La mobilité dans une destination durable

Pirmin Schilliger

Dans la région de vacances Engadine-Samnaun-Val Müstair, la mobilité durable constitue un facteur d’attractivité important et un signe distinctif touristique. C’est dans ce sens que la région a lancé une série de projets pionniers et pilotes au cours des dernières années. Selon leur objectif, ces projets sont soutenus par la NPR, Interreg ou Innotour. L’ouverture du tunnel de la Vereina par les Chemins de fer rhétiques en 1999 a constitué un saut quantique en termes de desserte de la région à grande échelle. Depuis cette date, l’organisation de marketing touristique Tourismus Engadin Scuol Samnaun Val Müstair AG (TESSVM) et la Regiun Engiadina Bassa / Val Müstair (EBVM), responsable du développement régional, s’efforcent avec les communes d’améliorer aussi les offres de mobilité à l’intérieur de la région. La dernière démarche en ce sens a eu lieu en 2022 avec la carte d’hôte qui permet à tous les vacanciers de circuler librement dans les transports publics régionaux. Dans sa version PLUS, cette carte donne aussi le droit de se déplacer dans l’espace frontalier des trois pays que sont la Suisse, l’Autriche et l’Italie, par exemple à destination de Mals (Val Venosta, Tyrol du Sud) ainsi que de Nauders et de Landeck (Tyrol) en passant par le col de Resia ou le col de l’Ofen. Depuis plus de dix ans, la région de vacances s’occupe aussi du transport des bagages pour ses hôtes sur le « dernier kilomètre », donc entre la gare et l’hôtel ou l’appartement de vacances.

© regiosuisse

En Basse-Engadine, les offres principales du tourisme estival incluent des itinéraires cyclables et des chemins de randonnée sur une longueur de plus de 2300 kilomètres. En coordination avec le projet cantonal graubünden bike soutenu par la NPR, la région développe diverses offres destinées aux cyclistes et aux randonneurs avec le master plan VTT TRAI(L)S VALS. Un autre projet se consacre aux infrastructures dédiées aux vélos électriques, notamment au développement d’un réseau de stations de recharge des batteries.

Les efforts visant à rendre la mobilité plus durable portent leurs fruits. Aujourd’hui, un vacancier sur quatre se rend en Basse-Engadine en transports publics. C’est un pourcentage relativement élevé, mais le véritable objectif est encore loin d’être atteint. Les deux organisations TESSVM et EBVM ont attribué à la mobilité durable le statut de mission stratégique permanente.

engadin.com/fr/cartes-hôtes

regiunebvm.ch

tourcert.org

regiosuisse.ch/fr/base-de-donnees-des-projets

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Vacances plus lentes, plus légères, plus locales

Jana Avanzini

Au cours des dernières années, on a moins pris l’avion à cause de la pandémie. On a passé plus fréquemment les vacances à la maison ou à la montagne près de chez soi plutôt que sur une plage bordée de palmiers. Mais tant après qu’avant la pandémie, la tendance en Suisse est aux voyages toujours plus lointains et polluants. Le trafic aérien joue un rôle central dans les émissions liées à la mobilité: il est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Le trafic de loisirs représente en outre l’un des facteurs les plus importants du trafic individuel motorisé.

Afin d’améliorer l’efficience énergétique de la mobilité de loisirs, l’Académie de la mobilité du Touring Club Suisse (TCS) a entrepris, avec le projet «bleib hier», de développer des offres locales attractives. Ce projet avait pour but de promouvoir des voyages plus lents, plus légers et plus locaux. Il s’est concentré pour cela sur des offres de vacances en Suisse, d’excursions dans la région ou de camping avec vélos. «bleib hier» a beaucoup misé sur les vélos électriques et les vélos-cargos, les carvélos. L’offre incluait des tours en carvélo à travers la Suisse, des offres de vacances en famille avec hébergement, de camping, ainsi que des micro-aventures avec des vélos-cargos.

Les résultats après trois ans montrent que toutes les offres n’ont pas trouvé un public, mais les offres de camping avec vélocargo ont eu du succès et seront proposées et développées dans les campings TCS de toute la Suisse. D’autres offres en revanche ont été supprimées. Il a néanmoins été possible de tirer des leçons du projet pour de nouvelles offres et de nouveaux développements, notamment en termes de partenariats prometteurs et de communication.

bleibhier.ch

suisseenergie.ch/encouragement-de-projet/como/

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Le covoiturage pour mieux desservir les zones rurales

Patricia Michaud

L’équation «participation sociale = véhicule privé» a la dent dure, surtout dans les zones rurales. Deux expériences pilotes suisses lancées dans le cadre d’Interreg Alpine Space – et de son projet MELINDA – visaient à changer les habitudes, en se basant sur le covoiturage et les nouvelles technologies.

Réduire l’empreinte écologique liée aux déplacements en privilégiant une mobilité multimodale, c’est bien. Planifier cette évolution en se basant sur les habitudes et les besoins effectifs des usagers, c’est mieux. Grâce aux nouvelles technologies, il est désormais possible d’avoir accès à une multitude d’informations et de les faire circuler en temps réel. Interreg Alpine Space, un programme soutenant des projets de coopération entre les pays de l’espace alpin, souhaite mieux intégrer le potentiel offert par la récolte et l’exploitation de données afin d’encourager le développement d’une mobilité plus verte et durable, que ce soit dans les villes ou les zones rurales.

Lancé en 2018 et achevé en 2021, le projet MELINDA (Mobility Ecosystem for Low-carbon and INnovative moDAl shift in the Alps) visait à soutenir activement les citoyens et toutes les parties prenantes dans leurs efforts en matière de mobilité du futur. La meilleure intégration des données, tout particulièrement au niveau transnational, en était l’un des points centraux. Concrètement, ce projet doté d’un budget total d’environ 2 millions d’euros avait pour but d’améliorer la connaissance des facteurs qui influent sur le changement de comportement en matière de déplacements bascarbone. Il était articulé autour d’une série de projets pilotes en France, en Italie, en Slovénie, en Allemagne, en Autriche et en Suisse.

C’est la Haute école spécialisée de Lucerne (HSLU) qui s’est chargée du volet helvétique de MELINDA, à travers deux projets pilotes. Ils ciblaient des zones rurales dont les transports publics se caractérisent par une cadence peu soutenue, des horaires limités et des parcours indirects, ce qui a pour conséquence un taux particulièrement élevé de véhicules personnels dans la région. Dans les deux cas, l’idée centrale consistait à encourager aussi bien les collectivités publiques que des entreprises privées à s’engager pour le covoiturage.

Le financement de ces projets était porté par des partenaires cantonaux, des sociétés de transport, ainsi que la Nouvelle politique régionale de la Confédération. Rimant respectivement avec l’introduction de Taxito à Maladers (GR) et de HitchHike dans le parc naturel Thal (SO), ils cherchaient tous deux à tester des modèles permettant potentiellement d’augmenter l’accessibilité aux régions rurales, tout en réduisant la dépendance de la population locale aux véhicules motorisés privés.

© regiosuisse

Un smartphone et quelques francs

Le carpooling, qui consiste à créer des communautés de conducteurs et de passagers, peut contribuer à réduire les émissions globales de CO2. Les nouvelles technologies – et surtout la généralisation de leur utilisation par la population – facilitent grandement la mise en lien entre les diverses parties prenantes au covoiturage. Reste qu’à l’heure actuelle, ce modèle de transport est utilisé de façon marginale en Suisse, du moins pour les déplacements quotidiens.

Entre Coire et Maladers, le système de ridesharing Taxito a été mis sur pied afin de pallier l’absence de transports publics dans certaines zones et d’offrir une alternative aux taxis. Ce système consiste à placer des panneaux à des endroits stratégiques, créant des espèces d’arrêts où les véhicules privés peuvent venir charger des voyageurs ayant au préalable indiqué leur destination par sms. Une modeste contribution financière est demandée aux passagers, qui peuvent la régler via leur téléphone portable. À noter que Taxito est davantage adapté aux déplacements occasionnels qu’aux trajets pendulaires. Quant à HitchHike, le service privilégié dans le parc naturel Thal, il s’agit d’une plateforme mettant en lien des personnes effectuant régulièrement un trajet similaire et leur proposant des lieux de rendez-vous sous la forme de places de parc. Une fois le contact initial établi, les conducteurs et les passagers communiquent directement entre eux.

Dans un rapport, la HSLU rappelle que le parc naturel Thal englobe neuf communes totalisant quelque 15 000 habitants répartis sur près de 140 km2. L’offre existante en matière de transports publics ne parvient ni à rendre la région aisément accessible aux personnes ne disposant pas d’un véhicule privé, ni à fluidifier le trafic dans le secteur, dont les routes sont régulièrement sujettes aux bouchons aux heures de pointe. C’est en juin 2019 que HitchHike a été introduit dans la région, via une sous-plateforme de www.hitchhike.ch. Chaque commune de la région concernée a été équipée d’un point de rencontre entre conducteurs et passagers. Ces derniers réglaient entre eux la question d’un éventuel défraiement. À noter qu’il s’agissait de la première utilisation publique de HitchHike, une plateforme créée en 2011 essentiellement à l’intention des organisations.

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Scepticisme et inclusion

Responsable du dossier MELINDA auprès de la HSLU, Timo Ohnmacht rapporte que le volet suisse du programme «visait à sortir de l’équation ‹participation sociale en zone rurale = véhicule privé› ». En effet, alors que la mobilité est considérée comme un axe central de cette participation, «un argument un peu simpliste consiste à justifier l’utilisation des voitures individuelles en invoquant l’égalité entre tous les habitants du pays, qu’ils vivent ou non en ville». Ce que le sociologue des transports et son équipe ont observé, c’est qu’il est relativement facile de mettre en place un projet tel que celui du parc naturel Thal, «que ce soit techniquement ou politiquement». Constat moins réjouissant, «nos résultats montrent que l’introduction de systèmes de covoiturage dans des zones rurales n’est pas une baguette magique, qu’il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans l’océan».

En effet, «le nombre d’utilisateurs reste très faible et ne suffit en aucun cas à réduire de façon substantielle les émissions de CO2». Pour avoir un impact sur le changement climatique, il faudrait faire drastiquement augmenter le recours à ces services de carpooling, ainsi qu’à toutes les alternatives au trafic routier. «Mais on ne peut pas se contenter de lancer des nouveaux outils et d’informer la population; parallèlement, il faut de la gouvernance, des règles pour restreindre l’attractivité des véhicules privés.» Timo Ohnmacht relève néanmoins que serrer la vis en zone rurale «est délicat, car contrairement aux zones urbaines, les alternatives sont moins nombreuses pour les usagers», ce qui fait planer le risque de discrimination évoqué plus haut.

Certes, les projets testés en Suisse dans le cadre de MELINDA laissent le spécialiste de la hslu sceptique en matière de contribution environnementale, du moins en ce qui concerne le futur proche. Sur d’autres plans, les résultats sont néanmoins prometteurs. «Je pense par exemple aux jeunes qu’il est possible d’emmener jusqu’au prochain arrêt de rer; ou à certaines femmes qui, pour des questions de sécurité, préfèrent rester chez elles que de ‹lever le pouce›, l’autostop étant parfois la seule option dans une région donnée.» Un pas en avant intéressant en matière d’inclusion. D’ailleurs, aussi bien Taxito que HitchHike sont en pleine expansion. Alors que le premier est désormais disponible dans six régions de Suisse – sous la forme de 38 arrêts –, le deuxième vient d’étendre son offre hors des frontières, via le portail www.sayhi.eu.

alpine-space.eu/project/melinda

regiosuisse.ch/fr/base-de-donnees-des-projets

taxito.ch

hitchhike.ch

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«L’avenir sera circulaire»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Comment intégrer la circularité dans l’économie et la société et la promouvoir spécifiquement comme un modèle de développement durable porteur d’avenir? Quelles opportunités particulières offre-t-elle à l’économie régionale? regioS s’est entretenu de ces questions avec Marie-Amélie Dupraz- Ardiot, sustainability manager et responsable de la Stratégie de développement durable du canton de Fribourg, Antonia Stalder, directrice de Prozirkula, ainsi que Tobias Stucki, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut Sustainable Business de la Haute école spécialisée bernoise, département gestion.

regioS: L’économie circulaire est un concept assez ancien. En Suisse, la campagne de la Confédération sur les déchets en avait déjà abordé certains aspects dans les années 1990. Pouvonsnous donc aujourd’hui nous fonder sur ce qui existe ou repartons-nous de zéro?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Le concept d’économie circulaire est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Nous pouvons certes nous fonder sur ce qui existe, mais nous devons en faire nettement plus que jusqu’à présent. Nous ne pouvons pas aborder uniquement le recyclage, mais nous devons développer une perspective plus large où des thèmes comme éviter les déchets, réparer et réutiliser jouent un grand rôle.

Tobias Stucki: En général, nous avons encore trop peu intériorisé le raisonnement par cycles. Il faut réintégrer cette pensée dans nos esprits comme c’était la norme autrefois et comme c’est la norme aujourd’hui encore dans les pays pauvres. Un étudiant de Cuba a remarqué lors d’un cours: «L’économie circulaire, c’est comme nous vivons chez nous.»

Antonia Stalder: Il y a aussi chez nous un point d’ancrage, au moins historique. Les participants à nos formations racontent chaque fois que leurs grands-parents géraient encore leur maison de cette façon. Ils huilaient par exemple leurs meubles deux fois par mois pour pouvoir les utiliser le plus longtemps possible. D’une façon ou d’une autre, nous avons oublié cette gestion soigneuse. Nous ne nous intéressons plus à construire des objets de qualité durable et à les entretenir en conséquence. L’économie circulaire n’est effectivement pas seulement une question de recyclage, mais de valeurs. Celles-ci reposent sur le fait que les objets ne doivent pas simplement être neufs et chics, mais être d’assez bonne qualité pour être utilisés plusieurs fois et réparés sans limite – tout en paraissant encore plus beaux que les nouvelles acquisitions.

Où en est aujourd’hui la mise en oeuvre par rapport à l’objectif à long terme d’une économie circulaire axée systématiquement sur les ressources renouvelables et réutilisables?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Nous sommes encore très loin de l’objectif à long terme. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser pour pouvoir mettre en oeuvre l’économie circulaire. Tant que rien ne se passe dans nos têtes, les flux de matières ne cesseront pas d’augmenter dans notre économie. Nous devons nous rappeler tout ce que nous aurions pu apprendre de nos grandsparents.

Antonia Stalder: Dans la construction, nous utilisons par exemple chaque mois la quantité de matériaux qui permettrait de recréer la ville de New York de toutes pièces. Selon des pronostics, rien de décisif ne changera dans ce domaine d’ici à 2050.

Tobias Stucki: Nous venons de réaliser avec l’epfz un sondage représentatif auprès d’entreprises de Suisse. Les résultats montrent que seules quelque 10 % des entreprises se préoccupent déjà réellement de l’économie circulaire. Environ 40 % des entreprises n’ont, en revanche, mis en oeuvre aucune mesure au cours des dernières années pour accroître la durabilité écologique.

Est-il d’ailleurs possible de mettre en oeuvre l’économie circulaire en Suisse, vu que son économie est extrêmement intégrée dans les chaînes globales de création de valeur? Comment les entreprises peuvent-elles s’organiser pour devenir circulaires?

Tobias Stucki © regiosuisse

Tobias Stucki: La transformation circulaire présuppose dans la plupart des cas que l’on réfléchisse à toutes les chaînes d’approvisionnement et qu’il faille les réorganiser – en partie avec de nouveaux partenaires. La logistique n’est pas le problème majeur. Le véritable défi réside dans les produits eux-mêmes. La question centrale est de savoir quels matériaux et quelles substances il faut utiliser dans quels produits.

Antonia Stalder: Je ne crois pas que nous pourrons encore nous permettre à l’avenir les chaînes globales de création de valeur avec toutes leurs charges logistiques et à cette échelle. Aujourd’hui, nous produisons – le mot le dit – le long de chaînes, dites chaînes de création de valeur, qui sont linéaires en soi et non circulaires. Nous ne pourrons pas éviter à l’avenir de reconditionner, de réparer et de partager bien davantage de produits et d’appareils dans un cadre régional et local. Si au contraire nous développons encore nos transports globaux de marchandises, de gros problèmes nous attendent.

Tobias Stucki: En fin de compte, la mise en oeuvre d’une économie circulaire efficiente nous met face à un compromis: d’un côté, il est évidemment logique de fermer les cycles le plus localement possible; de l’autre ce n’est pas toujours possible techniquement. Nous aurons besoin à l’avenir d’une combinaison de cycles de création de valeur locaux, régionaux et globaux.

Comment évaluez vous, Madame Dupraz, les nécessités et les possibilités d’introduire l’économie circulaire dans notre système?

Marie-Amélia Dupraz-Ardiot © regiosuisse

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: L’économie circulaire deviendra tôt ou tard une part essentielle de l’économie, car elle est un facteur décisif de réduction des coûts et de compétitivité. Elle contribue en outre à la résilience, à une époque où les prix des matières premières augmentent rapidement et où il y a des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. Vue sous cet angle, l’économie circulaire devient de plus en plus un facteur de résistance économique d’une région.

En existe-t-il un exemple réussi?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Dans le canton de Fribourg, nous avons développé une stratégie agroalimentaire qui se concentre beaucoup sur la mise en oeuvre d’une économie circulaire régionale et sur la mise en réseau des acteurs. Une des idées directrices est de recycler la biomasse secondaire.

Où se situent les points vraiment cruciaux de la mise en oeuvre?

Antonia Stalder: Pour les achats publics par exemple, le point crucial réside dans la complexité. Notre conseil essaie de la réduire à un niveau intelligible. Le besoin de ce type de conseil est important surtout dans les petites structures. Un canton dispose peut-être encore des ressources nécessaires, mais une commune est rapidement dépassée par cette question. Il manque certainement d’instruments pratiques de mise en oeuvre. Je pense à des listes de contrôle, à des critères d’adjudication obligatoires, à des bases de décision claires, etc. Le conseil et le centre de compétences de Prozirkula entendent y apporter une contribution.

Tobias Stucki: Les défis de l’économie privée sont analogues à ceux des marchés publics : les responsables connaissent certes, dans une certaine mesure, le concept d’économie circulaire, mais la mise en oeuvre dans leurs propres entreprises s’avère difficile. Il n’existe guère de solutions standard à cet effet. La plupart du temps, il n’est pas simple de développer l’approche individuelle demandée. À cela s’ajoute que la transition vers l’économie circulaire implique des coûts qu’il s’agit de financer.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Au niveau cantonal, nous avons certes les ressources pour développer le cadre stratégique, mais les connaissances nous manquent pour la mise en oeuvre. L’économie circulaire est un domaine interdisciplinaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent collaborer. Elle ne fonctionne que si tout le monde se parle: la politique économique avec la politique agricole, la politique agricole avec la gestion des déchets. Un autre point crucial est de nature purement technique: la plupart des matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés autant de fois que l’on veut. Mais ils perdent en qualité après chaque cycle. La circularité est une possibilité de ralentir et de réduire la consommation de ressources, mais elle ne peut pas la stopper complètement.

Qui est particulièrement sollicité par la mise en oeuvre? Quels acteurs jouent-ils le rôle déterminant?

Tobias Stucki: Non seulement les producteurs, mais aussi les consommatrices et les consommateurs sont déterminants. Il faut aussi les sensibiliser pour que l’économie circulaire puisse réellement fonctionner. Ils et elles doivent être prêts à utiliser les produits plus longtemps et de façon circulaire. Les marchés publics jouent un rôle clé, par exemple lorsqu’il s’agit de financer des projets pilotes. Le secteur financier doit aussi jouer le jeu. Bien entendu, les élus sont également sollicités quand il faut définir les conditions-cadre appropriées. Comme pour la durabilité en général, il est inutile pour l’économie circulaire de se focaliser uniquement sur certains points. En tant que prestataires de formations, nous sommes en outre obligés de former les gens et de leur transmettre les connaissances nécessaires.

La Suisse dispose-t-elle déjà des conditions-cadre légales nécessaires?

Tobias Stucki: En fonction de nos objectifs: non ! Si on voit ce que l’UE fait en ce moment, nous sommes complètement en retard – bien que nous soyons prédestinés à jouer un rôle de pionnier vu la rareté de nos ressources et nos connaissances en matière d’innovation. Si nous ne commençons pas à travailler tout de suite et énergiquement sur nos conditions-cadres, nous courons le risque de prendre du retard en matière de connaissances par rapport à d’autres pays, retard que nous ne pourrons plus rattraper rapidement.

Antonia Stalder: Pour les marchés publics en particulier, nous aurions en fait suffisamment de marge de manoeuvre depuis janvier 2021 avec la révision de la loi sur les marchés publics. Il serait intelligent et utile d’exploiter cette marge de manoeuvre et de créer de toutes pièces les projets correspondants. Il faut bien entendu encore adapter les conditionscadres, mais on pourrait déjà maintenant en faire beaucoup plus que ce qui se fait en réalité.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Comme Monsieur Stucki l’a mentionné, nous aurions pu jouer un rôle de pionnier en Suisse il y a quelques années. Maintenant, l’UE est déjà beaucoup plus avancée et certains pays comme la France ont davantage de bases légales que la Suisse.

Où dans la législation pourraiton et devrait-on ne plus faire les choses à moitié?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: On pourrait faire beaucoup dans le cadre de la révision en cours de la loi sur la protection de l’environnement. La Confédération a mis la révision en consultation. Le canton de Fribourg a proposé d’aller plus loin que la proposition sur plusieurs points. Les conditions-cadres légales importantes sont celles que nous pourrons effect ivement met tre en oeuvre par la suite. Je me demande si nous disposons déjà de suffisamment de personnes qualifiées qui ont les connaissances et les compétences nécessaires. Il y a sans aucun doute encore un besoin assez important de formation et d’éducation.

Tobias Stucki: En Suisse, nous misons énormément sur le principe du volontariat. L’UE fait résolument un pas supplémentaire et essaie de réglementer clairement l’économie circulaire. Il y a des prescriptions qui obligent les entreprises à évoluer réellement. Celles qui ne font rien doivent s’attendre à des sanctions.

Antonia Stalder: Davantage de directives et un peu plus d’obligations nous feraient certainement du bien. Lorsque nous nous en tenons au volontariat, nous restons en général assez lents.

Élément essentiel d’un développement durable, l’économie circulaire est montée en très bonne place dans l’agenda de la Nouvelle politique régionale (npr). Dans quels domaines voyezvous des opportunités ou avantages particuliers de mettre en oeuvre avec succès l’économie circulaire dans les régions?

Antonia Stalder © regiosuisse

Antonia Stalder: Une fois établies, les solutions circulaires ont le potentiel d’être fondamentalement meilleures en termes économiques et écologiques que les solutions linéaires. L’économie linéaire détruit des valeurs en jetant des objets qui seraient encore précieux. Si on s’écarte de cette pratique et que l’on met au premier plan la préservation de la valeur, on gagne sur toute la ligne, peu importe que ce soit en ville ou en région rurale. À cela s’ajoutent d’autres avantages tels que sécurité d’approvisionnement et résilience. Récemment, nous avons eu le cas d’un fabricant désespéré d’automates à café qui nous a dit: «Indiquez- moi la plus grande décharge d’Allemagne, j’y enverrai dix de mes collaborateurs pour qu’ils retrouvent nos appareils et extraient les puces. Nous pourrons ainsi produire trois mois de plus et survivre.» La région peut donc devenir la plaque tournante de l’économie circulaire.

Madame Dupraz, comment apportez-vous l’économie circulaire précisément aux régions du canton de Fribourg?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Ma tâche principale est de sensibiliser les différentes politiques sectorielles du canton aux défis de la durabilité, ce qui nécessite une culture de l’interdisciplinarité. Une personne qui travaille dans la politique économique doit donc aussi penser aux aspects écologiques et sociaux, et vice versa. Nous essayons de lancer, avec des participants de tous les domaines de l’administration, des projets qui incarnent cette culture de l’interdisciplinarité.

Monsieur Stucki, les entreprises conçoivent-elles l’économie circulaire comme une opportunité ou comme une charge pénible?

Tobias Stucki: Il y a des entreprises qui se soucient déjà de l’économie circulaire et agissent en conséquence, justement parce qu’elles y voient des opportunités. De nombreuses autres y flairent surtout des risques et des dangers. Mais il y a maintenant dans toutes les branches des entreprises phares qui démontrent que cette économie fonctionne. Pour dissiper les craintes, on devrait les mettre encore davantage en vitrine. Il ne s’agit pas seulement de la gestion soigneuse et efficiente de ressources qui deviennent de plus en plus rares. Une économie qui ne comprend pas cela et qui n’est pas prête à en tirer les conséquences ne sera un jour plus compétitive.

Avons-nous besoin de signaux supplémentaires du monde politique pour établir l’économie circulaire chez nous?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: La situation actuelle des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement contribue à ce que de nombreuses entreprises prennent réellement conscience, pour la première fois, de l’importance d’une gestion efficiente des ressources. La pénurie a probablement plus d’effets que nombre de moyens de pression politiques. J’espère en même temps que la modification de la loi sur la protection de l’environnement apportera quelque chose, y compris aux régions. Dans le canton de Fribourg, nous essayons avec cette nouvelle perspective d’élaborer un plan de gestion des déchets qui soit plus global et qui aborde l’ensemble de l’économie circulaire, bien au-delà du recyclage.

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Recherche d’un nouvel équilibre touristique

Pirmin Schilliger

Dix des onze communes de la région Prättigau/Davos sont directement concernées par la loi sur les résidences secondaires (LRS). Cette région n’a pas enregistré de chute économique substantielle à la suite de la LRS, ni dans le tourisme, ni dans le bâtiment. Il y a toujours plus qu’assez de mandats pour ce dernier secteur dans le domaine des rénovations.

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Dans le sillage du développement en général et des hausses de prix pour les résidences secondaires, les résidences principales sont aussi devenues sensiblement plus chères. Klosters et Davos essaient de rectifier le tir et apportent un soutien ciblé à la construction de résidences principales en cédant des parcelles communales en droit de superficie et en participant à des projets de construction de logements. L’obligation de déclarer la réaffectation de résidences principales créées selon l’ancien droit en résidences secondaires a en outre pour but d’aider à détecter de bonne heure les évolutions indésirables sur le marché de l’immobilier. Par des contrats de droit de superficie ou des mesures d’aménagement du territoire, les communes soutiennent les projets touristiques de nouveaux hôtels et de résidences secondaires dédiées à la location.

© regiosuisse

À l’aide d’approches innovantes, elles essaient de mieux exploiter l’infrastructure touristique, par exemple avec le projet «Alles-aus-einer-Hand» soutenu par la Nouvelle politique régionale (NPR), dans le cadre duquel une jeune entreprise rénove des logements de vacances dont les propriétaires lui ont attribué l’usufruit et les loue à des vacanciers. L’offre du projet-modèle «Alpine Sabbatical» s’adresse aux gens qui prennent un congé sabbatique, donc prolongé dans la région. Elle comprend vingt hébergements et des forfaits spécifiques pour ce type de séjours. Avec le projet-modèle «Stratégie logements pour seniors et autres nouveaux résidents», les régions Prättigau/Davos et Albula essaient en outre d’intégrer davantage les propriétaires de résidences secondaires dans la vie communale et, dans le cas idéal, de convertir les résidents secondaires en résidents principaux.

projets-modeles.ch

alpinesabbatical.ch

neustarter.info

regiosuisse.ch/npr

Vous trouverez ici la version complète en allemand.

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Afflux de cerveaux grâce aux «néomontagnards»

Pirmin Schilliger

Malgré l’exode qui prédomine, on peut observer un afflux de cerveaux dans les régions de montagne périphériques de Suisse. Les nouveaux résidents venus de la plaine et des régions urbaines – les « néomontagnards » – sont en général bien formés. En plus de leurs connaissances professionnelles, ils sont souvent très disposés à s’engager socialement dans leur nouvelle région. Nombre d’entre eux donnent en outre des impulsions entrepreneuriales qui, dans les meilleurs des cas, peuvent stopper la tendance au déclin démographique.

Les géographes et les responsables du développement régional qualifient de «néomontagnards» une catégorie déterminée de nouveaux habitants des régions de montagne: ceux qui s’y établissent parce qu’ils y voient les meilleures perspectives pour réaliser leurs projets professionnels et privés. Les régions de montagne suisses profitent de cette évolution depuis quelques années. Celle-ci est favorisée par la bonne accessibilité de nombreuses régions de montagne, par l’existence de résidences secondaires et depuis peu par la numérisation et l’implantation de nouvelles formes de travail. Certaines grandes entreprises y contribuent aussi en développant massivement leurs sites dans les principales vallées alpines. Des firmes comme le sous-traitant pharmaceutique Lonza, la filiale de Bosch Scintilla (tous deux en Haut-Valais), Ems-Chemie ou le fabricant de dispositifs médicaux Hamilton (aux Grisons) sont de véritables moteurs pour l’emploi sans oublier les nouvelles arrivées. Les quatre portraits ci-dessous donnent un aperçu des motivations très diverses des différents «montagnards».

Cyril Peter, Zeneggen (VS)

Après des études à l’Université technique d’Aachen, le docteur en bioprocédés Cyril Peter a voulu sortir du monde académique. Il a cherché un nouveau défi dans l’industrie chez le sous-traitant pharmaceutique Lonza, à Viège. C’est là-bas qu’il travaille depuis 14 ans. En qualité de «Commercial Solutions Integrator», il occupe une fonction importante d’interface entre la clientèle, les responsables commerciaux et l’équipe technique.

«Je connaissais certes l’entreprise Lonza quand j’ai déménagé en Suisse, mais je ne savais presque rien de Viège et du Valais, raconte Cyril Peter. Pour commencer, j’ai habité avec ma famille sur mon lieu de travail dans un environnement de fond de vallée qui n’était pas particulièrement idyllique. Quand nous avons découvert Zeneggen un peu plus tard lors d’une excursion de week-end, nous avons eu le coup de foudre : un village de montagne romantique avec la nature directement devant la porte – totalement à l’opposé de notre vie passée, dans la ville d’Aachen (Aix-la-Chapelle) qui compte un demi-million d’habitants. Zeneggen est rapidement devenue notre nouvelle patrie. Avec ses trois cents habitants et environ deux douzaines d’associations, cette localité offre une vie sociale étonnamment variée, à laquelle j’aime participer. C’est ainsi que je suis depuis quelques années président du club sportif, membre des pompiers volontaires, et depuis peu conseiller de paroisse. Adepte des activités de plein air, j’apprécie en outre les possibilités de loisirs à proximité immédiate.

Je ne suis de loin pas le seul à faire la navette du village à Viège. À cause du coronavirus, j’ai aussi travaillé souvent à domicile ces derniers temps – je me sens parfaitement bien quand je suis assis au milieu des montagnes, à 1400 mètres d’altitude, avec la vue sur les sommets environnants de trois et de quatre mille mètres, tout en étant interconnecté avec nos clients et nos collègues du monde entier. Il ne me manque absolument rien en tant qu’ancien citadin. Au contraire: je suis chaque fois étonné de la richesse de la vie culturelle qu’offre le Haut-Valais, qui inclut même la musique classique. Et si une fois nous avons envie d’autre chose, nous sommes rapidement à Berne, à Zurich ou à Milan.»

Martin Bienerth et Maria Meyer, fromagerie du village d’Andeer (GR)

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Martin Bienerth vient de l’Allgäu, son épouse Maria Meyer de Moselle. Tous deux ont étudié l’agriculture biologique après le baccalauréat et ont gardé des vaches dans les Alpes grisonnes lors de leurs vacances semestrielles. C’est là qu’ils ont fait connaissance et qu’un été à l’alpage s’est finalement transformé en un grand nombre d’estivages. Entre-temps, Martin Bienerth a travaillé comme inspecteur agricole de l’UE, pendant que son épouse s’est formée comme fromagère en Suisse. «Nous avons saisi l’opportunité de reprendre la fromagerie d’Andeer (GR), qui était menacée de fermeture, dès qu’elle s’est offerte à nous il y a près de vingt ans», dévoile Martin Bienerth. «C’était assez compliqué à cette époque – les accords bilatéraux n’existaient pas encore. Nous n’avions guère d’argent, nous ne pouvions compter que sur un soutien public limité et nous avons d’abord été accueillis avec scepticisme parce que nous voulions faire beaucoup de choses différemment de nos prédécesseurs. Mais nous nous sommes mis au travail avec ferveur, passion, engagement et persévérance. Nous transformons aujourd’hui 420 000 litres de lait par an, qui nous sont livrés par cinq paysans bios. Nous produisons du fromage, de la crème, de la crème acidulée et du beurre que nous vendons dans notre propre magasin, à côté d’un assortiment écologique acheté. Nous distribuons également notre fromage dans toute la Suisse et à l’étranger par l’intermédiaire de grossistes. Nous sommes passés de 10 % de vente directe à 100%, avec une hausse correspondante de la valeur ajoutée. Nous pouvons ainsi payer de meilleurs prix aux paysans et lutter contre l’exode rural. Les dix emplois de notre laiterie y contribuent également.

La reprise de la fromagerie a été l’une des meilleures décisions de notre vie, même si l’horaire hebdomadaire de 60 à 70 heures exige de tout donner. Pendant un temps, j’ai aussi été membre du comité de l’Union grisonne des alpagistes (Bündner ÄlplerInnenverein, BÄV) et de la commission d’exploitation alpestre et laitière de l’Union grisonne des paysans. Quand je me rappelle nos débuts difficiles il y a bientôt vingt ans, je crois que bien des choses seraient probablement plus faciles aujourd’hui grâce aux changements politiques.»

Martin Bienerth et Maria Meyer, fromagerie du village d’Andeer (GR)

Martin Bienerth vient de l’Allgäu, son épouse Maria Meyer de Moselle. Tous deux ont étudié l’agriculture biologique après le baccalauréat et ont gardé des vaches dans les Alpes grisonnes lors de leurs vacances semestrielles. C’est là qu’ils ont fait connaissance et qu’un été à l’alpage s’est finalement transformé en un grand nombre d’estivages. Entre-temps, Martin Bienerth a travaillé comme inspecteur agricole de l’UE, pendant que son épouse s’est formée comme fromagère en Suisse. «Nous avons saisi l’opportunité de reprendre la fromagerie d’Andeer (GR), qui était menacée de fermeture, dès qu’elle s’est offerte à nous il y a près de vingt ans», dévoile Martin Bienerth. «C’était assez compliqué à cette époque – les accords bilatéraux n’existaient pas encore. Nous n’avions guère d’argent, nous ne pouvions compter que sur un soutien public limité et nous avons d’abord été accueillis avec scepticisme parce que nous voulions faire beaucoup de choses différemment de nos prédécesseurs. Mais nous nous sommes mis au travail avec ferveur, passion, engagement et persévérance. Nous transformons aujourd’hui 420 000 litres de lait par an, qui nous sont livrés par cinq paysans bios. Nous produisons du fromage, de la crème, de la crème acidulée et du beurre que nous vendons dans notre propre magasin, à côté d’un assortiment écologique acheté. Nous distribuons également notre fromage dans toute la Suisse et à l’étranger par l’intermédiaire de grossistes. Nous sommes passés de 10 % de vente directe à 100%, avec une hausse correspondante de la valeur ajoutée. Nous pouvons ainsi payer de meilleurs prix aux paysans et lutter contre l’exode rural. Les dix emplois de notre laiterie y contribuent également.

La reprise de la fromagerie a été l’une des meilleures décisions de notre vie, même si l’horaire hebdomadaire de 60 à 70 heures exige de tout donner. Pendant un temps, j’ai aussi été membre du comité de l’Union grisonne des alpagistes (Bündner ÄlplerInnenverein, BÄV) et de la commission d’exploitation alpestre et laitière de l’Union grisonne des paysans. Quand je me rappelle nos débuts difficiles il y a bientôt vingt ans, je crois que bien des choses seraient probablement plus faciles aujourd’hui grâce aux changements politiques.»

Christina Fenk et Damian Gschwend, maîtres secondaires, Blitzingen (VS)

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Pour Christina Fenk et Damian Gschwend, il était clair depuis longtemps qu’ils souhaitaient habiter le plus possible au calme et au vert. Dans le cadre de ses dernières vacances, ce couple de maîtres secondaires lucernois a regardé un peu plus attentivement quelques biens immobiliers dans le Haut-Valais, région que Christina Fenk connaît depuis son enfance comme destination de vacances. Une maison qui semblait conçue pour eux leur a tapé dans l’œil. « Elle se situe aux abords du village de Blitzingen (VS) et a été construite il y a quatre ans», raconte Christina Fenk. «Comme nous sommes tous les deux très sportifs, l’offre de loisirs nous a aussi séduits. De toute façon, nous accordons plus d’importance aux activités sportives qu’au cinéma, au théâtre et à toute l’offre culturelle et commerciale d’une ville. Après le premier contact avec le propriétaire et son courtier, nous sommes rapidement tombés d’accord.

Au premier abord, personne n’a voulu croire que notre ‹projet d’émigration› était sérieux. Maintenant que nous sommes sur le départ, les gens de l’arrière-pays lucernois nous disent : ‹Vous n’avez rien à perdre puisque vous pouvez revenir à n’importe quel moment.› Mais ce n’est pas une option pour nous, au contraire: après les vacances d’été, nous commencerons tous les deux à enseigner au cycle d’orientation de Fiesch (VS).

Nous avons déjà l’impression que la vallée de Conches est notre nouvelle patrie. Nous serons bientôt dans le bain grâce à notre métier et aux contacts avec l’équipe de l’école, les élèves et les parents. En outre, je nous vois bien aussi nous engager bientôt socialement – par exemple dans un club sportif. Nous sommes également fiers d’être courageux et d’oser quelque chose de nouveau.»

Thomas Lampert, ferronnier d’art et forgeron en bâtiment, Guarda (GR)

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Le fondateur de la forge Fuschina da Guarda vient de Bâle. Serrurier-constructeur de formation, il s’est perfectionné pour devenir maître forgeron diplômé et forgeron d’art. Après un crochet académique avec une maturité et des études de physique abandonnées, puis un engagement militaire au Kosovo, Thomas Lampert est retourné à ses racines professionnelles à 29 ans. «Mais je voulais me mettre à mon compte», se souvient-il. «à la recherche d’un local, je suis tombé en 2001 à Guarda sur une forge rénovée et sur un marché assez vierge. Avec mes collaborateurs et mes apprentis, j’ai progressivement édifié la forge d’art et de construction où nous proposons ferronnerie et réalisations en métal, mais aussi réparations et restaurations. Nous avons également un secteur dédié à la cuisine où nous fabriquons des couteaux, des couverts et des poêles pour les particuliers et les restaurateurs. Nous sommes en train de construire un nouvel atelier que nous ouvrirons le 5 septembre 2020. Il améliorera nos possibilités de production, mais il est aussi conçu comme forge d’exposition avec centre pour visiteurs, exposition, bistrot et locaux d’atelier.

La décision de déménager à Guarda s’est avérée excellente. La périphérie a ses avantages lorsqu’elle attire aussi des visiteurs. La Basse-Engadine laisse du temps et de l’espace pour des idées nouvelles et des innovations comme le bâtiment neuf dans lequel nous souhaitons refamiliariser les gens avec le métier de forgeron. Le financement a toutefois représenté un certain défi. Nous y sommes finalement parvenus avec des fonds propres, un crédit de construction, un financement participatif et une contribution de l’Aide suisse à la montagne. En tant que nouvel arrivant, j’ai toujours joui d’une sorte de liberté absolue. En Basse-Engadine, la personne travailleuse, assidue et qui a un certain succès a déjà à moitié gagné. À côté de toutes les qualités humaines, on s’attend aussi à un certain engagement public. J’ai siégé cinq ans au conseil communal et je suis actuellement président de l’office du tourisme. Plutôt réservés, les Engadinois m’ont toujours pardonné mon franc-parler bâlois.»

Le bénéfice pour l’économie régionale

On ignore quelle contribution globale les «néomontagnards»  apportent au développement régional. Cette notion n’apparaît encore dans aucune statistique. L’Institut de géographie de l’Université de Berne a examiné plus en détail le phénomène des «néomontagnards» lors d’une étude exploratoire menée dans le canton des Grisons. Rahel Meili, qui a écrit sa thèse sur ce sujet, constate que: « l’arrivée des «néomontagnards» provoque un rajeunissement de la population et renforce le capital humain.» En outre, ces nouveaux résidents venus de la plaine disposent de grandes connaissances professionnelles, d’un capital de départ et de réseaux interrégionaux. Ils apportent des idées et des contacts nouveaux dans les régions périphériques. Ils ou elles amènent des possibilités innovantes de création de valeur ajoutée axée sur l’exportation en développant leur réseau de vente dans les régions urbaines d’où ils viennent et au-delà.

On ne peut que spéculer sur les possibilités d’exploiter le potentiel économique des «néomontagnards» à plus grande échelle. Une approche pourrait consister à créer un réseau des «néomontagnards» afin que ceux-ci puissent échanger leurs idées et leurs expériences et, si nécessaire, accéder à des prestations de conseil spécifiques. On pourrait aussi inclure dans ce réseau la génération des personnes de 65 ans et plus qui, après la retraite, choisissent de convertir leur résidence secondaire à la montagne en domicile fixe et s’intéressent à s’engager publiquement dans leur nouvel environnement.

Thèse de Rahel Meili: regiosuisse.ch/PhDMeili

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Quelles sont les opportunités que les nouvelles formes de travail flexibles offrent aux espaces ruraux et aux régions de montagne? Deux experts et une experte de l’aménagement du territoire et du développement régional ont discuté de cette question lors d’une vidéoconférence: Rahel Meili, cheffe de projet au Centre régional et économique du Haut-Valais SA, Peder Plaz, directeur du Forum économique des Grisons, et Daniel Studer, initiateur et président de la coopérative responsable de la «Plattform Haslital». Voici leur conclusion: les formes de travail flexibles offrent des possibilités de développement non seulement économique, mais aussi social, à condition que chaque région développe des solutions autonomes.

regioS: Faute de données, on ne peut actuellement que spéculer sur l’importance des changements structurels résultant des formes de travail flexibles pour l’espace rural et les régions de montagne. Rahel Meili, qu’observez-vous par exemple dans votre région, le Haut-Valais? Quelle importance y ont déjà les nouvelles formes de travail flexibles?

Rahel Meili: Ce thème n’apparaît que lentement dans le Haut-Valais. Il y a par exemple à Saas Fee une initiative qui vise à mettre en place un espace de co-working. Il est aussi question de co-working à Viège et à Brigue, mais ce sont des centres plus urbains. Si nous nous focalisons sur les régions de montagne, c’est Fiesch qui me vient à l’esprit. Un centre d’affaires comprenant notamment un espace de co-working y sera construit. Il est aussi partout question de numérisation, par exemple avec le projet Interreg « Smart Villages » du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) auquel participent aussi quelques communes haut-valaisannes.

Les formes de travail flexibles constituent-elles déjà un facteur économique dans le canton des Grisons?

Peder Plaz: Il n’existe pas encore de statistiques pour la Suisse. Mais nous observons depuis 10 à 15 ans une migration des personnes âgées. De plus en plus de gens vont vivre leur retraite à la montagne. Il s’agit de personnes qui souhaitent revenir dans leur région d’origine pour leurs vieux jours, ou qui choisissent un appartement de vacances comme résidence permanente.

Peder Plaz © regiosuisse

Quelle est l’importance de la «Plattform Haslital», déjà établie à Meiringen?

Daniel Studer: Il serait exagéré de déjà parler d’un facteur économique. Je constate toutefois que notre situation n’est pas mauvaise du tout suite aux évaluations de la demande que nous avons faites pour préparer le projet «Plattform Haslital». Nous comptons aujourd’hui plus d’une douzaine d’abonnés – c’est ainsi que nous appelons les usagers de la plateforme – qui y entrent et sortent régulièrement. Ce chiffre comprend aussi la start-up innovenergy, qui a son siège principal auprès de la plateforme et emploie maintenant plusieurs personnes. Nous observons qu’une interconnexion passionnante se produit entre personnes provenant de différents sites, de différentes branches et qui bénéficient de différents types de contrats de travail. Nous en sommes ravis, puisque cette mise en réseau fait partie de notre concept, et nous y voyons un grand potentiel de développement.

En quoi est-il utile aux régions de montagne d’attirer de nouveaux habitants grâce aux formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En principe le fait que davantage de gens habitent, consomment et paient des impôts sur place constitue un bénéfice pour une région. C’est également un avantage que les villages soient animés toute la journée et non uniquement aux heures de pointe.

Peder Plaz: Le tourisme constitue la colonne vertébrale économique des Alpes centrales, trop éloignées pour les pendulaires des villes. Mais il a eu des ratés au cours des trente dernières années. Dans cette situation, le nouveau phénomène de légère flexibilisation du poste de travail, qui peut aussi être aménagé par exemple dans une résidence secondaire de cet espace alpin, arrive à point nommé. Il suscite l’espoir que l’importance économique du tourisme commercial puisse évoluer en direction de l’économie résidentielle. Les résidences secondaires sont un thème important à cet égard. Les forces se déplacent lorsque les propriétaires de résidences secondaires se rendent à la montagne non seulement pour skier, mais aussi pour travailler. Aux skieuses et aux skieurs qui travaillent accessoirement sur leur lieu de vacances se joignent les personnes âgées déjà citées qui font de leur résidence secondaire leur domicile principal. Il sera toutefois encore plus déterminant de réussir à recruter aussi des familles comme résidents des régions de montagne grâce aux formes de travail flexibles. Nous avons vu pendant la pandémie du coronavirus que les conditions numériques sont réunies. Il y a toute-fois des insuffisances et des lacunes dans les structures sociales, par exemple dans l’accueil des enfants. Les deux parents souhaitent en outre trouver un travail qualifié à une distance raisonnable de leur domicile.

Rahel Meili: Le résultat d’une étude de l’Université de Bâle montre que ce sont plutôt des gens bien formés venant de certaines branches comme la finance et les assurances qui peuvent travailler de manière flexible. Si nous voulons cibler ces gens, nous devons analyser précisément leurs besoins. Nous devons savoir s’ils ont besoin d’autres infrastructures que des crèches, afin qu’ils se sentent vraiment bien en région de montagne et souhaitent aussi y travailler. Que souhaitent-ils précisément : désirent-ils vraiment un espace de co-working spécifique ou préfèrent-ils un café de co-working où ils boivent un café quand ils en ont envie, travaillent deux heures, puis peuvent retourner dans leur appartement de vacances ? Cette analyse des besoins doit encore se faire beaucoup plus en profondeur.

Quels sont les facteurs de succès de la «Plattform Haslital», qui a visiblement bien démarré?

Daniel Studer: À la différence de l’Engadine, le Haslital ne dépend pas que du tourisme. Il existe aussi d’autres branches à Meiringen et dans les communes avoisinantes. Nous avons tenu compte de cette structure économique mixte lors de l’analyse des besoins. En regardant la statistique des pendulaires, nous avons constaté qu’il y a à Meiringen environ 190 pendulaires sortants qui consacrent plus d’une heure par trajet vers leur lieu de travail. Dans notre cas, ils vont plus loin que Thoune. Ils travaillent par exemple un ou deux jours par semaine à Berne, à Lucerne ou à Zurich et trois ou quatre jours à Meiringen. Nous avons ciblé ces pendulaires de longue distance et plusieurs d’entre eux sont maintenant abonnés à la plateforme. Pendant la phase de conception, nous avons pris conscience qu’un espace de co-working ne doit pas seulement être pratique. L’essentiel est d’offrir une bonne atmosphère, et la décoration des locaux peut y contribuer fortement. Nous tenions également à apporter un peu d’urbanité dans le centre rural. J’entends par là surtout une certaine densité ou diversité sociale et de nouvelles histoires. Nous essayons de réaliser cet objectif en proposant des lieux de rencontre, des événements culturels et sociaux, des conférences, des séminaires, des expositions, etc. Un avantage essentiel de notre offre est de réduire le trafic pendulaire. Nous contribuons ainsi à la protection du climat et améliorons la qualité de vie des pendulaires.

Daniel Studer © regiosuisse

regioS: Dans le Haut-Valais, comment déterminez-vous les groupes cibles potentiels et par quel moyen essayez-vous de les atteindre?

Rahel Meili: Nous devons discerner si les gens vivent réellement en région de montagne et y ont leur domicile principal ou s’ils ne souhaitent n’y accomplir qu’une partie de leur travail. Pour les gens qui souhaitent réellement vivre en région de montagne, nous essayons d’améliorer la qualité de vie sur place. Il faut surtout de bonnes infrastructures sociales. Pour les co-workers et les télétravailleurs qui séjournent plutôt temporairement à la montagne, l’offre touristique et les possibilités de détente restent importantes. Les touristes journaliers souhaitent qu’il y ait des casiers à la gare pour y déposer leur ordinateur pendant qu’ils font du ski de fond ou de la randonnée, puis pouvoir encore travailler deux heures dans le train quand ils rentrent à la maison.

Monsieur Plaz, comment vous adressez-vous aux résidents potentiels venant de la plaine?

Peder Plaz: Je distinguerais trois groupes. Il y a ceux qui utilisent l’espace de co-working pendant leurs vacances, par exemple à Laax, et n’attendent pas d’autres infrastructures. Pour les retraités, il s’agit avant tout de créer une culture de l’accueil. Les régions de montagne doivent faire comprendre aux seniors que leur présence est désirée. Elles doivent en outre leur offrir un bon accès aux soins de santé, y compris aux soins à domicile. Le taux d’imposition est aussi un critère décisif pour que quelqu’un soit disposé à transférer son domicile. Le plus difficile est de s’adresser au troisième groupe, celui des familles. Car la seule chose que les régions de montagne peuvent leur offrir à coup sûr est l’infrastructure numérique. De bons emplois pour les deux parents constituent souvent le point crucial. Dès que des enfants entrent en jeu, la question se pose aussi de savoir si les parents souhaitent les scolariser dans le canton des Grisons ou peut-être de préférence dans celui de Zurich. Ce choix dépend des passerelles existant dans le système de formation. Nous ne sommes qu’au début du recrutement des familles. Nous avons aussi besoin pour cela d’une prise de conscience et d’un changement culturel. Nous devons créer une véritable situation d’accueil, au-delà d’une identité commune des indigènes et des nouveaux arrivants. Nous parlons ici d’aspects tels que droits de cogestion, droits de cofinancement, participation à la vie associative, etc.

Rahel Meili: La situation est un peu particulière dans le Haut-Valais, car nous enregistrons actuellement une très forte croissance économique dans la vallée principale. Des entreprises comme Lonza, Matterhorn Gotthard Bahn, Scintilla et Centre hospitalier du Haut-Valais créent de nombreux nouveaux emplois. La question qui se pose est de savoir comment non seulement les communes de la vallée, mais aussi les villages de montagne peuvent en bénéficier. Afin de rehausser l’attractivité de ces derniers et de les aider à intégrer de nouveaux résidents extracantonaux ou étrangers, le Centre régional et économique du Haut-Valais a lancé le programme de développement régional wiwa de concert avec ces entreprises, les communes, Valais/Wallis Promotion, la Chambre valaisanne de tourisme et Business Valais.

Rahel Meili © regiosuisse

Quels acteurs sont-ils particulièrement sollicités lorsqu’il s’agit de développer les formes de travail flexibles pour les régions de montagne et inversement d’équiper les régions de montagne pour les formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En tant que responsables du développement régional, nous pouvons créer les infrastructures nécessaires avec les communes et élaborer les business plans appropriés. Mais le plus important est qu’un changement culturel ait lieu dans l’économie. Les différentes firmes doivent prendre conscience que leurs employés peuvent aussi travailler plusieurs jours par semaine à l’extérieur de l’entreprise: à domicile ou ailleurs. Nous pouvons les sensibiliser à ce processus et communiquer les offres correspondantes, mais le changement de culture doit avoir lieu au sein des entreprises.

Peder Plaz: À moyen et à long terme, les communes peuvent obtenir d’importants résultats en créant de bonnes conditions-cadre en termes de stratégie fiscale, d’infrastructure familiale et de mentalité d’accueil. Actuellement, la crise du coronavirus est un facteur d’accélération pour le télétravail. La plupart des entreprises ont probablement remarqué que l’on peut aussi très bien travailler depuis la maison. De nombreux employés ont également appris à se servir des vidéoconférences. Nous constatons en outre combien il est agréable de vivre avec moins de trafic pendulaire.

Les formes de travail flexibles en région de montagne pourraient-elles connaître en fin de compte le même sort que le télétravail il y a des décennies: de grands espoirs et finalement des déceptions d’autant plus grandes?

Peder Plaz: Les formes de travail flexibles ne sont pas comparables au télétravail des années 1980. À cette époque, on pensait surtout au travail à domicile pour les collaborateurs/trices de centres d’appels. Aujourd’hui, il s’agit au contraire de conseils et de services spécialisés, de juristes et d’ingénieurs, de créateurs d’entreprises et d’indépendants travaillant à domicile. Cependant, je ne crois pas que l’on travaillera cinq jours par semaine à domicile à la montagne. La demande porte plutôt sur une combinaison de travail présentiel, de travail à domicile et de tâches familiales. Car la tendance vers des formes de travail flexibles est liée à la tendance sociale qui accorde une importance toujours plus grande à la famille, aux loisirs et à une répartition moderne des rôles.

Daniel Studer: Je vois cette question de manière analogue, d’autant plus que je pratique moi-même les nouvelles formes de travail. Je travaille à Berne deux ou trois jours par semaine parce que je souhaite voir et rencontrer physiquement mes collègues de travail. Je passe le reste de mon temps de travail à Meiringen avec d’autres gens, à la plateforme. J’y remarque l’importance d’avoir sur place des gens motivés qui connaissent et mettent en œuvre les avantages des formes de travail flexibles et les possibilités qui en résultent. Ici, nous œuvrons bénévolement en tant que coopérative. Nous le faisons très volontiers parce que nous y voyons l’intérêt général, avons du plaisir et bénéficions de l’approbation et du soutien de divers côtés.

Rahel Meili: Les régions de montagne tireront durablement profit des nouvelles formes de travail flexibles, mais les changements se produiront petit à petit. Bien quelques années passeront encore jusqu’à ce que la périphérie accède réellement au monde du travail numérique. La vitesse du processus dépend essentiellement des idées des acteurs locaux. La voie du succès passe non pas par n’importe quels projets, mais par des projets uniques et spécifiques à chaque lieu.

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