Le projet NPR «Programm graubünden nachhaltig» («Grisons durables») a pour objectif de développer durablement la marque «Grisons» et son réseau régional. Une vingtaine de partenaires émanant de différents secteurs échangent leurs idées dans le cadre de ce programme qui vise à promouvoir le développement durable de la région. Nos invités Tanja Jacobson, Marc Kollegger et Michael Caflisch expliquent de quoi il retourne et comment se déroule la collaboration entre les différents partenaires.
Faire des Grisons une région durable
«La marque Graubünden («Grisons») se veut être un acteur du changement. Le projet NPR «Programm graubünden nachhaltig» («Grisons durables») crée les conditions-cadres permettant un développement commun des partenaires de ladite marque», explique Tanja Jacobson, Responsable de programme «graubünden nachhaltig». L’objectif est de développer les Grisons dans les trois dimensions de la durabilité, à savoir économique, écologique et sociale. Un tel développement permettra aux partenaires du canton d’assurer leur pérennité tout en améliorant leurs performances du point de vue de la durabilité.
Tanja Jacobson et son équipe veillent à ce que des partenaires émanant de secteurs très divers se rencontrent, échangent, développent de nouvelles idées et solutions et encouragent les innovations en matière de durabilité. Le format retenu dans ce contexte, à savoir l’«atelier», est particulièrement conçu pour favoriser cet échange.
«La contribution de la marque Grisons consiste à diriger, organiser et animer le processus de développement durable au sein du réseau éponyme.»
La marque «Grisons»
Du jus de pomme régional en lieu et place du jus d’orange importé
Les partenaires de la marque Grisons contribuent activement à l’avenir de leur espace de vie et économique commun tout en profitant du réseau existant. Les services de psychiatrie des Grisons (PDGR) en sont un exemple: s’inspirant des échanges développés au sein du réseau, les PDGR servent désormais, lors de leurs apéritifs, du jus de pomme régional en lieu et place du jus d’orange importé. «Même de petites mesures peuvent avoir un impact», explique Marc Kollegger, directeur des PDGR. «Le jus de pomme a été très bien accueilli par les invités, surtout lorsqu’on leur a expliqué qu’il s’agissait d’un choix plus durable.» Les PDGR discutent par ailleurs également de questions plus larges en lien avec la durabilité:
Comment promouvoir la biodiversité sur les sites des cliniques Waldhaus et Cazis?
À quoi pourrait ressembler un concept de mobilité durable pour un fonctionnement 24 heures sur 24 qui inclurait les transports publics et individuels pour le personnel de la clinique?
En tant qu’employeur régional important, les PDGR ont une responsabilité tant envers ses patients qu’envers ses collaborateurs. La durabilité s’est donc imposée depuis longtemps comme étant un thème stratégique. «Les PDGR ont du retard à rattraper en la matière», déclare Marc Kollegger. La participation au projet NPR «Programm graubünden nachhaltig» («Grisons durables») est censée faciliter le développement de mesures de mise en œuvre concrètes.
Un programme de développement durable tourné vers l’avenir
Le «Programm graubünden nachhaltig» de mise en œuvre, financé par la NPR, s’étendra sur trois ans. La participation active des partenaires, tant sur le plan financier que sous forme de collaboration, est une condition préalable à tout cofinancement. Dans le cadre de la NPR, le canton des Grisons soutient ce programme en collaboration avec la Confédération; ce soutien consiste en une contribution à fonds perdus qui couvre un quart du coût total. Michael Caflisch, responsable du développement touristique du canton des Grisons, conclut: «Le programme NRP est convaincant car il favorise le renforcement de notre place économique et permet à de nombreux partenaires issus de différents domaines d’apporter une valeur ajoutée au canton.»
La marque «Grisons»
La marque «Grisons» a été lancée en 2003, suite à la demande du gouvernement de l’époque qui souhaitait la création d’une marque régionale intersectorielle afin de renforcer durablement l’attractivité économique du canton.
La marque «Grisons» a pour objectif de transmettre et de renforcer les valeurs fondamentales de la région – authenticité, bien-être et clairvoyance – auprès des habitants, des entreprises et des visiteurs. La marque doit contribuer à positionner les Grisons comme un lieu de vie, de travail et de détente attractif.
Le projet NPR «Programm graubünden nachhaltig» («Grisons durables») est l’un des nombreux instruments de travail adoptés par la marque Grisons pour atteindre cet objectif.
Robotique pour les PME – rester compétitif avec le soutien de la NPR
Rendre la robotique accessible aux PME de la région du Rhin supérieur – tel est l’objectif du programme européen de soutien « Robot Hub Transfer ». Le Hightech Zentrum Aargau est partenaire du projet et transmet des connaissances, met en réseau et conseille les entreprises locales dans le domaine de la robotique. La Nouvelle politique régionale (NPR) participe financièrement à la création d’un réseau de robotique dans la région du Rhin supérieur. Découvrez en vidéo comment Hygentile teste l’automatisation robotisée de la manipulation des canettes dans la brasserie Mischmasch :
La pénurie accrue de main-d’œuvre qualifiée et la pression croissante de la concurrence mettent les entreprises au défi, y compris dans la région du Rhin supérieur : les entreprises doivent oser proposer de nouvelles solutions afin d’être bien préparées pour l’avenir. C’est là qu’intervient le projet européen Interreg « Robot Hub Transfer ».
Plus de compétences en robotique pour les entreprises de la région du Rhin supérieur
Le High Tech Zentrum Aargau (HTZ) est un partenaire du projet « Robot Hub Transfer » et transmet des connaissances, met en réseau et conseille les entreprises locales en matière de robotique. Il aide ainsi les PME à utiliser les robots de manière efficace et économique. Christoph Brunschwiler – expert en innovation et en technologie au HTZ – explique : « Nous plaçons l’entreprise au centre et veillons à ce qu’elle ait accès aux technologies appropriées, au savoir-faire nécessaire et aux aides financières adéquates ». En effet, les PME manquent souvent de connaissances techniques nécessaires pour tester et mettre en œuvre des systèmes robotiques de manière judicieuse et rentable.
Grâce à des analyses de la situation actuelle et à l’examen de la faisabilité et de la rentabilité, le projet «Robot Hub Transfer» crée une base de décision solide. Les PME peuvent ainsi évaluer si cela vaut la peine d’investir dans la technologie robotique. Le risque entrepreneurial peut être considérablement réduit.
La robotique dans la pratique : collaboration avec la PME locale Hygentile
Un exemple réussi, issu du réseau robotique de la région du Rhin supérieur est celui de Hygentile, une PME régionale spécialisée dans le remplissage et la fermeture de canettes. Chez les petits producteurs, le remplissage et la fermeture des canettes de boissons s’effectuent en plusieurs étapes. La solution développée par Hygentile regroupe ces différentes étapes en une seule, et ce dans un environnement sous gaz protecteur. Ainsi, la boisson n’est à aucun moment en contact avec l’air pendant tout le processus de remplissage et de fermeture, ce qui permet de mieux préserver l’arôme de la boisson et de prolonger sa durée de conservation. « L’innovation en matière de processus était déjà présente chez Hygentile, ce qui manquait, c’était l’automatisation de la manipulation des boîtes et des couvercles », explique Christoph Brunschwiler. La collaboration avec la FHNW s’est faite par l’intermédiaire de la HTZ. L’institut d’automatisation de la FHNW a étudié quelle solution permettrait d’automatiser la manipulation des boîtes et des couvercles lors du remplissage et de la fermeture. L’institut a ensuite développé un prototype fonctionnel en collaboration avec Hygentile.
Une telle innovation ne profite pas seulement à la microbrasserie Mischmasch, où cette étape d’automatisation a été testée, mais à toute la région du Rhin supérieur, comme le souligne Andreas Kunzmann de Hygentile : « On développe, produit et vend dans la région. Des prestations de service sont fournies et des entreprises sont créées, ce qui génère des emplois ».
Les subventions de la NPR, un facteur décisif
Grâce aux subventions de la NPR, la PME Hygentile, située dans la région du Rhin supérieur, a pu examiner comment améliorer son processus de remplissage et de fermeture. Pour en arriver là, l’échange de connaissances avec la FHNW ainsi que la coordination assurée par le HTZ entre les différentes parties prenantes ont été décisifs.
Coopération européenne dans le domaine de la robotique
« Robot Hub Transfer » est un projet soutenu par le programme de financement européen Interreg Rhin supérieur. Il accompagne les PME de la région dans l’introduction de la robotique. Ce projet transfrontalier réunit des partenaires d’Allemagne, de France et de Suisse. Son objectif est de faciliter le transfert de technologie dans le domaine de la robotique et de renforcer la compétitivité de la région du Rhin supérieur, grâce à la mise en réseau des instituts de recherche et des PME.
Pour rester compétitives dans un environnement marqué par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les PME de la région du Rhin supérieur ont tout intérêt à automatiser leurs processus à l’aide de robots. Or, elles manquent souvent les connaissances techniques nécessaires. C’est là qu’interviennent les partenaires du projet « Robot Hub Transfer ». L’objectif est de soutenir, d’ici l’automne 2026, une centaine de PME dans la région transfrontalière du Rhin supérieur (D, F, CH).
Un espace de création pour la région du lac de Constance
C’est à Arbon qu’est née l’espace de création «ZIKpunkt».Un espace où des entreprises, des organisations et d’autres acteurs de la région se réunissent pour développer et réaliser des projets en commun.L’association ZIKpunkt est un puissant générateur d’idées, notamment pour l’économie régionale. Gilbert Piaser, directeur de la région Oberthurgau, explique dans cette vidéo la vision à la base du ZIKpunkt et son importance, et comment le projet a bénéficié du soutien de la Nouvelle politique régionale (NPR).
«Notre région va de l’avant, grâce à la NPR»
Gilbert Piaser souhaitait rendre tangible son engagement en tant que directeur de la région de Haute-Thurgovie: «Lorsque des locaux se sont libérés sur le site de l’ancienne usine Saurer, nous avons saisi l’occasion et avons lancé le projet «ZIKpunkt». Les initiateurs ont misé dès le début sur les subventions de la NPR.
La région de Haute-Thurgovie a déjà mis en œuvre plusieurs projets grâce à ce soutien. «Notre région va de l’avant, grâce à la NPR», déclare Gilbert Piaser à ce propos. Pour ce qui est de l’initiative ZIKpunkt, les fonds octroyés par la NPR ont été utilisés pour l’essentiel durant la phase de conception et de mise en place, ce qui a permis de mener un important travail de fond.
Une plateforme pour l’innovation
Le ZIKpunkt est géré par une association spécialement créée à cette fin, association dont font également partie les initiateurs du projet et d’autres membres du comité, nouvellement élus. Une association qui poursuit des objectifs ambitieux pour la région, à savoir:
renforcer la place économique
freiner l’exode des professionnels hautement qualifiés
attirer et former des professionnels qualifiés
Le ZIKpunkt tient lieu de plateforme d’innovation. L’association lance des projets innovants en collaboration avec des entreprises, des communes, des organisations et des institutions de la région. On se concentre ici spécifiquement sur la mise en œuvre. «Nous sommes là quand quelqu’un veut réaliser quelque chose de concret», souligne Gilbert Piaser, «le ZIKpunkt est un espace de création et non pas un think tank».
Grouper les compétences et créer des postes à temps partiel
Au début des activités du ZIKpunkt, nous avons testé différents formats afin d’acquérir de l’expérience et d’en tirer des enseignements utiles. Et le résultat est là selon Gilbert Piaser: «La première année, nous avons procédé par tâtonnements. Une approche qui nous a permis de voir ce qui fonctionne vraiment et ce qui ne fonctionne pas au ZIKpunkt».
Des mandats concrets s’en sont suivis en 2024. Le ZIKpunkt soutient notamment, avec un secrétariat professionnel et un accompagnement spécifique, l’association «PhytoValley Switzerland» spécialisée dans la médecine naturelle. La croissance des domaines d’activité a en outre permis de créer deux nouveaux postes à temps partiel pour l’administration et la direction. Le ZIKpunkt a donc tout en main pour lancer d’autres projets innovants et développer l’économie régionale sur le long terme.
Il y a vingt ans que l’idée de l’Écoparc de Daval est née à Sierre (VS), sur une surface équivalente à environ trente terrains de football. Son développement vise à promouvoir l’économie circulaire. Les entreprises qui s’y sont installées jusqu’à présent ne sont pas plus d’une douzaine, bien que la demande soit bien plus importante. Ce nombre réduit n’est pas dû à un manque d’intérêt, bien au contraire, mais aux critères de sélection que les PME candidates doivent remplir pour participer à cette communauté d’entreprises. Celles-ci doivent travailler de manière durable et équitable, être prêtes à élargir leurs points de vue et à exploiter les synergies avec leurs voisines. Elles sont notamment tenues de créer des espaces verts sur leurs parcelles.
L’utilisation de l’énergie solaire est recommandée et l’un des objectifs est d’accroître l’efficience énergétique sur l’ensemble du parc au fil des années. C’est ainsi par exemple que les déchets d’une entreprise doivent devenir la source d’énergie des autres. Les entreprises de l’Écoparc de Daval bénéficient de systèmes communs de gestion des déchets, d’un service postal ou d’un service de conseil en matière de construction. Il est possible de partager des systèmes de logistique et de sécurité et d’utiliser des cantines ou des offres de garderie communes, ce qui illustre que le préfixe «éco» signifie non seulement écologique, mais aussi économique.
Le paradis ne se crée pas facilement: il a au contraire besoin d’une longue phase de démarrage et de quelqu’un qui se charge de la coordination. Car établir le contact avec les entreprises voisines, faire leur connaissance et parler avec elles des potentiels de synergies demande du temps – un temps que de nombreuses entreprises n’osent pas prendre dans une perspective à court terme. Or tout ceci est extrêmement payant à long terme, s’accordent à dire l’expert Benoît Charrière, responsable Communautés du savoir-faire auprès de regiosuisse, et Stéphane Revey, responsable promotion économique de Sierre.
Les matériaux excavés issus des grands chantiers pourraient être transformés en une terre fertile à forte valeur environnementale. Le projet franco-suisse VADEME cherche à savoir si, et comment, une filière de valorisation de ces matériaux, jusqu’ici considérés comme des déchets, pourrait être mise en place dans les bassins genevois et annécien.
Dans le canton de Genève, des millions de tonnes de déchets inertes minéraux issus du domaine de la construction sont produits chaque année. Des déchets provenant de la déconstruction comme des débris de brique ou de tuile, mais aussi résultant de travaux d’excavation ou de terrassement. Lors de travaux, on garde précieusement le sol fertile, présent généralement sur la première couche du terrain – sur une épaisseur allant de quelques centimètres en milieu urbain à un peu plus d’un mètre en milieu forestier. Le sous-sol non fertile se trouvant en dessous est par contre souvent considéré comme un déchet et amené en décharge. «Ces matériaux d’excavation sont souvent emportés dans des carrières, où les matériaux non valorisables sont enfouis. Les entreprises genevoises du bâtiment sont fréquemment amenées à transporter ces déchets en dehors du canton et parfois sur de longues distances. Or, leur transit par camion génère une forte pollution atmosphérique et sonore sur le territoire», indique Sébastien Kicka, chargé de projet innovation à l’Office de promotion des industries et des technologies du canton de Genève. Le canton n’ayant pas la capacité d’accueil de ces matériaux, une grande partie est exportée en France voisine.
Débuté en décembre 2020, le projet VADEME pour «Valorisation agronomique des déchets minéraux» a pour ambition de traiter cette problématique à l’échelle transfrontalière. Il réunit neuf partenaires publics et privés aux expertises complémentaires venant de France ou de Suisse. En associant les réseaux d’acteurs concernés, l’objectif est d’augmenter et structurer les collaborations pour accroître la part valorisée de ces déchets, en particulier en expérimentant des solutions innovantes de fertilisation des déchets inertes terreux. À terme, le projet devrait permettre de favoriser l’émergence d’une économie circulaire de la gestion des matériaux d’excavation.
L’entreprise Edaphos, l’un des partenaires du projet, a développé une expertise en valorisation des déchets minéraux par un procédé de génie pédologique qui permettrait de créer de la terre végétale fertile. «Sur de la matière minérale stérile, nous ajoutons des amendements organiques et microbiens. L’association de ces trois éléments va permettre de recréer une dynamique et des mécanismes naturels qui rendront le sol fertile. Dans la nature, ce processus prendrait un siècle pour obtenir un seul centimètre de sol fertile», explique Mathieu Pillet, CEO de Edaphos.
Leur innovation est testée pour la première fois à l’échelle industrielle dans le cadre du projet VADEME. Dans les travaux de revitalisation de la rivière de l’Aire à Genève (tronçon entre le village de Certoux jusqu’à la frontière française), 10 000 tonnes de matériaux seront traitées d’ici fin 2022, directement sur place. Un second chantier d’expérimentation est actuellement réalisé avec l’entreprise Chavaz, une société de transport et de fourniture de matériaux de carrière. «Sur un de leur site, ils disposent d’une plateforme de traitement de déchets. Des terres provenant de différents chantiers y sont amenées et triées, puis nous y effectuons notre processus de génie pédologique», continue Mathieu Pillet. À noter que pour être considéré comme fertile, la qualité physique, chimique et biologique des matériaux d’excavation et des amendements organiques doit être prouvée (texture adéquate, teneur en éléments nutritifs, bon équilibre des communautés d’organismes du sol, absence de pollution par exemple via des microplastiques, etc.).
Le projet VADEME analyse également la faisabilité et la viabilité économique d’un tel processus. Cette terre fertile pourrait être vendue à des paysagistes ou particuliers pour des travaux paysagers principalement, mais pas pour un usage agricole. Le projet réfléchit aussi aux éventuelles évolutions de la norme de qualité suisse. Selon Mathieu Pillet, «le cadre normatif est très imprécis. Le projet VADEME apportera des voies de réflexion pour le faire évoluer.» Un comparaison sera notamment effectuée avec ce qui se fait en France avec la norme NF U 44-551 que l’on trouve assez largement sur les terreaux commercialisés, signe de qualité du produit pour le consommateur.
En l’état actuel, la production artificielle de sols agricoles n’est pas techniquement et légalement faisable. Dans le cas où les expérimentations se révélaient satisfaisantes, pouvoir valoriser les déchets minéraux issus d’excavation en une terre fertile apporterait de nombreux bénéfices à la région, autant économiques qu’environnementaux. Si une adéquation entre l’offre et la demande se développe, l’intérêt économique est évident: plutôt que de devoir payer un tiers pour se débarrasser d’un matériel considéré comme un déchet, ce matériau serait transformé, puis commercialisé et générerait de la valeur ajoutée pour les acteurs du marché. Selon Sébastien Kicka, « notre projet veut aussi appuyer l’économie locale. Nous suivons les activités de la start-up Edaphos depuis quelques années maintenant. Nous sommes favorables à ce que des synergies avec des entreprises de la région se créent. »
Vu la problématique actuelle d’appauvrissement des sols à l’échelle mondiale, pouvoir produire de la terre fertile est bien sûr avantageux. «Les terres fertiles se raréfient et ne sont pas une matière première renouvelable à l’échelle humaine. Le processus naturel de création d’un sol fertile est extrêmement lent, rappelle Mathieu Pillet, de plus, ce sol a une haute valeur environnementale, dans le sens où à l’échelle globale, les sols stockent énormément de CO2, quatre fois plus que la végétation.» Cela permettrait aussi d’éviter le flux de camions transfrontaliers qui transitent entre la Suisse et la France sur des distances parfois importantes pour transporter ces déchets, et toute la pollution qu’ils génèrent.
Finalement, si ce nouveau moyen de recyclage s’avérait concluant, il viendrait avantageusement remplacer une pratique de revalorisation des déchets minéraux actuellement réalisée en France dans des zones agricoles. Le modelé de terrain consiste à décaper la couche de terre fertile à la surface. On y met les déchets minéraux, puis on les recouvre de la terre fertile. Si elle est mal effectuée, cette pratique peut causer des problèmes majeurs liés à l’écoulement des eaux ou la capacité des plantes à avoir une prospection racinaire suffisante. Ce procédé est interdit en zone agricole en Suisse et souffre d’un manque de suivi et contrôle par les administrations en France.
Le projet VADEME livrera ses conclusions d’ici la fin de l’année 2022.
VADEME est un projet européen Interreg France-Suisse. Il réunit, pour une durée de deux ans, de janvier 2021 à décembre 2022, des partenaires français et suisses autour d’un budget de 820 000 CHF qui comprend des fonds européens de développement régional (FEDER), des fonds fédéraux (NPR) et des fonds cantonaux. Deux chefs de file se partagent la responsabilité du projet: le Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie (CAUE 74) pour le côté français et l’Office de Promotion des Industries et Technologies (OPI) pour le côté suisse.
Marchés publics: levier pour l’économie circulaire
Pirmin Schilliger
Avec un volume d’environ 40 milliards de francs, le secteur public est le principal acheteur sur le marché de l’approvisionnement. Il dispose ainsi d’un levier puissant pour promouvoir l’économie circulaire. Le centre de compétences Prozirkula à Bâle a été créé il y a deux ans afin d’accélérer la transition d’une économie du jetable à une économie circulaire dans l’approvisionnement public et privé.
Il y a des années que les Pays-Bas mobilisent des milliards pour stimuler l’économie circulaire par le biais des marchés publics. Il y a quatre ans, l’organisation Circular Economy Switzerland et l’entreprise de conseil ecos ont commencé, avec le projet Circular Cities Switzerland, à faire fructifier le savoir-faire néerlandais en Suisse. Sur la base de cette expérience, les deux experts de l’économie circulaire Marco Grossmann (ecos) et Raphael Fasko (bureau d’ingénieurs-conseils Rytec Circular) ont développé l’idée d’un centre de compétences dédié aux achats publics circulaires, qui a finalement débouché sur la création de Prozirkula.
À l’aide d’un financement initial de la Fondation mava, Rytec et ecos ont commencé à monter le entre de compétences au printemps 2020. Après une phase de lancement de deux ans, Prozirkula accède en avril 2022 au statut de Sàrl svelte avec comme unique employée sa directrice Antonia Stalder. Certains membres du personnel d’ecos et de Rytec Circular travaillent aussi régulièrement pour Prozirkula sur la base de mandats. Le modèle d’affaires prévoit que la jeune entreprise devrait se financer elle-même par son offre de services au plus tard dès 2024. Antonia Stalder se montre optimiste: «Il s’est révélé dès le début que l’intérêt pour notre offre est très grand et qu’il ne cesse de croître.»
Cet intérêt croissant s’explique essentiellement par la révision, en vigueur depuis 2021, de la loi fédérale sur les marchés publics (lmp). Le personnel de l’administration ainsi que les décideuses et les décideurs politiques au niveau fédéral, cantonal et communal sont plus ou moins tenus depuis cette date de donner plus de poids aux critères de la durabilité et spécifiquement de l’économie circulaire dans leurs achats. Le prix à lui seul ne doit pas être l’argument décisif d’adjudication. Il s’agit d’intégrer bien davantage des critères tels que la préservation des ressources, l’efficience énergétique, la neutralité climatique, etc.
Ce n’est pas par hasard que l’attention de Prozirkula se concentre en premier lieu sur les marchés publics: avec un volume d’achats d’environ 40 milliards de francs, le secteur public est l’acteur le plus important sur le marché de l’approvisionnement. Il dispose du plus grand levier pour activer l’économie circulaire. Avec ses décisions en faveur de solutions circulaires, il peut poser les jalons décisifs d’un développement durable. Il est toutefois regrettable que la loi se limite à des recommandations. Les décideuses et les décideurs conservent donc toujours une grande liberté pour choisir entre la variante la plus avantageuse et la plus écologique lors d’un achat.
Travail de pionnier et projets pilotes
Immédiatement après sa création, Prozirkula a lancé un premier projet pilote, suivi entre-temps par d’autres projets. En se fondant sur la «Feuille de route pour la réutilisation de meubles», l’Office de l’environnement et de l’énergie de Bâle- Ville (aue) a par exemple réutilisé son ancien mobilier dans l’immeuble neuf achevé en 2021 au centre de Bâle. Le bâtiment lui-même, de construction hybride bois-béton, doté d’une façade photovoltaïque et conforme au label Minergie-A-ECO, répond aussi en grande partie aux critères de l’économie circulaire. Les Services industriels de Bâle (iwb) ont aidé Prozirkula à intégrer les principes de l’économie circulaire dans l’appel d’offres pour les bornes de recharge électrique. Armasuisse mise désormais aussi sur les critères d’adjudication de Prozirkula chaque fois qu’il achète du matériel électronique. Les cff travaillent avec un outil d’analyse codéveloppé avec Prozirkula pour évaluer les opportunités et les risques de chaque catégorie de marchandises en termes d’économie circulaire.
«Chaque fois qu’un projet d’économie circulaire est lancé, les acteurs impliqués ne peuvent pas éviter de faire oeuvre de pionniers», estime Antonia Stalder. Il n’existe que peu de références ou de solutions standard que l’on peut simplement reprendre telles quelles. Il est rare que les acheteurs publics puissent se procurer des offres et des produits standard: ils doivent développer de nouvelles solutions avec les fournisseurs. Tel est leur véritable défi. La transition vers l’économie circulaire commence dans la tête, car les achats circulaires se fondent sur une nouvelle manière de penser. Le personnel de l’administration et les managers s’aventurent généralement en terrain inconnu et sont confrontés à des exigences inhabituelles lorsqu’ils s’intéressent à des achats circulaires. Dans cette situation, Prozirkula leur propose un soutien professionnel. «Nous accompagnons les processus d’achat et veillons à ce que les appels d’offres intègrent déjà les principes de l’économie circulaire», explique Antonia Stalder.
Le centre de compétences Prozirkula favorise la transition vers des pratiques de production et de consommation circulaires par les moyens suivants: conseil, formation continue, transfert de savoir, mise en réseau et base de connaissances. «Nous rendons régulièrement compte de projets phares et de nos expériences lors de manifestations, par exemple lors du Forum des usagers de l’économie circulaire en septembre de cette année», ajoute Antonia Stalder.
Plus-value écologique et économique
Avec ses services, le centre de compétences s’adresse certes en premier lieu aux acheteurs publics, mais les directrices et directeurs d’achat des entreprises ont également tout intérêt à faire appel aux spécialistes de l’économie circulaire de Prozirkula. Antonia Stalder se dit convaincue que «les entreprises qui intègrent stratégiquement les principes de l’économie circulaire dans leurs processus peuvent escompter de meilleures chances de l’emporter lors de marchés publics». Les modèles d’affaires dans lesquels la plus-value écologique et la plusvalue économique vont de pair sont de plus en plus fréquemment demandés. Le fabricant de meubles Zesar, Tavannes (JU) qui a développé du mobilier circulaire pour les écoles et les bureaux, a par exemple des atouts à cet égard.
Si les acteurs publics exploitent systématiquement leur pouvoir d’acheteurs et ne misent plus que sur des fournisseurs qui appliquent des modèles d’affaires circulaires, ceci créera un effet boule de neige et stimulera la transformation vers l’économie circulaire dans l’industrie et les arts et métiers. De plus, tous les acteurs contribueront de manière décisive à atteindre l’objectif de développement durable (odd) 12 «Établir des modes de consommation et de production durables» ainsi que d’autres odd.
Pour la 11ème année consécutive en 2021, la Suisse reste le numéro 1 en matière d’innovation, selon l’ONU. Elle fait également figure d’exemple en termes de recyclage avec un taux de 53% de déchets recyclés, même si les pays européens sont en train de rattraper leur retard. En revanche, chaque Suisse génère 2,7 tonnes de déchets par année, dont plus de 700 kilogrammes d’ordures ménagères, ce qui place notre pays sur le podium mondial des producteurs de déchets par habitant.
Si nous souhaitons atteindre les objectifs 2050 en termes de neutralité carbone, il est essentiel de repenser la manière de consommer les ressources. L’économie circulaire favorise ce changement de paradigme, que ce soit pour un produit, une entreprise, une chaîne de valeur ou un territoire. L’appareil législatif suisse est en cours d’évolution pour encadrer un meilleur usage des ressources. En même temps une multitude d’initiatives et de projets locaux voient le jour.
L’enjeu réside dans le passage à l’échelle. Comment accélérer cette transformation nécessaire de l’économie, et quel rôle peuvent jouer les communes, les régions ou encore les cantons? Différents instruments publiques existent qu’il s’agit d’alimenter avec les notions d’économie circulaire. À ce titre la NPR représente une vraie opportunité pour accompagner cette transition. Le présent numéro donne un bref aperçu de la réflexion fondamentale sur l’économie circulaire et présente quelques exemples concrets.
La boîte à outil économie circulaire développée par regiosuisse vise justement à soutenir les acteurs publics dans ce sens. Sur cette base, regiosuisse lance en 2022 le RegioLab économie circulaire pour permettre aux régions de désigner les potentiels. À vos marques, prêts, circulez!
Exemples d’économie circulaire en Suisse et au Liechtenstein
Dans le cadre du programme de recherche européen espon, le projet circter a étudié les conditions territoriales à remplir pour établir avec succès une économie circulaire. Il a aussi examiné en détail la Suisse et le Liechtenstein. Selon une étude de cas publiée en septembre 2021, les atouts régionaux spécifiques de ces deux pays pour la transition vers l’économie circulaire sont entre autres des plateformes et des réseaux bien établis qui aident à échanger les expériences et à diffuser les innovations. D’autres facteurs de succès sont des systèmes de collecte ultramodernes, des secteurs industriels et des procédés de pointe soutenus par des instituts de formation et de recherche, un environnement financier et économique favorable, la proximité de noeuds de transport ou de couloirs importants pour l’Europe, ainsi qu’une forte sensibilisation du public et une communication institutionnelle sur les questions d’environnement et de durabilité.
Économie circulaire: les atouts particuliers des régions
Pirmin Schilliger & Urs Steiger
L’économie circulaire est déjà à l’agenda écologique depuis des décennies. Elle est depuis devenue un concept mûr et global pour la gestion durable, qu’il s’agit maintenant de mettre en œuvre dans l’ensemble de l’économie. Il doit également inspirer le développement régional dans le cadre de la Nouvelle politique régionale (NPR).
90 % des matériaux de l’économie globale proviennent de l’extraction de nouvelles matières premières, dont 40 % sont des énergies fossiles. Vu ces chiffres, une forme d’économie qui ménage les ressources est nécessaire. Le concept de l’économie circulaire fournit une approche qui se fonde sur un système composé d’énergies renouvelables et de cycles de matières fermés. Toutes les substances préoccupantes qui polluent l’environnement et mettent la santé en danger devraient être remplacées par des substances inoffensives.
Le principe de l’économie circulaire
L’économiste britannique David W. Pearce est considéré comme le fondateur de l’économie circulaire. C’est au début des années 1990 qu’il a dérivé ce concept de l’écologie industrielle. Le professeur allemand de génie chimique Michael Braungart et l’architecte américain William McDonough ont perfectionné systématiquement cette approche au tournant du millénaire. Dans leur livre «Cradle to cradle»1 (du berceau au berceau), ils ont préconisé un système de production fondamentalement nouveau : plus aucune matière n’atterrit dans une décharge ou une usine d’incinération ; au lieu de cela, tous les matériaux non dégradables naturellement sont réutilisées pour produire de nouveaux biens.
Dans l’économie circulaire conforme au principe «cradle to cradle», ils distinguent trois catégories de matériaux :
➊ Les biens de consommation tels que produits de nettoyage, shampoings ou matériaux d’emballage doivent être fabriqués systématiquement, en économie circulaire, à partir de matières premières biologiques de façon à pouvoir être finalement compostés et confiés en toute tranquillité à l’environnement.
➋ Les biens de consommation tels que voitures, lave-linges ou téléviseurs, composés de «nutriments techniques», doivent être conçus de manière à pouvoir être totalement dissociés en éléments réutilisables à la fin de leur cycle de vie. Les matières de ces biens de consommation circulent donc éternellement dans le système de production industrielle.
➌ La troisième catégorie – toutes les matières que nous brûlons ou mettons en décharge aujourd’hui comme déchets – n’a pas sa place dans l’économie circulaire.
«Dans l’économie circulaire, il ne s’agit pas simplement de réduire ou de minimiser les déchets, mais d’éviter la production de déchets», souligne Michael Braungart, l’un des pères spirituels du concept. S’il n’est pas (encore) possible de remplacer certaines matières des biens de consommation par des alternatives circulaires, il s’agit au moins de réduire la consommation de ressources et d’utiliser les produits plus longtemps.
La sortie des énergies fossiles constitue une condition indispensable pour une future économie circulaire. Avec le tournant énergétique, la Suisse tient le bon cap politique à cet égard ; mais intégrer tous les flux de matières dans un cycle constitue un énorme défi. La réussite de la transformation requiert des choix fondamentaux supplémentaires – y compris au niveau politique. «Il n’y a pour les fabricants aucune nécessité de se conformer volontairement au principe «cradle to cradle» tant que les contribuables financent l’élimination des déchets dans de coûteuses usines d’incinération», critique Michael Braungart.
La transformation de l’économie linéaire en une économie circulaire est un projet global interdisciplinaire qui doit intégrer tous les acteurs, de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets en passant par le développement et la conception des produits, leur fabrication, leur distribution et leur consommation. La gestion des déchets fait en sorte que les matières ne soient plus «éliminées», mais retournent impérativement dans le cycle comme matières secondaires. Mais l’économie circulaire concerne aussi les formes d’utilisation et donc les modèles d’affaires. Les devises sont : louer au lieu d’acheter, partager au lieu de posséder, réparer, récupérer, remettre à neuf au lieu de jeter ! Les consommatrices et les consommateurs peuvent contribuer notablement au changement par leurs habitudes de consommation et leurs modèles de comportement.
Succès économique grâce à l’économie circulaire
Le domaine de la production sollicite surtout les entreprises. Différents pionniers ont déjà montré avec des produits tels que chaises, baskets ou revêtements de sol, que les modèles d’affaires circulaires peuvent être synonymes de succès économique. L’entreprise Forster Rohner, St-Gall, a développé il y a des années des housses rembourrées compostables pour les sièges de bureau et d’avion. Seules quelques entreprises satisfont toutefois aux critères stricts du label Cradle-to-Cradle. Vögeli Druck, Langnau im Emmental, est par exemple la première imprimerie au monde à avoir obtenu, en 2016, la certification Cradle-to-Cradle Gold.
Dans la métallurgie et l’industrie des machines, la voie de l’économie circulaire passe le plus souvent par un processus d’optimisation en plusieurs étapes. Grâce à des améliorations des procédés, le cuisiniste Franke consomme aujourd’hui quatre fois moins d’énergie et deux fois moins d’acier pour ses éviers en acier qu’il y a quelques années. De nombreux métaux, surtout le platine, l’or et le palladium, sont aujourd’hui couramment recyclés dans l’industrie – pour la simple raison que ces matières sont trop précieuses pour atterrir dans les déchets et qu’il est possible de retraiter de nombreux métaux sans problème et sans perte de qualité pour un nouveau cycle de production. En Suisse, environ 1,6 million de tonnes de déchets de fer et d’acier par année sont ainsi reconvertis en acier de construction et en acier inoxydable. 3,2 millions de tonnes de déchets urbains collectés séparément retournent en outre dans le cycle. Dans le génie civil, près de 12 millions de tonnes de matériaux de démolition tels que béton, gravier, sable, asphalte et maçonnerie, soit deux tiers d’entre eux, sont recyclés. «5 autres millions de tonnes de matériaux de démolition et 2,8 millions de tonnes de déchets urbains ne retournent en revanche pas (encore) dans le cycle», précise David Hiltbrunner, de la section Cycles matières premières de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).
Les fibres textiles, les matériaux synthétiques et composites, les déchets électriques et électroniques, les produits chimiques ainsi que certains déchets biogènes restent pour l’instant un défi particulier. Ces matières ne peuvent être dissociées et le cas échéant retraitées qu’à grands frais. Le nombre d’entreprises qui développent des modèles d’affaires innovants selon les principes de l’économie circulaire croît toutefois aussi dans ces domaines délicats. C’est ainsi par exemple que la maison de meubles Pfister propose depuis 2018 des rideaux certifiés économie circulaire. La start-up Tyre Recycling Solutions TRS, Yvonand (VD), remet les vieux pneus en état de marche et l’entreprise Bauwerk, Sankt Margrethen (SG) retraite de vieux parquets.
Des conditions-cadre politiques efficaces sont nécessaires pour que des biens de consommation complexes tels que lave-linges, ordinateurs ou voitures deviennent également circulaires. Les directives-cadres de l’UE sur l’écoconception et les déchets exigent expressément la promotion de modèles de production et de consommation durables, en particulier une conception axée sur la longévité, la réparabilité des appareils électriques, des mesures contre le gaspillage alimentaire et des campagnes d’information destinées à la population. Quelques pays ont déjà bien avancé dans la mise en œuvre. Les Pays-Bas misent par exemple depuis dix ans sur des biens fabriqués selon le principe «du berceau au berceau» pour leurs achats publics et dépensent des montants supérieurs à dix milliards d’Euros pour des achats conformes aux critères de l’économie circulaire. Avec son plan d’action pour l’économie circulaire (Circular Economy Action Plan), l’UE a encore renforcé ses efforts en 2020. On envisage actuellement d’étendre les directives d’écoconception à tous les biens de consommation, car l’UE souhaite dire définitivement adieu au système de la société du tout-jetable. Les directives de l’UE s’appliquent aussi à tous les fabricants suisses qui souhaitent exporter des produits dans les pays de l’UE.
Ce n’est pas un hasard si l’écoconception occupe la première place dans le plan d’action de l’UE : jusqu’à 80 % de l’impact environnemental ultérieur d’un produit sont prédéterminés lors de la phase de conception, tout comme sa durée de vie et sa fiabilité. La règle générale d’écologie «la sobriété prime sur la circularité» est également de mise! Une gestion raisonnée des ressources qui se limite au strict nécessaire évite les marches à vide et économise beaucoup d’efforts ultérieurs. «Toutes les stratégies qui aident à utiliser les substances et les matériaux de façon plus économe, plus efficiente et plus pérenne contribuent à l’économie circulaire», estime David Hiltbrunner.
L’agenda de la Suisse
En Suisse aussi, l’économie circulaire figure en très bonne place sur l’agenda politique – pour une bonne raison : pratiquement aucun autre pays ne produit autant de déchets urbains que la Suisse, malgré des taux de recyclage élevés.
Au Parlement, au moins huit interventions en suspens se réfèrent à l’économie circulaire, les principales étant l’initiative parlementaire 20.433 «Développer l’économie circulaire en Suisse» et le rapport du 11 octobre 2021 de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national. Le Conseil fédéral a procédé ce printemps à un état des lieux actuel de l’économie circulaire. D’après lui, il existe des potentiels importants pour l’économie circulaire surtout dans les domaines suivants : construction et logement, agroalimentaire, mobilité, génie mécanique et industrie chimique. L’administration fédérale a identifié toute une série de prescriptions et de normes qui entravent encore une économie circulaire. Elle examine comment il est possible d’éliminer ces obstacles. Il semble clair que les aspects d’une économie circulaire qui ménage les ressources doivent être intégrés à l’avenir dans les politiques sectorielles de la Confédération. Selon le Conseil fédéral, le mieux est de le faire en accord avec la Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030) de la Confédération et avec les stratégies nationales à long terme des politiques climatique, économique et agricole.
La promotion explicite de l’économie circulaire, qui n’était pas jusqu’à présent un point du programme de la NPR, pourrait en devenir un élément pour la prochaine période de programmation. Cette intention coïncide avec la demande de Romed Aschwanden, directeur de l’institut uranais Cultures des Alpes de l’Université de Lucerne, selon laquelle il faudrait aligner radicalement la NPR sur le principe de la durabilité. «Car le vrai problème des régions périphériques et de montagne n’est plus l’inégalité salariale, mais le changement climatique, argumente-t-il.»
Les travaux préparatoires nécessaires sont déjà en cours auprès des offices compétents, surtout du SECO et des services NPR cantonaux. Le cadre d’orientation est fixé par les dix-sept objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDG) des Nations Unies (ONU). Cet «Agenda 2030» constitue déjà aujourd’hui le cadre d’orientation pour la Stratégie suisse pour le développement durable 2030. La Direction de la promotion économique du SECO peut donc s’appuyer sur ce cadre pour ancrer les idées et les objectifs du développement durable dans la NPR. «L’économie circulaire jouera un rôle important pour le thème prioritaire de la consommation et de la production durable», estime Ueli Ramseier, qui coordonne auprès du SECO les travaux en faveur de la durabilité dans le cadre de la NPR. Avec sa priorité «climat, énergie et biodiversité», la NPR promeut en outre depuis des années les énergies renouvelables et l’aménagement de zones bâties durables et résilientes.
L’harmonisation de la NPR avec le développement durable doit être comprise comme un développement et un complément de la NPR, non comme un changement de système. Il est prévu de développer encore les contributions aux aspects sociaux et écologiques du développement durable au cours de la période de programmation 2024-2027 et de leur donner davantage de poids. La NPR continuera toutefois à l’avenir à se focaliser sur l’économie régionale, mais les services NPR cantonaux et le SECO veulent cofinancer davantage de projets NPR centrés sur l’économie circulaire. «La NPR reste attachée aux objectifs généraux – renforcer la compétitivité des régions, créer des emplois, maintenir l’occupation décentralisée du territoire et réduire les disparités régionales», souligne Ueli Ramseier.
Profiter des atouts de la politique régionale
Les régions jouent un rôle important dans la promotion de l’économie circulaire, même si cela n’apparaît pas au premier coup d’œil. regiosuisse – le Centre du réseau pour le développement régional – a relevé ce défi l’année dernière. «Nous souhaitons créer du savoir-faire, transmettre les connaissances nécessaires et développer des aides concrètes pour les régions», explique Lorenz Kurtz, chef de projet regiosuisse. Dans le cadre de la communauté du savoir-faire regiosuisse «économie circulaire et développement régional», des connaissances importantes ont été préparées au cours des mois écoulés sous la forme d’une boîte à outils pratique accompagnée d’exemples inspirants. Afin de développer ce thème complexe jusqu’à ce qu’il soit prêt à être mis en œuvre par les régions, regiosuisse a lancé en mars de cette année le RegioLab économie circulaire, dont le but est de montrer comment les régions peuvent intégrer l’économie circulaire dans leurs stratégies régionales.
L’économie circulaire offre des opportunités aux régions lorsqu’elle se concentre sur des thèmes et des domaines qui sont déjà structurés régionalement : agriculture et sylviculture, production alimentaire, transformation du bois, énergies renouvelables, infrastructures, services régionaux et donc aussi tourisme. Une analyse systématique des flux de matières et des chaînes de production dans ces domaines montre que le potentiel régional pour l’économie circulaire est énorme. Promouvoir l’économie circulaire requiert non seulement de la formation et de la transmission de connaissances, mais aussi des incitations financières supplémentaires. Il faut de l’argent pour les projets en eux-mêmes, mais aussi pour leur accompagnement professionnel et l’élaboration de stratégies régionales de développement économique circulaire. «Il est envisageable, pour des projets particulièrement exigeants de la catégorie ‹durabilité cinq étoiles›, d’élargir le cadre du soutien et d’allouer à l’avenir davantage de fonds fédéraux à cet effet», estime Ueli Ramseier.
Norman Quadroni, chef de projets politique régionale auprès d’arcjurassien.ch, voit dans l’économie circulaire une grande opportunité de mieux exploiter la richesse naturelle des régions rurales, frontalières et de montagne. Il est convaincu qu’elle permet de mettre en valeur des ressources qui resteraient sur le carreau dans une perspective de développement purement axée sur l’exportation. «Certaines activités économiques organisées aujourd’hui au niveau international pourraient être ramenées dans la région et intégrées dans des circuits courts », considère Norman Quadroni. Grâce à leurs caractéristiques et à leurs qualités telles qu’échelle limitée, vision d’ensemble et proximité, les régions sont en principe prédestinées à l’initiation de processus circulaires. Car la collaboration interdisciplinaire et interentreprises au sein de réseaux, telle que la NPR la pratique depuis ses débuts, est particulièrement demandée en économie circulaire.
Outre regiosuisse, diverses organisations s’engagent pour proposer aux acteurs intéressés du savoir-faire, de l’empowerment et du coaching pour l’économie circulaire:
Go for impact L’association Go for impact, que l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a contribué à créer, se voit comme un moteur de l’économie circulaire en Suisse. Elle s’engage politiquement et économiquement pour modeler l’avenir circulaire de l’économie suisse.
Circular Economy SwitzerlandAvec sa plateforme, ce réseau qui bénéficie d’un large soutien économique, politique et social s’adresse à l’ensemble des organisations, des entreprises et des personnes qui s’intéressent à l’économie circulaire. Il a élaboré une charte de l’économie circulaire et soutient toutes les initiatives par des connaissances, des manifestations et du lobbying politique.
CircularHubCette plateforme de connaissances et de mise en réseau pour l’économie circulaire en Suisse propose aux entreprises et aux start-ups innovantes des offres de formation, de conseil et d’accompagnement de projets.
Réseau suisse pour l’efficacité des ressources (Reffnet)Des expertes et des experts du Reffnet conseillent et accompagnent des entreprises lorsqu’elles élaborent un plan de mesures pour accroître l’efficacité des ressources.
Méthode de conception de «pression des ressources»Une équipe de recherche de l’Empa a développé la méthode de conception dite de « pression des ressources » dans le cadre du PNR 73 Économie durable. Cette nouvelle approche vise à orienter les décisions de conception vers des produits et des services plus durables.
PRISMA Cette communauté d’intérêts d’entreprises de l’industrie alimentaire, de la branche des biens de consommation et de l’industrie des emballages vise à réaliser l’économie circulaire dans le domaine des emballages.
Prozirkula Ce centre de compétences s’engage en faveur de l’intégration des principes de l’économie circulaire dans les processus d’achats publics et privés. Il propose du conseil, du transfert de savoir et de la mise en réseau voir aussi l’article Marchés publics: levier pour l’économie circulaire)
PAP Plateforme de connaissances de la Confédération sur les achats publics responsables.
Boussole durabilité Plateforme de connaissances financée par le SECO et exploitée par la Fondation Pusch et par l’öbu (Association pour une économie durable).
La bourse aux idées: initiatives et projets d’économie circulaire
Aquaponiecombinaison circulaire de la pisciculture et de l’agriculture indépendante du sol ; la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW mène des activités de recherche et d’enseignement dans ce domaine et propose des cours aux personnes débutantes ou intéressées.
Économie circulaire dans le Seeland (projet NPR 2021-2023) des restaurants, des boulangeries et des établissements de restauration collective essaient de fermer les cycles de la chaîne de création de valeur ajoutée avec d’autres acteurs (maraîchers, consommateurs).
Centravo AG, Lyss (BE)cette entreprise valorise depuis 25 ans des composants d’origine animale que les boucheries n’utilisent pas.
Fine Funghi AGcette entreprise zurichoise produits des champignons bios à partir des déchets (son de blé) d’un moulin à céréales.
RethinkResourcecette start-up a développé le marché B2B Circado afin de valoriser certains sous-produits industriels de la production alimentaire.
Ricoter Préparation de terres SAcréée en 1981, cette entreprise produit du terreau à Aarberg (BE) et à Frauenfeld (TG) à partir des déchets organiques des raffineries de sucre.
Qwstioncette marque zurichoise de sacs a lancé un nouveau matériau textile «tissé» à partir des fibres du bananier.
Construction et immobilier
Construction circulaire (Beat Bösiger, bluefactory) déconstruction, béton recyclé, utilisation de matériaux locaux, durables, renouvelables, etc., matériaux bitumineux de démolition.
Eberhard Bau AGcette entreprise est une pionnière du recyclage des déchets de chantier depuis quatre décennies; elle transforme les gravats en matériaux secondaires sans perte de qualité.
Neustark, Bernecette entreprise bernoise est spécialisée dans la pétrification du CO2 atmosphérique dans du béton recyclé.
Planification intégrée et gestion commune de zones industrielles et artisanales projets au Locle (NE), à St-Imier (NE), à Val-de-Ruz (NE), dans le district de la Singine (BE, zones d’activités), à Sierre (VS, Écoparc de Daval cf. article Objectif en vue grâce à un rythme plus lent), Schattdorf (UR), etc.
enoki, Fribourgcette start-up fribourgeoise conçoit et planifie des quartiers et des villes plus circulaires.
Terrabloc, Genèvel’entreprise genevoise Terrabloc produit des matériaux de construction et d’isolation à partir de glaise.
ORRAPprojet Interreg (2016-2019) pour le recyclage de matériaux bitumineux de démolition dans la région de Bâle.
Approches organisationnelles et stratégiques
AlpLinkBioEcoce projet Interreg qui s’est achevé en avril 2021 a ébauché un générateur de chaînes de création de valeur ajoutée et un master plan pour une économie circulaire dans l’espace alpin fondée sur des matières premières naturelles et locales.
Sharelycette start-up exploite une plateforme de location d’objets quotidiens.
Make furniture circularune initiative de la Fondation Pusch et du Fonds pionnier Migros qui promeut les «meubles circulaires».
Réseaux de réparation et de recyclagediverses initiatives régionales de promotion de lieux de réparation et de recyclage, ce qui inclut aussi les journées de la seconde main, les boutiques de seconde main, les ateliers de réparation, les lieux d’upcycling, etc.
Économie circulaire dans le Parc naturel régional Chasseralrelocalisation de chaînes de création de valeur ajoutée, préservation et mise en valeur de ressources naturelles locales.
Plateforme 1PECbourse aux idées pour promouvoir l’économie circulaire en Valais.
Économie circulaire Haut-Valaiséconomie circulaire dans une zone rurale isolée (projet soutenu par le Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2022).
Share Gallenatelier de réseautage et marché public à St-Gall (projet du Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2018).
Programme cantonal vaudois de «promotion de la filière bois» (projet NPR), le canton met directement en avant le bois comme source d’énergie renouvelable.
Comment intégrer la circularité dans l’économie et la société et la promouvoir spécifiquement comme un modèle de développement durable porteur d’avenir? Quelles opportunités particulières offre-t-elle à l’économie régionale? regioS s’est entretenu de ces questions avec Marie-Amélie Dupraz- Ardiot, sustainability manager et responsable de la Stratégie de développement durable du canton de Fribourg, Antonia Stalder, directrice de Prozirkula, ainsi que Tobias Stucki, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut Sustainable Business de la Haute école spécialisée bernoise, département gestion.
regioS: L’économie circulaire est un concept assez ancien. En Suisse, la campagne de la Confédération sur les déchets en avait déjà abordé certains aspects dans les années 1990. Pouvonsnous donc aujourd’hui nous fonder sur ce qui existe ou repartons-nous de zéro?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Le concept d’économie circulaire est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Nous pouvons certes nous fonder sur ce qui existe, mais nous devons en faire nettement plus que jusqu’à présent. Nous ne pouvons pas aborder uniquement le recyclage, mais nous devons développer une perspective plus large où des thèmes comme éviter les déchets, réparer et réutiliser jouent un grand rôle.
Tobias Stucki: En général, nous avons encore trop peu intériorisé le raisonnement par cycles. Il faut réintégrer cette pensée dans nos esprits comme c’était la norme autrefois et comme c’est la norme aujourd’hui encore dans les pays pauvres. Un étudiant de Cuba a remarqué lors d’un cours: «L’économie circulaire, c’est comme nous vivons chez nous.»
Antonia Stalder: Il y a aussi chez nous un point d’ancrage, au moins historique. Les participants à nos formations racontent chaque fois que leurs grands-parents géraient encore leur maison de cette façon. Ils huilaient par exemple leurs meubles deux fois par mois pour pouvoir les utiliser le plus longtemps possible. D’une façon ou d’une autre, nous avons oublié cette gestion soigneuse. Nous ne nous intéressons plus à construire des objets de qualité durable et à les entretenir en conséquence. L’économie circulaire n’est effectivement pas seulement une question de recyclage, mais de valeurs. Celles-ci reposent sur le fait que les objets ne doivent pas simplement être neufs et chics, mais être d’assez bonne qualité pour être utilisés plusieurs fois et réparés sans limite – tout en paraissant encore plus beaux que les nouvelles acquisitions.
Où en est aujourd’hui la mise en oeuvre par rapport à l’objectif à long terme d’une économie circulaire axée systématiquement sur les ressources renouvelables et réutilisables?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Nous sommes encore très loin de l’objectif à long terme. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser pour pouvoir mettre en oeuvre l’économie circulaire. Tant que rien ne se passe dans nos têtes, les flux de matières ne cesseront pas d’augmenter dans notre économie. Nous devons nous rappeler tout ce que nous aurions pu apprendre de nos grandsparents.
Antonia Stalder: Dans la construction, nous utilisons par exemple chaque mois la quantité de matériaux qui permettrait de recréer la ville de New York de toutes pièces. Selon des pronostics, rien de décisif ne changera dans ce domaine d’ici à 2050.
Tobias Stucki: Nous venons de réaliser avec l’epfz un sondage représentatif auprès d’entreprises de Suisse. Les résultats montrent que seules quelque 10 % des entreprises se préoccupent déjà réellement de l’économie circulaire. Environ 40 % des entreprises n’ont, en revanche, mis en oeuvre aucune mesure au cours des dernières années pour accroître la durabilité écologique.
Est-il d’ailleurs possible de mettre en oeuvre l’économie circulaire en Suisse, vu que son économie est extrêmement intégrée dans les chaînes globales de création de valeur? Comment les entreprises peuvent-elles s’organiser pour devenir circulaires?
Tobias Stucki: La transformation circulaire présuppose dans la plupart des cas que l’on réfléchisse à toutes les chaînes d’approvisionnement et qu’il faille les réorganiser – en partie avec de nouveaux partenaires. La logistique n’est pas le problème majeur. Le véritable défi réside dans les produits eux-mêmes. La question centrale est de savoir quels matériaux et quelles substances il faut utiliser dans quels produits.
Antonia Stalder: Je ne crois pas que nous pourrons encore nous permettre à l’avenir les chaînes globales de création de valeur avec toutes leurs charges logistiques et à cette échelle. Aujourd’hui, nous produisons – le mot le dit – le long de chaînes, dites chaînes de création de valeur, qui sont linéaires en soi et non circulaires. Nous ne pourrons pas éviter à l’avenir de reconditionner, de réparer et de partager bien davantage de produits et d’appareils dans un cadre régional et local. Si au contraire nous développons encore nos transports globaux de marchandises, de gros problèmes nous attendent.
Tobias Stucki: En fin de compte, la mise en oeuvre d’une économie circulaire efficiente nous met face à un compromis: d’un côté, il est évidemment logique de fermer les cycles le plus localement possible; de l’autre ce n’est pas toujours possible techniquement. Nous aurons besoin à l’avenir d’une combinaison de cycles de création de valeur locaux, régionaux et globaux.
Comment évaluez vous, Madame Dupraz, les nécessités et les possibilités d’introduire l’économie circulaire dans notre système?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: L’économie circulaire deviendra tôt ou tard une part essentielle de l’économie, car elle est un facteur décisif de réduction des coûts et de compétitivité. Elle contribue en outre à la résilience, à une époque où les prix des matières premières augmentent rapidement et où il y a des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. Vue sous cet angle, l’économie circulaire devient de plus en plus un facteur de résistance économique d’une région.
En existe-t-il un exemple réussi?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Dans le canton de Fribourg, nous avons développé une stratégie agroalimentaire qui se concentre beaucoup sur la mise en oeuvre d’une économie circulaire régionale et sur la mise en réseau des acteurs. Une des idées directrices est de recycler la biomasse secondaire.
Où se situent les points vraiment cruciaux de la mise en oeuvre?
Antonia Stalder: Pour les achats publics par exemple, le point crucial réside dans la complexité. Notre conseil essaie de la réduire à un niveau intelligible. Le besoin de ce type de conseil est important surtout dans les petites structures. Un canton dispose peut-être encore des ressources nécessaires, mais une commune est rapidement dépassée par cette question. Il manque certainement d’instruments pratiques de mise en oeuvre. Je pense à des listes de contrôle, à des critères d’adjudication obligatoires, à des bases de décision claires, etc. Le conseil et le centre de compétences de Prozirkula entendent y apporter une contribution.
Tobias Stucki: Les défis de l’économie privée sont analogues à ceux des marchés publics : les responsables connaissent certes, dans une certaine mesure, le concept d’économie circulaire, mais la mise en oeuvre dans leurs propres entreprises s’avère difficile. Il n’existe guère de solutions standard à cet effet. La plupart du temps, il n’est pas simple de développer l’approche individuelle demandée. À cela s’ajoute que la transition vers l’économie circulaire implique des coûts qu’il s’agit de financer.
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Au niveau cantonal, nous avons certes les ressources pour développer le cadre stratégique, mais les connaissances nous manquent pour la mise en oeuvre. L’économie circulaire est un domaine interdisciplinaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent collaborer. Elle ne fonctionne que si tout le monde se parle: la politique économique avec la politique agricole, la politique agricole avec la gestion des déchets. Un autre point crucial est de nature purement technique: la plupart des matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés autant de fois que l’on veut. Mais ils perdent en qualité après chaque cycle. La circularité est une possibilité de ralentir et de réduire la consommation de ressources, mais elle ne peut pas la stopper complètement.
Qui est particulièrement sollicité par la mise en oeuvre? Quels acteurs jouent-ils le rôle déterminant?
Tobias Stucki: Non seulement les producteurs, mais aussi les consommatrices et les consommateurs sont déterminants. Il faut aussi les sensibiliser pour que l’économie circulaire puisse réellement fonctionner. Ils et elles doivent être prêts à utiliser les produits plus longtemps et de façon circulaire. Les marchés publics jouent un rôle clé, par exemple lorsqu’il s’agit de financer des projets pilotes. Le secteur financier doit aussi jouer le jeu. Bien entendu, les élus sont également sollicités quand il faut définir les conditions-cadre appropriées. Comme pour la durabilité en général, il est inutile pour l’économie circulaire de se focaliser uniquement sur certains points. En tant que prestataires de formations, nous sommes en outre obligés de former les gens et de leur transmettre les connaissances nécessaires.
La Suisse dispose-t-elle déjà des conditions-cadre légales nécessaires?
Tobias Stucki: En fonction de nos objectifs: non ! Si on voit ce que l’UE fait en ce moment, nous sommes complètement en retard – bien que nous soyons prédestinés à jouer un rôle de pionnier vu la rareté de nos ressources et nos connaissances en matière d’innovation. Si nous ne commençons pas à travailler tout de suite et énergiquement sur nos conditions-cadres, nous courons le risque de prendre du retard en matière de connaissances par rapport à d’autres pays, retard que nous ne pourrons plus rattraper rapidement.
Antonia Stalder: Pour les marchés publics en particulier, nous aurions en fait suffisamment de marge de manoeuvre depuis janvier 2021 avec la révision de la loi sur les marchés publics. Il serait intelligent et utile d’exploiter cette marge de manoeuvre et de créer de toutes pièces les projets correspondants. Il faut bien entendu encore adapter les conditionscadres, mais on pourrait déjà maintenant en faire beaucoup plus que ce qui se fait en réalité.
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Comme Monsieur Stucki l’a mentionné, nous aurions pu jouer un rôle de pionnier en Suisse il y a quelques années. Maintenant, l’UE est déjà beaucoup plus avancée et certains pays comme la France ont davantage de bases légales que la Suisse.
Où dans la législation pourraiton et devrait-on ne plus faire les choses à moitié?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: On pourrait faire beaucoup dans le cadre de la révision en cours de la loi sur la protection de l’environnement. La Confédération a mis la révision en consultation. Le canton de Fribourg a proposé d’aller plus loin que la proposition sur plusieurs points. Les conditions-cadres légales importantes sont celles que nous pourrons effect ivement met tre en oeuvre par la suite. Je me demande si nous disposons déjà de suffisamment de personnes qualifiées qui ont les connaissances et les compétences nécessaires. Il y a sans aucun doute encore un besoin assez important de formation et d’éducation.
Tobias Stucki: En Suisse, nous misons énormément sur le principe du volontariat. L’UE fait résolument un pas supplémentaire et essaie de réglementer clairement l’économie circulaire. Il y a des prescriptions qui obligent les entreprises à évoluer réellement. Celles qui ne font rien doivent s’attendre à des sanctions.
Antonia Stalder: Davantage de directives et un peu plus d’obligations nous feraient certainement du bien. Lorsque nous nous en tenons au volontariat, nous restons en général assez lents.
Élément essentiel d’un développement durable, l’économie circulaire est montée en très bonne place dans l’agenda de la Nouvelle politique régionale (npr). Dans quels domaines voyezvous des opportunités ou avantages particuliers de mettre en oeuvre avec succès l’économie circulaire dans les régions?
Antonia Stalder: Une fois établies, les solutions circulaires ont le potentiel d’être fondamentalement meilleures en termes économiques et écologiques que les solutions linéaires. L’économie linéaire détruit des valeurs en jetant des objets qui seraient encore précieux. Si on s’écarte de cette pratique et que l’on met au premier plan la préservation de la valeur, on gagne sur toute la ligne, peu importe que ce soit en ville ou en région rurale. À cela s’ajoutent d’autres avantages tels que sécurité d’approvisionnement et résilience. Récemment, nous avons eu le cas d’un fabricant désespéré d’automates à café qui nous a dit: «Indiquez- moi la plus grande décharge d’Allemagne, j’y enverrai dix de mes collaborateurs pour qu’ils retrouvent nos appareils et extraient les puces. Nous pourrons ainsi produire trois mois de plus et survivre.» La région peut donc devenir la plaque tournante de l’économie circulaire.
Madame Dupraz, comment apportez-vous l’économie circulaire précisément aux régions du canton de Fribourg?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Ma tâche principale est de sensibiliser les différentes politiques sectorielles du canton aux défis de la durabilité, ce qui nécessite une culture de l’interdisciplinarité. Une personne qui travaille dans la politique économique doit donc aussi penser aux aspects écologiques et sociaux, et vice versa. Nous essayons de lancer, avec des participants de tous les domaines de l’administration, des projets qui incarnent cette culture de l’interdisciplinarité.
Monsieur Stucki, les entreprises conçoivent-elles l’économie circulaire comme une opportunité ou comme une charge pénible?
Tobias Stucki: Il y a des entreprises qui se soucient déjà de l’économie circulaire et agissent en conséquence, justement parce qu’elles y voient des opportunités. De nombreuses autres y flairent surtout des risques et des dangers. Mais il y a maintenant dans toutes les branches des entreprises phares qui démontrent que cette économie fonctionne. Pour dissiper les craintes, on devrait les mettre encore davantage en vitrine. Il ne s’agit pas seulement de la gestion soigneuse et efficiente de ressources qui deviennent de plus en plus rares. Une économie qui ne comprend pas cela et qui n’est pas prête à en tirer les conséquences ne sera un jour plus compétitive.
Avons-nous besoin de signaux supplémentaires du monde politique pour établir l’économie circulaire chez nous?
Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: La situation actuelle des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement contribue à ce que de nombreuses entreprises prennent réellement conscience, pour la première fois, de l’importance d’une gestion efficiente des ressources. La pénurie a probablement plus d’effets que nombre de moyens de pression politiques. J’espère en même temps que la modification de la loi sur la protection de l’environnement apportera quelque chose, y compris aux régions. Dans le canton de Fribourg, nous essayons avec cette nouvelle perspective d’élaborer un plan de gestion des déchets qui soit plus global et qui aborde l’ensemble de l’économie circulaire, bien au-delà du recyclage.
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