs et consommateurs à travers des start-up, on génère une vraie plus-value pour l’agriculture et l’économie cantonales.» Il cite l’exemple de la Manufacture du Terroir, un projet genevois lauréat en 2021. «Il s’agit d’un atelier partagé de transformation de petits volumes de fruits et légumes, qui met à disposition des producteurs locaux l’infrastructure et les outils leur permettant de fabriquer jus, soupes, etc.»

Les deux responsables cantonaux saluent à l’unisson le fait que la vision de Star’Terre ne s’arrête pas au lopin de terre. «Ce n’est pas parce qu’on est dans le domaine agricole qu’on ne doit pas regarder au-delà de son champ, de sa commune, de son canton», commente Jean-Marc Sermet. «Durant la phase pilote de notre projet, nous avons constaté que la métropole lémanique représentait une vraie réalité en termes de flux de consommation», complète Magali Estève. «C’est un espace où les circuits longs et courts peuvent coexister, et même collaborer, harmonieusement.» Ce modèle suscite l’enthousiasme ailleurs en Suisse. Il ne serait dès lors pas surprenant que Star’Terre fasse des émules, y compris Outre-Sarine.

starterre.ch

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Deuxième printemps pour les cerises

Jana Avanzini

Bière à la cerise, saucisse à la cerise, tourte au kirsch de Zoug: les cerises de Zoug sont commercialisées avec une très belle habileté. En prime, les arbres sur lesquels mûrit leur récolte sont très beaux, surtout lorsqu’ils rayonnent de leurs fleurs blanches au printemps. La culture des cerises avait pourtant beaucoup perdu de son attractivité en Suisse centrale. Tant les connaissances que la tradition semblaient se perdre, tout comme les arbres à haute tige disparaissaient du paysage. Il semble maintenant que le cerisier refleurisse – grâce au projet de développement régional (PDR) «Zuger Rigi Chriesi».

Des cerisiers se dressaient probablement à Zoug 200 ans après J.-C. Autour du Rigi, on les cultivait déjà assidûment au XIVe siècle. Car non seulement les fruits, mais aussi le bois étaient des biens recherchés. En lien avec ces fruits de Suisse centrale, on connaît aujourd’hui surtout la tourte au kirsch de Zoug. Elle a été conçue en 1915 par le pâtissier Heinrich Höhn. Elle est devenue culte plus tard et a été inscrite en 2008 à l’inventaire du Patrimoine culinaire suisse. Mais le kirsch de la région du Rigi était déjà devenu un article d’exportation apprécié dès le milieu du XIXE siècle, avant son utilisation sous forme de dessert sucré. Il faut aussi mentionner le marché aux cerises de Zoug attesté pour la première fois en 1627 et le «Zuger Chriesisturm», un événement lors duquel les hommes et les enfants courent à travers la vieille ville de Zoug avec de longues échelles et les femmes avec des hottes.

Le sauvetage d’une tradition

L’année 1951 a constitué, en termes de quantité d’arbres, l’apogée de la culture des cerises dans le canton de Zoug. On comptait à ce moment-là 112 000 cerisiers dans la région Zoug-Rigi. Mais une forte régression a commencé peu après. Les changements dans l’agriculture et les bas prix des fruits ont fait que de nombreux paysans n’ont plus pu vendre leurs cerises et ont laissé les arbres à eux-mêmes. Les campagnes d’abattage menées par la Régie fédérale des alcools dans les années 1950 et les primes à l’arrachage versées jusque dans les années 1980 ont accéléré les changements structurels dans l’arboriculture. De plus en plus de terres ont aussi été réaffectées : les «montagnes à cerisiers» sont devenues des routes et des zones urbanisées.

Le creux de la vague a été atteint au tournant du millénaire avec quelque 44 000 arbres sur le territoire. Afin que les arbres à haute tige caractéristiques ne disparaissent pas complètement du paysage régional et que l’on puisse continuer à produire des articles traditionnels avec des fruits régionaux, il a fallu investir et recréer des conditions attractives pour que les paysannes et les paysans exploitent le sol de la façon voulue.

C’est sur ce point qu’intervient la Zuger Rigi Chriesi SA. C’est à son travail et donc principalement au projet de développement régional (PDR) «Zuger Rigi Chriesi» que l’on doit le deuxième printemps que les cerisiers vivent à Zoug et autour du Rigi. Le programme des pdr de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) soutient la création de valeur ajoutée dans l’agriculture ainsi que la coopération régionale. En combinaison avec des objectifs économiques, il poursuit également des intérêts écologiques, sociaux ou culturels – et donc aussi paysagers.

© regiosuisse

Davantage d’arbres …

Toute la région bénéficie à plusieurs niveaux de la promotion de l’arbre à haute tige, souligne Michela D’Onofrio, directrice de la Zuger Rigi Chriesi SA: «Cette promotion revalorise le paysage, préserve la tradition et promeut la biodiversité et les perspectives agricoles.»

Plus de 2500 cerisiers à haute tige ont été plantés pendant la durée du projet de 2011 à 2018, dans le canton de Zoug ainsi que dans neuf communes schwyzoises et sept communes lucernoises – non seulement par la Zuger Rigi Chriesi SA, mais aussi par l’IG Zuger Chriesi, qui s’est également vouée à la relance de la culture des cerisiers, tout en se limitant au canton de Zoug. Planter ces arbres est toutefois ce qui demande le moins de travail, précise Michela D’Onofrio. Il est beaucoup plus exigeant et important de rendre cette culture attractive à long terme.

Car la culture seule n’y suffit pas. Le travail consiste surtout à développer, par un marketing professionnel, des canaux de vente pour de plus grandes quantités, dans le commerce de détail ou la restauration. Les cerises doivent être vendues chez les grands distributeurs et comme cerises industrielles, marchés dominés actuellement par des cerises d’autres pays, produites à moindre coût. Il s’agit également de promouvoir les échanges de connaissances au sein de réseaux régionaux et interrégionaux – au sujet des arbres, de leurs fruits, de leurs ravageurs ou encore de la transformation.

La SA qui est devenue le projet phare des PDR existe depuis dix ans. Après quatre ans, ce PDR a été prolongé de trois nouvelles années. Maintenant, il est officiellement terminé pour la Confédération, de même que son cofinancement par les pouvoirs publics. La Confédération a payé environ un million de francs sur les quatre millions que le projet a coûtés. Mais le travail continue. Michela D’Onofrio poursuit avec une collègue la commercialisation et le réseautage, financés par le chiffre d’affaires de leurs propres produits.

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… beaucoup de travail

Dans le verger de Peter Meier à Rotkreuz, les arbres commencent déjà à fleurir mi-mars. Grâce à leur floraison précoce, ils fournissent aux abeilles une nourriture importante après l’hiver. Peter Meier s’avance d’un pas rapide entre les arbres à haute tige, en direction des plus de cent nouveaux arbres qu’il vient de planter. Ils produisent encore peu de fruits, mais feront bientôt concurrence aux vieux arbres qui étaient encore exploités par le père de Peter Meier.

En plus des veaux et des sapins de Noël, les quelque 450 cerisiers à haute tige sont maintenant un pilier principal de son travail à la ferme. Un travail beaucoup plus chronophage que ce que les profanes peuvent s’imaginer. Car les arbres doivent être taillés et traités – plusieurs fois à la chaux et une fois au cuivre, puis aux pesticides contre la mouche de la cerise et contre la nouvelle drosophile du cerisier (suzukii), encore plus agressive. Il peut aussi arriver que les cerises subissent la pourriture qui rend une grande partie de la récolte inutilisable, ou que des souris mangent les racines, comme Peter Meier vient justement d’en faire l’expérience.

Peter Meier, Rotkreuz (ZG), procède à un paillage pour lutter contre la drosophile du cerisier © regiosuisse

Fierté et porte-monnaie

Il faut investir à peu près 7000 francs suisses par arbre en travail et en matériel jusqu’à ce qu’il produise une vraie récolte, calcule Michela D’Onofrio. Il faut attendre sept ans jusqu’à ce qu’un arbre atteigne sa pleine floraison, après quoi il produit autour de 100 kilos de fruits chaque automne.

Pour Peter Meier, il y a derrière ce travail davantage que le seul rendement agricole. La tradition et le paysage lui tiennent à cœur – lorsque les arbres fleurissent au printemps ou rayonnent d’orange et de rouge en automne. «Même lorsque je vois les produits au magasin, je suis fier. Mais finalement – il faut aussi le dire – le porte-monnaie compte. C’est décisif pour savoir si on peut continuer à miser sur un produit.» Il peut désormais le faire, car les prix payés au producteur ont presque doublé au cours des dix dernières années. On le doit au PDR et à l’engagement régional. C’est ainsi que Peter Meier, comme nombre de ses collègues, peut aujourd’hui produire des cerises en couvrant ses coûts et planter encore davantage de cerisiers le long du chemin Obere Bachtalen.

zuger-rigi-chriesi.ch

blw.admin.ch/pdr

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Un Parc à vivre et à partager

Nathalie Jollien

Pour préserver et entretenir ses paysages, le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut a misé principalement sur l’économie alpestre et le maintien de savoir-faire ancestraux qui font son identité. Il a réalisé des actions en faveur de la biodiversité qui ont par la même occasion amélioré la qualité paysagère et planche sur une toute nouvelle Stratégie paysage. Le paysage constitue la ressource principale de ces régions et joue un rôle déterminant pour leur développement. Les activités touristiques sont directement liées à la qualité du paysage, lequel est un aspect important pour la commercialisation des fromages AOP Gruyère d’alpage, L’Étivaz et le Vacherin fribourgeois.

À l’intersection entre les cantons de Fribourg, Vaud et Berne, dans une zone de montagnes des Préalpes, 630 km² forment le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Fondé en 2012, le Parc implique aujourd’hui 17 communes situées entre Montreux, Gstaad et Gruyères. Son territoire s’étend donc des bords du Léman jusqu’à des sommets de 2500 m d’altitude. Selon François Margot, ingénieur agronome et co-coordinateur du parc: «Cette différence altitudinale nous offre une grande diversité faite d’une mosaïque de zones d’herbage et de forêts, parsemée de zones bâties, d’habitations, mais aussi de rochers et de zones plus naturelles bien présentes surtout dans la partie sud du Parc à haute altitude.»

François Margot © regiosuisse

Le paysage, l’élément clé de la valorisation économique

Ce paysage représente la ressource primaire de la région et joue un rôle fondamental dans le développement régional. «La population locale y est très fortement attachée. C’est un élément indéniable de la qualité de vie des habitants qui leur donne envie de vivre et s’investir dans la région», indique celui qui a été secrétaire régional de l’association de développement économique régionale du Pays-d’Enhaut pendant 30 ans. Toutes les activités touristiques sont également directement liées à la qualité paysagère du lieu. Les touristes sont principalement attirés par le paysage et le patrimoine culturel immatériel, ces traditions vivantes qui font l’identité de ces régions. «Pour moi, ces deux éléments sont fortement imbriqués, car le paysage donne la possibilité d’une valorisation économique de nos produits traditionnels. C’est ce qui permet au Gruyère d’alpage AOP, à L’Etivaz AOP et au Vacherin fribourgeois AOP de se différencier de fromages qui viendraient de l’industrie, ce qui leur donne un avantage comparatif.»

© regiosuisse

De fait, le paysage du Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut est considérablement marqué par mille ans d’occupation paysanne. L’agriculture et l’économie alpestre y sont encore très actives et continuent à influer sur le paysage. «Soutenir l’agriculture traditionnelle, c’est notre meilleur moyen de conserver le paysage.» Les propriétaires de terrains sont les principaux acteurs pour maintenir les clairières, les lisières, les paysages ouverts, mais aussi la qualité du bâti avec les éléments typiques du paysage régional que sont les bâtisses aux toits recouverts de tavillons (tuiles de bois) ou les murs en pierre sèche.

L’accompagnement à la création de réseaux écologiques dans l’agriculture dans chacune des quatre régions qui le forment a été dès le départ une priorité pour le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Il a ensuite été mandaté par les associations agricoles régionales pour mettre en place un projet de qualité du paysage donnant droit à des paiements directs complémentaires par l’Office fédéral de l’agriculture. «Nous avons été pionniers avec cet engagement. Ce projet contribue à maintenir les paysages ouverts et à diversifier les éléments boisés dans nos paysages agricoles.»

Pont de bois du XVIIe siècle sur la Sarine entre Montbovon et Lessoc © regiosuisse

Favoriser la biodiversité et améliorer la qualité paysagère

Afin de sélectionner, orienter et promouvoir ses projets notamment, le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut utilise régulièrement des instruments de la politique paysagère suisse. «L’inventaire des paysages d’importance fédérale (IFP) ou cantonale réalisé récemment par le canton de Fribourg, les inventaires des sites construits à protéger (ISOS) ou les inventaires des biotopes sont des bases de planification sur lesquelles nous nous appuyons, mais aussi des leviers d’action pour susciter des applications concrètes auprès des communes par exemple.»

Pour l’instant, les mesures paysagères directement mises en œuvre par le Parc ont été plutôt occasionnelles. Par contre, des actions conduites en faveur de la biodiversité ont par la même occasion eu un impact positif sur la qualité du paysage. Citons des mesures de renaturations des eaux, la plantation de plus de 900 arbres fruitiers à haute-tige ou encore une campagne de création de haies.

La restauration de deux châtaigneraies au-dessus de Villeneuve fait aussi partie des actions réalisées par le Parc. En 2012, 2,4 hectares de forêt sont réaménagés grâce à une aide financière venant principalement du Fonds suisse pour le paysage, mais également de subventions cantonales et fédérales et de la vente du bois coupé sur le terrain. Afin de pérenniser la châtaigneraie, le Parc a créé une association de 17 propriétaires chargée d’organiser les travaux d’entretien et de s’assurer de la longévité du lieu.

Mise en place d’une Stratégie paysage

Après bientôt dix ans d’existence, le Parc arrive au terme de la validité de sa Charte, contenant les grands axes de travail, les champs d’action et le positionnement du Parc par rapport aux autres acteurs et institutions de la région. «Nous avons demandé le renouvellement de notre reconnaissance fédérale en tant que parc naturel régional pour les dix ans à venir et travaillons sur l’établissement d’une nouvelle Charte. Nous avons notamment prévu de mettre en place une Stratégie paysage et donc d’élaborer activement des projets de qualification paysagère.» Des demandes de financement sont en cours pour démarrer dès cette année des projets de restauration de sentiers et de murs dans l’IFP du Vanil Noir. Dans le cadre de ce renouvellement, il est prévu que quatre autres communes des cantons de Berne, de Fribourg et de Vaud rejoignent le Parc – un indice de son attractivité pour la population. La stratégie passera également par une mise en avant de la thématique du paysage dans les politiques communales et le débat public. L’objectif étant de donner une place explicite au paysage, qui n’occupe encore bien souvent que le second plan.

© regiosuisse

L’impact économique du Parc

Bien que difficiles à cerner, on estime que les retombées économiques globales cumulées sur sept ans (2011-2018) s’élèvent à 25 000 000 francs. Ce chiffre comprend aussi bien les retombées directes et indirectes que des retours en termes d’image. Le Parc génère un apport important de financements cantonaux et fédéraux pour la réalisation de son programme d’actions. Il donne également accès à des financements complémentaires auprès de fondations et autres partenaires. La grande majorité de ces ressources financières sont dépensées dans le territoire du Parc et permettent le développement de diverses activités économiques.

Le Parc a par exemple créé des offres touristiques comme des conférences, ateliers, visites et autres animations. Elles entraînent des revenus pour les partenaires et prestataires de la région (hôtels, chambres d’hôte, restaurants, commerces, producteurs, accompagnateurs en montagne); environ 4500 visites en sept ans, avec 150 000 francs versés aux prestataires. Il a des collaborations régulières avec les Offices du tourisme régionaux environnants dont celui de Gstaad ou avec la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises pour coordonner leurs activités.

Des accords de partenariat sont aussi établis avec quatre associations de développement économique régional. Le Parc coopère notamment très régulièrement avec l’association Pays-d’Enhaut Région au sujet de la marque déposée «Pays-d’Enhaut Produits Authentiques» et de la marque «Parc». Il est aussi en charge du développement de la filière bois.

gruyerepaysdenhaut.ch

bafu.admin.ch/parcs

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In Iffwil im fruchtbaren Berner Mittelland bewirtschaftet Klaus Zaugg sechzehn Hektaren Boden, von denen ein Viertel Pachtland und rund 3,5 Hektaren Wald sind. Seit zwei Jahren wird der Hof nicht mehr als klassischer Familienbetrieb geführt, sondern als Biohof Zaugg AG. Was genau steckt hinter der landwirtschaftlichen Aktiengesellschaft?

«Unser Hof ist zwar flächenmässig eher klein, doch die Bewirtschaftung nach biodynamischen Grundsätzen gemäss Demeter ist ziemlich aufwändig. Hinzu kommt, dass wir unsere Erzeugnisse auch selber verarbeiten und vermarkten. Täglich gehen wir ‹z Märit›, im Wochenturnus nach Bern und auf sechs weitere Märkte in der Region. Wir verkaufen an unserem Stand mehr als 150 verschiedene Produkte, vor allem frisches Gemüse, aber auch Obst, Beeren, Molkereiprodukte, Fleisch, Konfitüre, Honig und noch vieles Weiteres. Wöchentlich bedienen wir rund 700 Stammkunden.

Wir beschäftigen 30 bis 35 Leute, die sich rund 1700 Stellenprozente teilen. Damit erreichen wir personell fast schon die Grösse eines KMU. Hauptsächlich aus diesem Grund haben wir uns 2019 vom Modell des klassischen Familienbetriebs verabschiedet und eine AG gegründet. Diese wird von einer fünfköpfigen Geschäftsleitung geführt. Die Organisationsform gibt uns den notwendigen Spielraum für unsere gesamte Wertschöpfungskette, zu der zum Beispiel auch Milchverarbeitung in unserer eigenen Hofkäserei gehört.

Ich selbst bin für den Gemüsebau verantwortlich, der im regenerativen Anbau erfolgt. Das bedeutet, dass wir den Boden nicht pflügen, sondern nur oberflächlich bearbeiten. In Zukunft möchten wir beim Anlegen der Felder mehr auf die Topografie achten. Ziel ist es, die Erosion und den Wasserabfluss möglichst zu stoppen. Wir pflanzen Baumreihen, die den Wind brechen und die Verdunstung reduzieren. Die Förderung des Wasserkreislaufs über das Mikroklima wird immer wichtiger, denn in den vergangenen Jahren gab es immer wieder Trockenperioden, sodass wir unsere Kulturen bewässern mussten. Der Klimawandel wird immer mehr zu einer Herausforderung. Zum Beispiel tauchen plötzlich neue Arten auf wie seit einigen Jahren die Kirschessigfliege, die unsere Beerensträucher befällt.

Unsere grösste Aufmerksamkeit gilt einem gesunden Boden, denn er ist unsere eigentliche Lebensgrundlage. Aus ästhetischen Gründen und zur Förderung der Artenvielfalt haben wir im Laufe der Jahre eine vielfältige Hecke und Hochstammobstgärten gepflanzt. Zehn Bienenvölker, also rund 300 000 Bienen, sorgen dafür, dass die Äpfel, Birnen, Kirschen, Pflaumen, Zwetschgen und Mirabellen wachsen und gedeihen. Vielfalt ist uns auch auf den intensiv bewirtschafteten Gemüsefeldern wichtig. Dabei sind wir ständig am Ausprobieren von neuen Saaten und Sorten. Neuerdings ernten wir Süsskartoffeln und Borlotti-Bohnen, eine beliebte und gesunde Hülsenfrucht.

Nach getaner Arbeit geniesse ich es, über unseren Hof zu spazieren und den Blick über die Felder, Bäume und Hügel schweifen zu lassen. In dieser Landschaft, die für mich Arbeits- und Erholungsraum ist, bin ich ganz zu Hause. Ich überlege mir auf diesen Spaziergängen, wie sich die Landschaft hier weiter verschönern liesse. Hoffentlich enden unsere Hecken eines Tages nicht länger an der Hofgrenze, sondern sind Teil eines grossen Netzwerks. Wie ausgeräumt unsere Umgebung vielerorts ist, ist mir kürzlich während einer Reise in Norddeutschland aufgefallen. Wir besuchten eine Region, wo die Bauern der Natur offensichtlich noch mehr Spielraum lassen mit dem Resultat, dass die Landschaft dort deutlich abwechslungs- und artenreicher ist als bei uns.»

biohofzaugg.ch

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Mit Trockenmauern begrenzten die Bauern früher ihre Felder, und sie terrassierten damit steile Hänge. Lange Zeit prägten Trockenmauern das Bild vieler Landschaften. In der modernen Landwirtschaft mussten sie grösstenteils Rädern und Maschinen weichen oder zerfielen, da sie ihre Funktion verloren. Mit den Trockenmauern verschwanden auch viele wertvolle Biotope. Im November 2019 hat die UNESCO Tro­ckenmauern zum Weltkulturerbe erklärt. Das hat unzählige Projekte ausgelöst, so auch im Glarnerland. Was beim Wiederaufbau zerfallener Trockenmauern die eigentliche Herausforderung ist, weiss Daniel Kunz.

«Wir restaurieren in einem kleinen Team von sechs Leuten die zerstörten Trockenmauern entlang eines alten Geissenwegs. Unser Gelände befindet sich über dem Talboden, zwischen Mitlödi und Lassigen, unter dem Vorder Glärnisch. Das Projekt wird von Pro Natura und weiteren Umweltorganisationen finanziert.

Mauern ohne Mörtel zu bauen, ist meist reines Handwerk, das man nur in der Praxis lernen kann. Technisch gibt es dabei einen gewissen Spielraum, aber wir Trockenmaurer brauchen auf jeden Fall ein gutes Auge und eine gewisse praktische Begabung. Weil wir keine Bindemittel verwenden, müssen wir umso mehr auf die Statik und die Gesetze der Schwerkraft achten. Ausserdem versuchen wir, der Mauer ein bestimmtes Gepräge zu geben.

Als Einundsechzigjähriger bin ich eher ein spätberufener Trockenmaurer. Aber ich habe zeitlebens immer viel im Freien gearbeitet, zum Beispiel in der Landwirtschaft und auf der Alp. Dieses Projekt ist mehr als einfach ein Job, sondern mit Leidenschaft verbunden. Und mit wachsender Erfahrung macht der Trockenmauerbau auch immer mehr Spass. Jedenfalls gibt es mir ein gutes Gefühl, Landschaft auf diese Art gestalten zu können, auch wenn ich am Abend meistens todmüde bin. Aber weil ich nur am Montag, Donnerstag und Freitag als Trockenmaurer tätig bin, habe ich dazwischen genügend Zeit, neue Kräfte zu sammeln. Die Arbeit im Freien ist ein idealer Ausgleich zu meinem angestammten Beruf als Bewegungs- und Tanztherapeut, den ich jeweils am Dienstag und Donnerstag am Kantonsspital Glarus ausübe.

In unserem bunt durchmischten und ziemlich internationalen Trockenmaurerteam bin ich der einzige Einheimische. Die Landwirte vor Ort interessieren sich für unser Werk nicht sonderlich. Hauptsache, sie können die Felder links und rechts unserer Trockenmauern weiterhin intensiv bewirtschaften. Gutes Echo erhalten wir hingegen von den Leuten, die hier zufällig vorbeikommen. Sie finden die Trockenmauern am alten Geissenpfad, der heute offiziell auch ein Wanderweg ist, eine Bereicherung und sind begeistert. Schön wäre es, wenn wir unsere Trockenmauern später mit Hecken kombinieren könnten. Das wäre für die Artenvielfalt, vor allem für die Vögel, noch besser.

In meiner Freizeit bin ich meistens in der näheren Umgebung unterwegs, weniger als sportlicher Wanderer, sondern eher als gemütlicher Spaziergänger. Ich fotografiere, beobachte die Natur und mache auch mal ein Lagerfeuer. So kann ich die Landschaft, die für mich viel mehr ist als bloss eine Kulisse, intensiv geniessen. Ich kann darin auftanken und mich körperlich und geistig im Gleichgewicht halten.

Meine Ferien verbringe ich am liebsten in Portugal. Auf meinen Streifzügen in den Kork- und Steineichenwäldern im Alentejo beeindruckt mich immer wieder, wie sehr jede Landschaft ihren eigenen Charakter hat. Leider erlebe ich auch immer wieder, wie rücksichtslos mancherorts mit Landschaft umgegangen wird. Vielen Menschen fehlt offensichtlich das Gespür für die Qualitäten und Schönheiten der Landschaft.»

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Christelle Conne est à la tête de la Cave Champ de Clos, une exploitation transmise de génération en génération depuis le 15e siècle. Diplômée de l’École Suisse de tourisme, elle s’est d’abord consacrée au domaine de l’événementiel pendant une dizaine d’années, avant d’effectuer une reconversion professionnelle. Son vignoble comprend dix hectares situés entre Montreux et Lutry au cœur de Lavaux Patrimoine mondial de l’UNESCO.

«Cela va faire dix ans que j’ai repris l’exploitation de mes parents et je ne me lasse toujours pas du paysage. Nous avons cette chance incroyable d’avoir nos vignes en terrasse en face du lac Léman. J’y suis tous les jours et je trouve l’endroit merveilleux à chaque fois.

Mais ça ne se fait pas tout seul. La beauté du lieu est le résultat d’un effort quotidien. Je passe mon temps à lutter contre les maladies et à essayer de canaliser cette végétation qui part dans tous les sens. Il faut aussi entretenir les murs et les escaliers de pierre, régulièrement réaliser de la maçonnerie et contrôler les systèmes de drainage par exemple. Ma vigne reste avant tout un outil de travail qui me sert à produire du vin, mais je me sens fière de pouvoir contribuer au charme de Lavaux en exerçant mon activité professionnelle.

Cependant, les domaines en terrasse ne sont pas évidents à exploiter et une grande partie du travail doit se faire à la main notamment. Les coûts à l’hectare y sont nettement plus élevés que pour un vignoble plus plat. Malheureusement, nous ne pouvons pas répercuter ces coûts sur le prix des bouteilles de vin. C’est un défi que tous les vignerons de la région vont devoir relever ces prochaines années.

Le paysage de Lavaux reste néanmoins un atout pour mon exploitation. Il attire des touristes qui se disent époustouflés en arrivant. Après l’inscription de Lavaux au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2007, le nombre de vacanciers d’outre-mer a clairement augmenté. Avant la pandémie, je recevais des cars de plus de cinquante touristes plusieurs fois par semaine, car mon domaine fait partie du circuit touristique de plusieurs tour-opérateurs. Généralement, ils viennent de Berne et repartent rapidement pour Zermatt ou Chamonix. À Chexbres, nous les accueillons pour une visite de la cave et une dégustation de vins. Les ventes de vin par contre n’ont pas significativement augmenté.

Le fait que mon vignoble soit inclus dans le Patrimoine mondial ne me donne pas de contraintes particulières. Nous ne sommes pas considérés comme un territoire naturel, mais plutôt comme un territoire vivant. Les vignes en terrasses ont été construites par l’Homme et l’endroit va probablement se transformer dans le futur. À l’époque de mon grand-père, toutes leurs vignes étaient cultivées en forme de gobelet et il n’y avait pas d’herbe au sol par exemple. Aujourd’hui, le système de taille est différent ; les vignes sont en lignes et les terrains enherbés. Les connaissances technologiques et les méthodes culturales vont pouvoir continuer d’évoluer avec leur temps et ne pas rester figées dans un schéma qui serait complètement dépassé.

Si l’UNESCO ne nous donne pas de contraintes sur les modifications que l’on peut apporter sur notre territoire, nous autres vignerons devons par contre suivre de nombreuses réglementations ; notamment celles édictées par la Confédération sur la culture de la vigne ou le plan d’affectation régional de Lavaux (PAC Lavaux) mis en place suite aux initiatives de M. Franz Weber*. »

cavechampdeclos.ch

microgis.ch/MGonline/PACLavaux

* L’initiative populaire de Franz Weber a obtenu en 1977 la protection du vignoble de Lavaux. Le plan d’affectation cantonal de Lavaux (PAC Lavaux) est la réponse à une nouvelle initiative de 2014 qui voulait réduire les zones à bâtir de Lavaux.

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Lionel Tudisco travaille depuis 2012 pour l’administration de la Ville de Sion, capitale du Valais. Il a été responsable de «AcclimataSion», un projet pilote d’adaptation au changement climatique de la ville, soutenu par la Confédération entre 2014 et 2016.

«J’ai vécu quelques années sur l’arc lémanique, notamment pour réaliser mes études de géographie. Puis j’ai déménagé en Valais, lorsque j’ai été engagé par le Service de l’urbanisme et de la mobilité de la Ville de Sion. En revenant dans mon canton d’origine, j’ai pris conscience du paysage exceptionnel de la région et de son importance pour ses habitants. Je me rappelle qu’à cette période, le plan directeur communal – un document qui fixe les grandes orientations stratégiques de la ville sur les trente ans à venir – mettait en avant les spécificités du paysage sédunois avec un souhait appuyé de les conserver et de les valoriser tout en fixant des limites claires à l’urbanisation pour éviter les problématiques liées à l’étalement urbain. La Municipalité affirmait donc la particularité de Sion, un territoire ‹entre ville et paysage›, ça m’avait interpellé.

De fait, Sion a une identité paysagère très forte. Sa vieille ville date de l’époque médiévale. Avec les récentes fusions de communes de coteau, le territoire de la commune s’étend du centre urbain en fond de vallée jusqu’au montagnes, à 2000 mètres d’altitude. Il comprend par exemple deux coteaux parsemés de vignes ou de forêts, suivant l’exposition, des collines héritées de l’époque glaciaire, des châteaux médiévaux ou encore des lacs. Tout cela forme un paysage très varié, voire hétéroclite, qui concentre pratiquement toutes les problématiques suisses. Pour les spécialistes de l’aménagement du territoire et les urbanistes, c’est un territoire très intéressant à travailler.

Le paysage est pris en compte dans tous nos projets. Nous recevons quotidiennement des demandes de préavis pour de futures constructions. En appliquant notre règlement des constructions, nous devons parfois réaliser une pesée d’intérêts, nous questionner si c’est vraiment le bon endroit pour implanter ce genre d’affectation. Notre but est de tirer parti du paysage pour essayer de structurer le développement de la ville au mieux, tout en permettant aux nouveaux usages et changements en cours comme l’adaptation au changement climatique d’être considérés. Nous devons d’abord établir quelles sont les valeurs d’un territoire, les éléments en danger ou les éléments identitaires à préserver. Il s’agit ensuite de mettre en place des processus pour protéger ou non ces éléments-là. L’idée n’est pas de placer la ville sous cloche, elle doit pouvoir évoluer.

Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé sur la notion de changement perpétuel, notamment en développant avec la SIA une application de réalité augmentée qui montre l’évolution des espaces publics de la Ville de Sion au cours du dernier centenaire. À l’annonce d’une modification, il peut y avoir des réactions fortes et des blocages, car le paysage est hautement lié à l’émotionnel, à l’attachement culturel ou aux souvenirs qu’on en garde. Ces notions psychologiques sont importantes à prendre en compte pour accompagner les démarches de changement.

Dans le cadre d’‹AcclimataSion›, nous avons notamment développé des guides pédagogiques destinés à la population. Ils expliquent pourquoi il est essentiel d’apporter de la nature et du soin aux aménagements extérieurs dans les projets de transformation ou de conception d’un bâtiment. Pour moi, une des missions des collectivités publiques consiste à faire prendre conscience aux acteurs de la construction de leur responsabilité à l’égard du paysage et de ses valeurs naturelles et culturelles. Il n’y a pas seulement la ville qui soit responsable de créer des projets de qualité, les privés aussi ont un rôle à jouer, ce sont surtout eux qui font la ville.»

sion.ch/acclimatasion

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Les opportunités de l’agriculture urbaine

L’«agriculture urbaine» est un phénomène vaste et diversifié qui va bien au-delà du jardinage de balcon et des toits cultivés. Elle inclut non seulement des projets innovants et de nouveaux modèles d’«urban gardening», mais aussi des exploitations agricoles qui ont misé sur les avantages de la proximité avec la ville et ont développé de nouveaux modèles d’affaires. Une publication en ligne d’AGRIDEA traite des opportunités de l’agriculture urbaine en présentant divers exemples et propose des informations de fond ainsi que des conseils et des astuces pour le développement de projets individuels.

agripedia.ch/agriculture-et-ville