Vacances plus lentes, plus légères, plus locales

Jana Avanzini

Au cours des dernières années, on a moins pris l’avion à cause de la pandémie. On a passé plus fréquemment les vacances à la maison ou à la montagne près de chez soi plutôt que sur une plage bordée de palmiers. Mais tant après qu’avant la pandémie, la tendance en Suisse est aux voyages toujours plus lointains et polluants. Le trafic aérien joue un rôle central dans les émissions liées à la mobilité: il est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Le trafic de loisirs représente en outre l’un des facteurs les plus importants du trafic individuel motorisé.

Afin d’améliorer l’efficience énergétique de la mobilité de loisirs, l’Académie de la mobilité du Touring Club Suisse (TCS) a entrepris, avec le projet «bleib hier», de développer des offres locales attractives. Ce projet avait pour but de promouvoir des voyages plus lents, plus légers et plus locaux. Il s’est concentré pour cela sur des offres de vacances en Suisse, d’excursions dans la région ou de camping avec vélos. «bleib hier» a beaucoup misé sur les vélos électriques et les vélos-cargos, les carvélos. L’offre incluait des tours en carvélo à travers la Suisse, des offres de vacances en famille avec hébergement, de camping, ainsi que des micro-aventures avec des vélos-cargos.

Les résultats après trois ans montrent que toutes les offres n’ont pas trouvé un public, mais les offres de camping avec vélocargo ont eu du succès et seront proposées et développées dans les campings TCS de toute la Suisse. D’autres offres en revanche ont été supprimées. Il a néanmoins été possible de tirer des leçons du projet pour de nouvelles offres et de nouveaux développements, notamment en termes de partenariats prometteurs et de communication.

bleibhier.ch

suisseenergie.ch/encouragement-de-projet/como/

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Le covoiturage pour mieux desservir les zones rurales

Patricia Michaud

L’équation «participation sociale = véhicule privé» a la dent dure, surtout dans les zones rurales. Deux expériences pilotes suisses lancées dans le cadre d’Interreg Alpine Space – et de son projet MELINDA – visaient à changer les habitudes, en se basant sur le covoiturage et les nouvelles technologies.

Réduire l’empreinte écologique liée aux déplacements en privilégiant une mobilité multimodale, c’est bien. Planifier cette évolution en se basant sur les habitudes et les besoins effectifs des usagers, c’est mieux. Grâce aux nouvelles technologies, il est désormais possible d’avoir accès à une multitude d’informations et de les faire circuler en temps réel. Interreg Alpine Space, un programme soutenant des projets de coopération entre les pays de l’espace alpin, souhaite mieux intégrer le potentiel offert par la récolte et l’exploitation de données afin d’encourager le développement d’une mobilité plus verte et durable, que ce soit dans les villes ou les zones rurales.

Lancé en 2018 et achevé en 2021, le projet MELINDA (Mobility Ecosystem for Low-carbon and INnovative moDAl shift in the Alps) visait à soutenir activement les citoyens et toutes les parties prenantes dans leurs efforts en matière de mobilité du futur. La meilleure intégration des données, tout particulièrement au niveau transnational, en était l’un des points centraux. Concrètement, ce projet doté d’un budget total d’environ 2 millions d’euros avait pour but d’améliorer la connaissance des facteurs qui influent sur le changement de comportement en matière de déplacements bascarbone. Il était articulé autour d’une série de projets pilotes en France, en Italie, en Slovénie, en Allemagne, en Autriche et en Suisse.

C’est la Haute école spécialisée de Lucerne (HSLU) qui s’est chargée du volet helvétique de MELINDA, à travers deux projets pilotes. Ils ciblaient des zones rurales dont les transports publics se caractérisent par une cadence peu soutenue, des horaires limités et des parcours indirects, ce qui a pour conséquence un taux particulièrement élevé de véhicules personnels dans la région. Dans les deux cas, l’idée centrale consistait à encourager aussi bien les collectivités publiques que des entreprises privées à s’engager pour le covoiturage.

Le financement de ces projets était porté par des partenaires cantonaux, des sociétés de transport, ainsi que la Nouvelle politique régionale de la Confédération. Rimant respectivement avec l’introduction de Taxito à Maladers (GR) et de HitchHike dans le parc naturel Thal (SO), ils cherchaient tous deux à tester des modèles permettant potentiellement d’augmenter l’accessibilité aux régions rurales, tout en réduisant la dépendance de la population locale aux véhicules motorisés privés.

© regiosuisse

Un smartphone et quelques francs

Le carpooling, qui consiste à créer des communautés de conducteurs et de passagers, peut contribuer à réduire les émissions globales de CO2. Les nouvelles technologies – et surtout la généralisation de leur utilisation par la population – facilitent grandement la mise en lien entre les diverses parties prenantes au covoiturage. Reste qu’à l’heure actuelle, ce modèle de transport est utilisé de façon marginale en Suisse, du moins pour les déplacements quotidiens.

Entre Coire et Maladers, le système de ridesharing Taxito a été mis sur pied afin de pallier l’absence de transports publics dans certaines zones et d’offrir une alternative aux taxis. Ce système consiste à placer des panneaux à des endroits stratégiques, créant des espèces d’arrêts où les véhicules privés peuvent venir charger des voyageurs ayant au préalable indiqué leur destination par sms. Une modeste contribution financière est demandée aux passagers, qui peuvent la régler via leur téléphone portable. À noter que Taxito est davantage adapté aux déplacements occasionnels qu’aux trajets pendulaires. Quant à HitchHike, le service privilégié dans le parc naturel Thal, il s’agit d’une plateforme mettant en lien des personnes effectuant régulièrement un trajet similaire et leur proposant des lieux de rendez-vous sous la forme de places de parc. Une fois le contact initial établi, les conducteurs et les passagers communiquent directement entre eux.

Dans un rapport, la HSLU rappelle que le parc naturel Thal englobe neuf communes totalisant quelque 15 000 habitants répartis sur près de 140 km2. L’offre existante en matière de transports publics ne parvient ni à rendre la région aisément accessible aux personnes ne disposant pas d’un véhicule privé, ni à fluidifier le trafic dans le secteur, dont les routes sont régulièrement sujettes aux bouchons aux heures de pointe. C’est en juin 2019 que HitchHike a été introduit dans la région, via une sous-plateforme de www.hitchhike.ch. Chaque commune de la région concernée a été équipée d’un point de rencontre entre conducteurs et passagers. Ces derniers réglaient entre eux la question d’un éventuel défraiement. À noter qu’il s’agissait de la première utilisation publique de HitchHike, une plateforme créée en 2011 essentiellement à l’intention des organisations.

© regiosuisse

Scepticisme et inclusion

Responsable du dossier MELINDA auprès de la HSLU, Timo Ohnmacht rapporte que le volet suisse du programme «visait à sortir de l’équation ‹participation sociale en zone rurale = véhicule privé› ». En effet, alors que la mobilité est considérée comme un axe central de cette participation, «un argument un peu simpliste consiste à justifier l’utilisation des voitures individuelles en invoquant l’égalité entre tous les habitants du pays, qu’ils vivent ou non en ville». Ce que le sociologue des transports et son équipe ont observé, c’est qu’il est relativement facile de mettre en place un projet tel que celui du parc naturel Thal, «que ce soit techniquement ou politiquement». Constat moins réjouissant, «nos résultats montrent que l’introduction de systèmes de covoiturage dans des zones rurales n’est pas une baguette magique, qu’il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans l’océan».

En effet, «le nombre d’utilisateurs reste très faible et ne suffit en aucun cas à réduire de façon substantielle les émissions de CO2». Pour avoir un impact sur le changement climatique, il faudrait faire drastiquement augmenter le recours à ces services de carpooling, ainsi qu’à toutes les alternatives au trafic routier. «Mais on ne peut pas se contenter de lancer des nouveaux outils et d’informer la population; parallèlement, il faut de la gouvernance, des règles pour restreindre l’attractivité des véhicules privés.» Timo Ohnmacht relève néanmoins que serrer la vis en zone rurale «est délicat, car contrairement aux zones urbaines, les alternatives sont moins nombreuses pour les usagers», ce qui fait planer le risque de discrimination évoqué plus haut.

Certes, les projets testés en Suisse dans le cadre de MELINDA laissent le spécialiste de la hslu sceptique en matière de contribution environnementale, du moins en ce qui concerne le futur proche. Sur d’autres plans, les résultats sont néanmoins prometteurs. «Je pense par exemple aux jeunes qu’il est possible d’emmener jusqu’au prochain arrêt de rer; ou à certaines femmes qui, pour des questions de sécurité, préfèrent rester chez elles que de ‹lever le pouce›, l’autostop étant parfois la seule option dans une région donnée.» Un pas en avant intéressant en matière d’inclusion. D’ailleurs, aussi bien Taxito que HitchHike sont en pleine expansion. Alors que le premier est désormais disponible dans six régions de Suisse – sous la forme de 38 arrêts –, le deuxième vient d’étendre son offre hors des frontières, via le portail www.sayhi.eu.

alpine-space.eu/project/melinda

regiosuisse.ch/fr/base-de-donnees-des-projets

taxito.ch

hitchhike.ch

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«L’avenir sera circulaire»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Comment intégrer la circularité dans l’économie et la société et la promouvoir spécifiquement comme un modèle de développement durable porteur d’avenir? Quelles opportunités particulières offre-t-elle à l’économie régionale? regioS s’est entretenu de ces questions avec Marie-Amélie Dupraz- Ardiot, sustainability manager et responsable de la Stratégie de développement durable du canton de Fribourg, Antonia Stalder, directrice de Prozirkula, ainsi que Tobias Stucki, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut Sustainable Business de la Haute école spécialisée bernoise, département gestion.

regioS: L’économie circulaire est un concept assez ancien. En Suisse, la campagne de la Confédération sur les déchets en avait déjà abordé certains aspects dans les années 1990. Pouvonsnous donc aujourd’hui nous fonder sur ce qui existe ou repartons-nous de zéro?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Le concept d’économie circulaire est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Nous pouvons certes nous fonder sur ce qui existe, mais nous devons en faire nettement plus que jusqu’à présent. Nous ne pouvons pas aborder uniquement le recyclage, mais nous devons développer une perspective plus large où des thèmes comme éviter les déchets, réparer et réutiliser jouent un grand rôle.

Tobias Stucki: En général, nous avons encore trop peu intériorisé le raisonnement par cycles. Il faut réintégrer cette pensée dans nos esprits comme c’était la norme autrefois et comme c’est la norme aujourd’hui encore dans les pays pauvres. Un étudiant de Cuba a remarqué lors d’un cours: «L’économie circulaire, c’est comme nous vivons chez nous.»

Antonia Stalder: Il y a aussi chez nous un point d’ancrage, au moins historique. Les participants à nos formations racontent chaque fois que leurs grands-parents géraient encore leur maison de cette façon. Ils huilaient par exemple leurs meubles deux fois par mois pour pouvoir les utiliser le plus longtemps possible. D’une façon ou d’une autre, nous avons oublié cette gestion soigneuse. Nous ne nous intéressons plus à construire des objets de qualité durable et à les entretenir en conséquence. L’économie circulaire n’est effectivement pas seulement une question de recyclage, mais de valeurs. Celles-ci reposent sur le fait que les objets ne doivent pas simplement être neufs et chics, mais être d’assez bonne qualité pour être utilisés plusieurs fois et réparés sans limite – tout en paraissant encore plus beaux que les nouvelles acquisitions.

Où en est aujourd’hui la mise en oeuvre par rapport à l’objectif à long terme d’une économie circulaire axée systématiquement sur les ressources renouvelables et réutilisables?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Nous sommes encore très loin de l’objectif à long terme. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser pour pouvoir mettre en oeuvre l’économie circulaire. Tant que rien ne se passe dans nos têtes, les flux de matières ne cesseront pas d’augmenter dans notre économie. Nous devons nous rappeler tout ce que nous aurions pu apprendre de nos grandsparents.

Antonia Stalder: Dans la construction, nous utilisons par exemple chaque mois la quantité de matériaux qui permettrait de recréer la ville de New York de toutes pièces. Selon des pronostics, rien de décisif ne changera dans ce domaine d’ici à 2050.

Tobias Stucki: Nous venons de réaliser avec l’epfz un sondage représentatif auprès d’entreprises de Suisse. Les résultats montrent que seules quelque 10 % des entreprises se préoccupent déjà réellement de l’économie circulaire. Environ 40 % des entreprises n’ont, en revanche, mis en oeuvre aucune mesure au cours des dernières années pour accroître la durabilité écologique.

Est-il d’ailleurs possible de mettre en oeuvre l’économie circulaire en Suisse, vu que son économie est extrêmement intégrée dans les chaînes globales de création de valeur? Comment les entreprises peuvent-elles s’organiser pour devenir circulaires?

Tobias Stucki © regiosuisse

Tobias Stucki: La transformation circulaire présuppose dans la plupart des cas que l’on réfléchisse à toutes les chaînes d’approvisionnement et qu’il faille les réorganiser – en partie avec de nouveaux partenaires. La logistique n’est pas le problème majeur. Le véritable défi réside dans les produits eux-mêmes. La question centrale est de savoir quels matériaux et quelles substances il faut utiliser dans quels produits.

Antonia Stalder: Je ne crois pas que nous pourrons encore nous permettre à l’avenir les chaînes globales de création de valeur avec toutes leurs charges logistiques et à cette échelle. Aujourd’hui, nous produisons – le mot le dit – le long de chaînes, dites chaînes de création de valeur, qui sont linéaires en soi et non circulaires. Nous ne pourrons pas éviter à l’avenir de reconditionner, de réparer et de partager bien davantage de produits et d’appareils dans un cadre régional et local. Si au contraire nous développons encore nos transports globaux de marchandises, de gros problèmes nous attendent.

Tobias Stucki: En fin de compte, la mise en oeuvre d’une économie circulaire efficiente nous met face à un compromis: d’un côté, il est évidemment logique de fermer les cycles le plus localement possible; de l’autre ce n’est pas toujours possible techniquement. Nous aurons besoin à l’avenir d’une combinaison de cycles de création de valeur locaux, régionaux et globaux.

Comment évaluez vous, Madame Dupraz, les nécessités et les possibilités d’introduire l’économie circulaire dans notre système?

Marie-Amélia Dupraz-Ardiot © regiosuisse

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: L’économie circulaire deviendra tôt ou tard une part essentielle de l’économie, car elle est un facteur décisif de réduction des coûts et de compétitivité. Elle contribue en outre à la résilience, à une époque où les prix des matières premières augmentent rapidement et où il y a des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. Vue sous cet angle, l’économie circulaire devient de plus en plus un facteur de résistance économique d’une région.

En existe-t-il un exemple réussi?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Dans le canton de Fribourg, nous avons développé une stratégie agroalimentaire qui se concentre beaucoup sur la mise en oeuvre d’une économie circulaire régionale et sur la mise en réseau des acteurs. Une des idées directrices est de recycler la biomasse secondaire.

Où se situent les points vraiment cruciaux de la mise en oeuvre?

Antonia Stalder: Pour les achats publics par exemple, le point crucial réside dans la complexité. Notre conseil essaie de la réduire à un niveau intelligible. Le besoin de ce type de conseil est important surtout dans les petites structures. Un canton dispose peut-être encore des ressources nécessaires, mais une commune est rapidement dépassée par cette question. Il manque certainement d’instruments pratiques de mise en oeuvre. Je pense à des listes de contrôle, à des critères d’adjudication obligatoires, à des bases de décision claires, etc. Le conseil et le centre de compétences de Prozirkula entendent y apporter une contribution.

Tobias Stucki: Les défis de l’économie privée sont analogues à ceux des marchés publics : les responsables connaissent certes, dans une certaine mesure, le concept d’économie circulaire, mais la mise en oeuvre dans leurs propres entreprises s’avère difficile. Il n’existe guère de solutions standard à cet effet. La plupart du temps, il n’est pas simple de développer l’approche individuelle demandée. À cela s’ajoute que la transition vers l’économie circulaire implique des coûts qu’il s’agit de financer.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Au niveau cantonal, nous avons certes les ressources pour développer le cadre stratégique, mais les connaissances nous manquent pour la mise en oeuvre. L’économie circulaire est un domaine interdisciplinaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent collaborer. Elle ne fonctionne que si tout le monde se parle: la politique économique avec la politique agricole, la politique agricole avec la gestion des déchets. Un autre point crucial est de nature purement technique: la plupart des matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés autant de fois que l’on veut. Mais ils perdent en qualité après chaque cycle. La circularité est une possibilité de ralentir et de réduire la consommation de ressources, mais elle ne peut pas la stopper complètement.

Qui est particulièrement sollicité par la mise en oeuvre? Quels acteurs jouent-ils le rôle déterminant?

Tobias Stucki: Non seulement les producteurs, mais aussi les consommatrices et les consommateurs sont déterminants. Il faut aussi les sensibiliser pour que l’économie circulaire puisse réellement fonctionner. Ils et elles doivent être prêts à utiliser les produits plus longtemps et de façon circulaire. Les marchés publics jouent un rôle clé, par exemple lorsqu’il s’agit de financer des projets pilotes. Le secteur financier doit aussi jouer le jeu. Bien entendu, les élus sont également sollicités quand il faut définir les conditions-cadre appropriées. Comme pour la durabilité en général, il est inutile pour l’économie circulaire de se focaliser uniquement sur certains points. En tant que prestataires de formations, nous sommes en outre obligés de former les gens et de leur transmettre les connaissances nécessaires.

La Suisse dispose-t-elle déjà des conditions-cadre légales nécessaires?

Tobias Stucki: En fonction de nos objectifs: non ! Si on voit ce que l’UE fait en ce moment, nous sommes complètement en retard – bien que nous soyons prédestinés à jouer un rôle de pionnier vu la rareté de nos ressources et nos connaissances en matière d’innovation. Si nous ne commençons pas à travailler tout de suite et énergiquement sur nos conditions-cadres, nous courons le risque de prendre du retard en matière de connaissances par rapport à d’autres pays, retard que nous ne pourrons plus rattraper rapidement.

Antonia Stalder: Pour les marchés publics en particulier, nous aurions en fait suffisamment de marge de manoeuvre depuis janvier 2021 avec la révision de la loi sur les marchés publics. Il serait intelligent et utile d’exploiter cette marge de manoeuvre et de créer de toutes pièces les projets correspondants. Il faut bien entendu encore adapter les conditionscadres, mais on pourrait déjà maintenant en faire beaucoup plus que ce qui se fait en réalité.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Comme Monsieur Stucki l’a mentionné, nous aurions pu jouer un rôle de pionnier en Suisse il y a quelques années. Maintenant, l’UE est déjà beaucoup plus avancée et certains pays comme la France ont davantage de bases légales que la Suisse.

Où dans la législation pourraiton et devrait-on ne plus faire les choses à moitié?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: On pourrait faire beaucoup dans le cadre de la révision en cours de la loi sur la protection de l’environnement. La Confédération a mis la révision en consultation. Le canton de Fribourg a proposé d’aller plus loin que la proposition sur plusieurs points. Les conditions-cadres légales importantes sont celles que nous pourrons effect ivement met tre en oeuvre par la suite. Je me demande si nous disposons déjà de suffisamment de personnes qualifiées qui ont les connaissances et les compétences nécessaires. Il y a sans aucun doute encore un besoin assez important de formation et d’éducation.

Tobias Stucki: En Suisse, nous misons énormément sur le principe du volontariat. L’UE fait résolument un pas supplémentaire et essaie de réglementer clairement l’économie circulaire. Il y a des prescriptions qui obligent les entreprises à évoluer réellement. Celles qui ne font rien doivent s’attendre à des sanctions.

Antonia Stalder: Davantage de directives et un peu plus d’obligations nous feraient certainement du bien. Lorsque nous nous en tenons au volontariat, nous restons en général assez lents.

Élément essentiel d’un développement durable, l’économie circulaire est montée en très bonne place dans l’agenda de la Nouvelle politique régionale (npr). Dans quels domaines voyezvous des opportunités ou avantages particuliers de mettre en oeuvre avec succès l’économie circulaire dans les régions?

Antonia Stalder © regiosuisse

Antonia Stalder: Une fois établies, les solutions circulaires ont le potentiel d’être fondamentalement meilleures en termes économiques et écologiques que les solutions linéaires. L’économie linéaire détruit des valeurs en jetant des objets qui seraient encore précieux. Si on s’écarte de cette pratique et que l’on met au premier plan la préservation de la valeur, on gagne sur toute la ligne, peu importe que ce soit en ville ou en région rurale. À cela s’ajoutent d’autres avantages tels que sécurité d’approvisionnement et résilience. Récemment, nous avons eu le cas d’un fabricant désespéré d’automates à café qui nous a dit: «Indiquez- moi la plus grande décharge d’Allemagne, j’y enverrai dix de mes collaborateurs pour qu’ils retrouvent nos appareils et extraient les puces. Nous pourrons ainsi produire trois mois de plus et survivre.» La région peut donc devenir la plaque tournante de l’économie circulaire.

Madame Dupraz, comment apportez-vous l’économie circulaire précisément aux régions du canton de Fribourg?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Ma tâche principale est de sensibiliser les différentes politiques sectorielles du canton aux défis de la durabilité, ce qui nécessite une culture de l’interdisciplinarité. Une personne qui travaille dans la politique économique doit donc aussi penser aux aspects écologiques et sociaux, et vice versa. Nous essayons de lancer, avec des participants de tous les domaines de l’administration, des projets qui incarnent cette culture de l’interdisciplinarité.

Monsieur Stucki, les entreprises conçoivent-elles l’économie circulaire comme une opportunité ou comme une charge pénible?

Tobias Stucki: Il y a des entreprises qui se soucient déjà de l’économie circulaire et agissent en conséquence, justement parce qu’elles y voient des opportunités. De nombreuses autres y flairent surtout des risques et des dangers. Mais il y a maintenant dans toutes les branches des entreprises phares qui démontrent que cette économie fonctionne. Pour dissiper les craintes, on devrait les mettre encore davantage en vitrine. Il ne s’agit pas seulement de la gestion soigneuse et efficiente de ressources qui deviennent de plus en plus rares. Une économie qui ne comprend pas cela et qui n’est pas prête à en tirer les conséquences ne sera un jour plus compétitive.

Avons-nous besoin de signaux supplémentaires du monde politique pour établir l’économie circulaire chez nous?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: La situation actuelle des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement contribue à ce que de nombreuses entreprises prennent réellement conscience, pour la première fois, de l’importance d’une gestion efficiente des ressources. La pénurie a probablement plus d’effets que nombre de moyens de pression politiques. J’espère en même temps que la modification de la loi sur la protection de l’environnement apportera quelque chose, y compris aux régions. Dans le canton de Fribourg, nous essayons avec cette nouvelle perspective d’élaborer un plan de gestion des déchets qui soit plus global et qui aborde l’ensemble de l’économie circulaire, bien au-delà du recyclage.

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Un village comme hôtel

Peter Jankovsky

L’idée est séduisante de simplicité: on utilise les maisons et les appartements vacants d’un village pittoresque pour héberger des touristes et la coordination est assurée par une réception centrale – comme dans un hôtel. Ce concept de l’albergo diffuso vient d’Italie, où plusieurs communes périphériques ont connu de cette manière une renaissance. L’idée de l’«hôtel dispersé» a aussi été reprise en Suisse. Une structure d’hébergement de ce genre est ouverte depuis quelques années dans la petite ville de Porrentruy (JU). Les deux projets tessinois de Scudellate et de Corippo sont encore partiellement en phase préparatoire. Ces entreprises ressentent justement un élan au cours de la deuxième année de la pandémie de coronavirus.

Tout a commencé par une secousse: la terre a tremblé si fort en mai 1976 dans la région du Frioul, au nord-est de l’Italie, que de nombreux villages ont été entièrement ou partiellement détruits. Une idée particulière est née en Carnie lors de la reconstruction: de nombreux habitants ne sont plus revenus même dans les maisons intactes; on a alors commencé à utiliser les logements vacants à des fins touristiques, ce qui a contribué à la renaissance de cette région.

Vacances en famille à Corippo (TI) © regiosuisse

Avec le temps, cette idée de l’albergo diffuso – au sens d’«hôtel dispersé», parfois aussi appelé judicieusement «hôtel horizontal» – a fait fureur dans d’autres régions italiennes, où le nombre de bâtiments vides a augmenté à cause de l’exode des villages périphériques. Les chambres d’une auberge de ce genre se répartissent sur plusieurs bâtiments et appartements, et les services hôteliers sont également proposés à différents endroits. Seule la direction est assurée depuis une réception centrale.

Il existe actuellement en Italie environ 150 offres de ce type qui reposent systématiquement sur la réaffectation de structures résidentielles d’origine soumises à une rénovation douce. Ces offres répondent à l’intérêt de nombreux voyageurs qui souhaitent vivre quelque chose d’authentique et rencontrer la population locale tout en bénéficiant de services hôteliers.

© regiosuisse

Dans la vieille ville de Porrentruy

Ce concept italien rayonne aussi en Suisse. La société Albergo Diffuso SA a ouvert les portes de son hôtel horizontal en septembre 2017 dans la petite ville jurassienne de Porrentruy. «Nous sommes un groupe de propriétaires de bâtiments historiques du centre-ville et nous les exploitons en commun conformément au modèle italien», explique Marianne Chapuis, une des deux associées d’Albergo Diffuso SA.

Au début, il y avait deux chambres soumises à une rénovation douce et quatre studios qui pouvaient accueillir seize personnes au total. Actuellement, cinq bâtiments totalisant 48 lits sont à disposition. «Le bureau de JuraTourisme s’occupe de la réception des clients à l’hôtel horizontal de Porrentruy», déclare Émilie Moreau, responsable du développement des produits au sein de l’organisme jurassien responsable du tourisme. «Nos chambres sont bien occupées depuis avril de cette année et les clients réservent des séjours plus longs», constate de son côté Marianne Chapuis. Cela a permis d’atténuer sensiblement les conséquences de la crise initiale de 2018 et du confinement de l’année dernière.

Porrentruy – Albergo diffuso © regiosuisse

Émilie Moreau observe que le nombre de nuitées a nettement augmenté cette année sur le territoire de la ville de Porrentruy. La société Albergo Diffuso SA y contribue à raison d’environ 20 %. Selon Marianne Chapuis, les couples, les familles, les cyclotouristes et les randonneurs viennent désormais plus nombreux. Ils apprécient les chambres dispersées ou les petits appartements avec coin cuisine. Ils se sentent plus libres et mieux protégés – étant donné la situation du coronavirus.

«La rénovation des immeubles a coûté entre un demi-million et un million de francs par bâtiment, estime Marianne Chapuis. On a reçu une partie de ce montant sous forme de prêt bancaire, une autre partie sous forme de contribution de soutien du canton et le reste a été financé par des fonds propres.»

Mille francs par chambre et au maximum cent mille par propriétaire: c’est ce que la commune de Porrentruy peut investir dans l’hôtel dispersé, selon Émilie Moreau. Cette possibilité existe depuis douze ans grâce au projet à long terme Enjoy Switzerland, soutenu par la Nouvelle politique régionale (NPR). Les coûts d’exploitation de l’albergo diffuso de Porrentruy, dont le nom et le logo sont inscrits au registre des marques, s’élèvent à environ 400 000 francs par an, selon Marianne Chapuis. Grâce à la reprise, la moitié de ces coûts est maintenant couverte par les recettes. «Puisque leur société est relativement nouvelle, les associées ont aussi accepté d’essuyer des pertes», explique Marianne Chapuis. Mais elles misent entièrement sur l’avenir, qui paraît actuellement favorable. Elles devraient atteindre un résultat équilibré cette année. La société mise non seulement sur sa propre mise en œuvre du concept développé, mais le vend aussi en franchise à d’autres communes. Albergo Diffuso SA aide des communes ou des communautés de propriétaires qui souhaitent développer ce type de bed and breakfast à créer l’infrastructure et à obtenir les autorisations.

Appartement Porrentruy © regiosuisse

Exploitation test dans le val Muggio

L’albergo diffuso del Monte Generoso, dans la vallée de Muggio au sud du Tessin, perçoit aussi la tendance à la reprise. «On a obtenu un bon écho des touristes qui connaissent déjà la vallée, mais des clients entièrement nouveaux sont aussi venus», déclare Claudio Zanini. Il préside l’association responsable qui exploite, encore à l’essai, l’auberge comme une partie de l’hôtel dispersé dans le village de Scudellate.

Deux bâtiments de Scudellate sont intégrés dans l’exploitation test depuis fin juin. L’Osteria Manciana est tenue par des particuliers et comprend trois chambres doubles en plus du restaurant. L’Ostello qui compte 24 lits appartient à l’association locale du jardin d’enfants. Le démarrage de l’exploitation à plein régime, avec 40 lits au total et deux autres structures sur le territoire communal, est prévu pour l’année prochaine.

Le volume total d’investissements s’élèvera à environ cinq millions de francs. Des particuliers fournissent la majeure partie de ce montant, auquel s’ajoutent des subventions de l’Aide suisse à la montagne, du canton du Tessin par le biais de la NPR et de la loi cantonale sur le tourisme ainsi que d’instituts financiers spécialisés. «Plusieurs emplois ont déjà été créés grâce au projet», souligne Claudio Zanini.

Freiner le tourisme de passage

Un deuxième albergo diffuso tessinois est en cours de création dans le petit village classé de Corippo (val Verzasca). Avec ses douze résidents, le hameau était considéré comme la plus petite commune de Suisse jusqu’à sa fusion en octobre 2020 avec d’autres villages pour former la nouvelle commune de Verzasca. Les travaux pour l’albergo sont en cours depuis mai 2020. Cinq immeubles d’habitation sont rénovés en plus de l’osteria locale. Le but est de proposer dès le printemps prochain douze chambres totalisant 26 lits. «Avec ce projet, on veut notamment modérer la tendance au tourisme de passage excessif dans le val Verzasca», explique Fabio Giacomazzi. Il est architecte et président de la Fondazione Corippo 1975, qui fait avancer le projet.

Les investissements pour l’albergo diffuso de Corippo s’élèvent à 3,6 millions de francs. Environ deux millions proviennent du canton, notamment de la promotion touristique et de l’Office fédéral de la culture. Le reste est apporté par des sponsors privés, des associations et des fondations régionales ainsi que de l’Aide suisse à la montagne. «Environ vingt réservations de Suisse et de l’étranger sont déjà arrivées», se réjouit Fabio Giacomazzi. L’intérêt semble vif depuis que le projet s’est fait connaître. Celui-ci a même déjà gagné un prix: le Hotel Innovations Award 2017 de Gastrosuisse. L’éloge accompagnant ce prix dit que le projet Corippo est prometteur et revêt un caractère exemplaire pour le tourisme alpin.

albergodiffuso.com

alberghidiffusi.it

corippoalbergodiffuso.ch

fondazionecorippo.ch/de/albergo-diffuso

albergodiffuso.ch

regiosuisse.ch/npr

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Un poumon vert au parfum industriel

Patricia Michaud

D’ici l’été 2021, le Parc des Carrières accueillera ses premiers visiteurs. Cet ambitieux projet transfrontalier prévoit de convertir en parc paysager une vaste zone mixte – champs, gravière, etc. – située entre les villes de Bâle, Allschwil, Hégenheim et Saint-Louis. Les promoteurs du projet s’appuient sur les caractéristiques mêmes de ce «non-lieu» pour structurer l’aménagement du territoire. Un modèle à exporter.

Des pelleteuses s’activent bruyamment dans une imposante gravière, tandis que des avions sillonnent le ciel; à perte de vue, on aperçoit des champs de colza et de maïs uniformes et rectilignes. Les quelque 300 hectares de terrain situés entre les villes suisses de Bâle et Allschwil et françaises de Hégenheim et Saint-Louis ne correspondent pas vraiment à l’idée que l’on se fait d’une oasis de nature et de détente. Et pourtant, d’ici l’été 2021, cette zone transfrontalière accueillera les premiers visiteurs du nouveau Parc des Carrières IBA, un ambitieux projet qui a pour but d’offrir un véritable poumon vert aux habitants de la région.

Dans ce parc paysager, dont les trois étapes de réalisation s’étendront jusqu’en 2028, les citadins trouveront de quoi échapper, le temps d’une heure ou d’une demi-journée, au stress du quotidien. Le projet fait la part belle aux sentiers végétalisés et à des équipements familiaux – aire de jeux, tour d’observation, etc. – mais aussi, à moyen terme, à la préservation de la biodiversité, ce grâce à des centaines d’arbres indigènes et à des prairies maigres pâturées par des moutons. Pour accéder à cet îlot de nature réaménagée – dont le cœur occupera près de 12 hectares –, les résidents des quatre localités limitrophes auront à leur disposition plusieurs corridors piétons et cyclables. Pas moins de 40 000 habitants du secteur pourront ainsi atteindre le Parc des Carrières en moins de 12 minutes à pied ou 5 minutes à bicyclette. Sans oublier la ligne de tram numéro 3 reliant Bâle à Saint-Louis, dont un arrêt donne directement accès au parc.

Coexistence entre nature et activité humaine

Le Parc des Carrières, c’est tout d’abord une vision, celle de l’urbaniste bâlois Andreas Courvoisier. «En Suisse, les gravières sont de taille relativement modeste. Mais en France et en Allemagne voisines, elles sont gigantesques et marquent fortement le paysage. Généralement, lorsqu’elles ne sont plus exploitées, ces carrières sont remblayées, puis le terrain est rétrocédé à l’agriculture. Or, il me paraît pertinent d’apporter de la valeur ajoutée à ces espaces, d’éviter la monoculture tout en contribuant à la biodiversité et à la mise en avant du paysage local dans toute sa spécificité. Après tout, le gravier est l’une des ressources naturelles essentielles dont dispose notre région!»

Il y a une dizaine d’années, Andreas Courvoisier a proposé de promouvoir une urbanisation verte innovante pour le territoire, rebondissant sur un appel à projets de l’IBA Basel. Cette structure a été créée en 2010 par les principaux acteurs politiques de la région, notamment dans le but d’orienter de manière transfrontalière et à long terme la croissance et l’intégration de la région urbaine. Elle a été soutenue à hauteur de 3,3 millions d’euros par le programme INTERREG Rhin Supérieur. À travers le Parc des Carrières, «il y a une réelle volonté de reconstruire le paysage, de lui redonner sa variété et sa richesse d’antan. Parallèlement, il faut jouer sur cette coexistence entre nature et activité humaine; elle fait partie intégrante du projet et est à l’origine d’une partie de son intérêt.» L’urbaniste cite l’exemple du gravier: «À certains endroits, il est prévu qu’il affleure presque à la surface, car il apporte une chaleur qui plaît à certaines espèces naturelles.»

Andreas Courvoisier et Monica Linder-Guarnaccia © regiosuisse

Un non-lieu en guise de structure

Pour l’IBA Basel, qui supervise plus de trente projets à saute-frontières, le Parc des Carrières constitue à la fois un projet pilote et modèle, «qui doit aider à montrer qu’il est possible d’augmenter la qualité de vie et du paysage grâce aux espaces non bâtis, dans une logique où toutes les parties sont gagnantes, que ce soient les habitants, les agriculteurs, les promoteurs immobiliers, les représentants politiques ou les défenseurs de l’environnement», explique avec enthousiasme Monica Linder-Guarnaccia, la directrice de cette structure dont le slogan est «Au-delà des frontières, ensemble».

À l’image d’Andreas Courvoisier, elle précise qu’il n’est ici ni question de créer un parc urbain avec des pelouses hyper-entretenues, ni, à l’inverse, de prétendre qu’on se trouve en pleine nature sauvage. «Il s’agit d’un modèle alternatif. Nous assumons le fait d’être aux portes de la ville, dans un contexte fortement industrialisé. C’est justement ce qui fait la richesse du projet. Nous avons à la fois la possibilité de sensibiliser à la thématique de la biodiversité et au fait qu’un ‹non-lieu› peut aider à structurer l’aménagement du territoire. » D’ailleurs, le nom même du projet annonce la couleur, puisqu’il évoque à la fois les côtés paysager (parc) et industriel (carrières).

Financement mixte

Sans surprise, deux des principaux défis que représente le projet de Parc des Carrières sont à chercher du côté du financement et de la mise à la même table de tous les acteurs concernés. Le tout «dans un contexte transnational et bilingue», rappelle Monica Linder-Guarnaccia. «Étant donné que l’idée de départ du parc émanait d’un privé, à savoir Andreas Courvoisier, nous avons débuté avec de l’argent privé, mis à disposition par diverses fondations. » Cette manne a financé les études de faisa­bilité du projet, qui, par ricochet, «nous ont permis de montrer aux autorités compétentes à quel point le parc était intéressant, notamment en terme de bassin de population concerné et de résolution des nœuds de communication».

Parmi les bailleurs de fonds de la première étape de réalisation du parc, Mme Linder-Guarnaccia cite la ville de Bâle, la région Grand Est ou encore la Confédération. À noter qu’en 2019, le projet s’est concrétisé grâce à la signature d’un accord-cadre et d’accords bilatéraux entre les différents partenaires publics et privés du projet. À également été créée l’Association pour la promotion du Parc des Carrières, une structure franco-suisse réunissant les principaux acteurs impliqués, à savoir : Saint-Louis Agglomé­ration, Saint-Louis, Hégenheim, le canton de Bâle-Ville, le canton de Bâle-Campagne, Allschwil, le Bürgerspital Basel, KIBAG, EuroAirport et Eurodistrict Trinational de Bâle (avec sa succursale IBA Basel).

© regiosuisse

Un modèle à exporter

« Situé à proximité immédiate de la ville de Bâle, jouxtant des quartiers densément peuplés, le Parc des Carrières profitera pleinement à la population bâloise même s’il se trouve sur sol français », se réjouit Susanne Fischer, qui coordonne le projet pour le canton de Bâle-Ville. «La qualité de vie s’en trouvera augmentée dans l’Ouest bâlois.»

«Le Parc des Carrières constitue un bel exemple de financement mixte », analyse pour sa part Andreas Courvoisier. Il ajoute que les promoteurs du projet ont trouvé un moyen supplémentaire de générer une partie des fonds nécessaires à la suite des opérations. «Une autorisation de sur-remblaiement de 2 m de toute la carrière a été obtenue.» Un concept innovant, qui conforte Monica Linder-Guarnaccia dans l’idée que le Parc des Carrières est un modèle qui peut être reproduit à l’échelle régionale, voire exporté. «Rien que dans la région d’activité de l’IBA Basel, on compte plus de 50 gravières. Le potentiel est énorme!»

iba-basel.net

interreg.ch

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«Arve» – zone de loisirs au cœur de l’agglomération genevoise

Raphaël Chabloz

L’Arve, la rivière franco-suisse, qui parcourt 107,8 km depuis le massif du Mont-Blanc, dont neuf dans le canton de Genève, est bien plus méconnue que le Rhône dans lequel elle se jette à la Jonction, à Genève. Le projet de paysage prioritaire de l’Arve a pour objectif de rendre plus accessible au public les rives de la rivière franco-suisse dans le Grand Genève. Des parcours piétonniers et cyclistes – qui peuvent aussi être utilisés pour les déplacements pendulaires – sont notamment prévus, ou encore des réaménagements de parcs. Des aménagements légers permettent de maintenir le caractère sauvage de l’Arve. Le Grand Genève soutient le projet « Arve » dans le cadre de son programme d’agglomération, tandis que la Confédération l’a soutenu de 2014 à 2018 en tant que Projet-modèle pour un développement territorial durable. Le projet, qui a une orientation transfrontalière, implique des collectivités publiques françaises et suisses dont neuf communes, ce qui rend sa gouvernance complexe.

En 2014, le parc des Falaises situé dans la commune de Chêne-Bougeries a été la première réalisation concrète du projet. Ce site était partiellement aménagé, mais l’Arve y était masquée par la végétation. Un cheminement à été aménagé autour d’une clairière pour inciter la population à y entrer, à se reposer sur un banc et à contempler l’Arve, protégée du tumulte de la ville par un écrin de nature. «Nous avions besoin de réalisations rapides pour mobiliser autour de ce projet, donner envie et montrer que la planification sert à quelque chose», explique Anne-Lise Cantiniaux, cheffe de projet nature et paysage au Département genevois du territoire.

Le projet de paysage prioritaire de l’Arve interroge les rapports entre les politiques paysagères fédérales, cantonales et locales en articulation avec les politiques d’urbanisation et de mobilité. Ce projet exige non seulement de réfléchir à différentes échelles mais surtout de maintenir la cohérence entre les différents niveaux de planification et entre les phases de planification et de mise en œuvre.

Aujourd’hui, l’objectif est d’inscrire le projet dans la durée, afin que les nouvelles autorités communales se l’approprient et le fassent vivre à long terme. «Il faut assurer un suivi sur de nombreuses années, sinon la démarche n’est pas cohérente.» En 2020, les communes genevoises ont renouvelé leurs autorités. Il a donc fallu approcher une nouvelle génération d’élu-e-s, pour que la motivation ne retombe pas.

projets-modeles.ch

Vous trouverez ici la version complète en allemand.

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