Objectif en vue grâce à un rythme plus lent

Jana Avanzini

Il y a vingt ans que l’idée de l’Écoparc de Daval est née à Sierre (VS), sur une surface équivalente à environ trente terrains de football. Son développement vise à promouvoir l’économie circulaire. Les entreprises qui s’y sont installées jusqu’à présent ne sont pas plus d’une douzaine, bien que la demande soit bien plus importante. Ce nombre réduit n’est pas dû à un manque d’intérêt, bien au contraire, mais aux critères de sélection que les PME candidates doivent remplir pour participer à cette communauté d’entreprises. Celles-ci doivent travailler de manière durable et équitable, être prêtes à élargir leurs points de vue et à exploiter les synergies avec leurs voisines. Elles sont notamment tenues de créer des espaces verts sur leurs parcelles.

L’utilisation de l’énergie solaire est recommandée et l’un des objectifs est d’accroître l’efficience énergétique sur l’ensemble du parc au fil des années. C’est ainsi par exemple que les déchets d’une entreprise doivent devenir la source d’énergie des autres. Les entreprises de l’Écoparc de Daval bénéficient de systèmes communs de gestion des déchets, d’un service postal ou d’un service de conseil en matière de construction. Il est possible de partager des systèmes de logistique et de sécurité et d’utiliser des cantines ou des offres de garderie communes, ce qui illustre que le préfixe «éco» signifie non seulement écologique, mais aussi économique.

Mickaël Yonnet, David Pasquiet und Laura Blardone, David Chocolatier © regiosuisse

Le paradis ne se crée pas facilement: il a au contraire besoin d’une longue phase de démarrage et de quelqu’un qui se charge de la coordination. Car établir le contact avec les entreprises voisines, faire leur connaissance et parler avec elles des potentiels de synergies demande du temps – un temps que de nombreuses entreprises n’osent pas prendre dans une perspective à court terme. Or tout ceci est extrêmement payant à long terme, s’accordent à dire l’expert Benoît Charrière, responsable Communautés du savoir-faire auprès de regiosuisse, et Stéphane Revey, responsable promotion économique de Sierre.

sierre.ch/fr/ecoparc-daval-2042.html

Vous trouverez ici la version complète en allemand.

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VADEME, valoriser les déchets minéraux

Nathalie Jollien

Les matériaux excavés issus des grands chantiers pourraient être transformés en une terre fertile à forte valeur environnementale. Le projet franco-suisse VADEME cherche à savoir si, et comment, une filière de valorisation de ces matériaux, jusqu’ici considérés comme des déchets, pourrait être mise en place dans les bassins genevois et annécien.

© regiosuisse

Dans le canton de Genève, des millions de tonnes de déchets inertes minéraux issus du domaine de la construction sont produits chaque année. Des déchets provenant de la déconstruction comme des débris de brique ou de tuile, mais aussi résultant de travaux d’excavation ou de terrassement. Lors de travaux, on garde précieusement le sol fertile, présent généralement sur la première couche du terrain – sur une épaisseur allant de quelques centimètres en milieu urbain à un peu plus d’un mètre en milieu forestier. Le sous-sol non fertile se trouvant en dessous est par contre souvent considéré comme un déchet et amené en décharge. «Ces matériaux d’excavation sont souvent emportés dans des carrières, où les matériaux non valorisables sont enfouis. Les entreprises genevoises du bâtiment sont fréquemment amenées à transporter ces déchets en dehors du canton et parfois sur de longues distances. Or, leur transit par camion génère une forte pollution atmosphérique et sonore sur le territoire», indique Sébastien Kicka, chargé de projet innovation à l’Office de promotion des industries et des technologies du canton de Genève. Le canton n’ayant pas la capacité d’accueil de ces matériaux, une grande partie est exportée en France voisine.

Débuté en décembre 2020, le projet VADEME pour «Valorisation agronomique des déchets minéraux» a pour ambition de traiter cette problématique à l’échelle transfrontalière. Il réunit neuf partenaires publics et privés aux expertises complémentaires venant de France ou de Suisse. En associant les réseaux d’acteurs concernés, l’objectif est d’augmenter et structurer les collaborations pour accroître la part valorisée de ces déchets, en particulier en expérimentant des solutions innovantes de fertilisation des déchets inertes terreux. À terme, le projet devrait permettre de favoriser l’émergence d’une économie circulaire de la gestion des matériaux d’excavation.

© regiosuisse

Recréer des mécanismes naturels

L’entreprise Edaphos, l’un des partenaires du projet, a développé une expertise en valorisation des déchets minéraux par un procédé de génie pédologique qui permettrait de créer de la terre végétale fertile. «Sur de la matière minérale stérile, nous ajoutons des amendements organiques et microbiens. L’association de ces trois éléments va permettre de recréer une dynamique et des mécanismes naturels qui rendront le sol fertile. Dans la nature, ce processus prendrait un siècle pour obtenir un seul centimètre de sol fertile», explique Mathieu Pillet, CEO de Edaphos.

Leur innovation est testée pour la première fois à l’échelle industrielle dans le cadre du projet VADEME. Dans les travaux de revitalisation de la rivière de l’Aire à Genève (tronçon entre le village de Certoux jusqu’à la frontière française), 10 000 tonnes de matériaux seront traitées d’ici fin 2022, directement sur place. Un second chantier d’expérimentation est actuellement réalisé avec l’entreprise Chavaz, une société de transport et de fourniture de matériaux de carrière. «Sur un de leur site, ils disposent d’une plateforme de traitement de déchets. Des terres provenant de différents chantiers y sont amenées et triées, puis nous y effectuons notre processus de génie pédologique», continue Mathieu Pillet. À noter que pour être considéré comme fertile, la qualité physique, chimique et biologique des matériaux d’excavation et des amendements organiques doit être prouvée (texture adéquate, teneur en éléments nutritifs, bon équilibre des communautés d’organismes du sol, absence de pollution par exemple via des microplastiques, etc.).

Le projet VADEME analyse également la faisabilité et la viabilité économique d’un tel processus. Cette terre fertile pourrait être vendue à des paysagistes ou particuliers pour des travaux paysagers principalement, mais pas pour un usage agricole. Le projet réfléchit aussi aux éventuelles évolutions de la norme de qualité suisse. Selon Mathieu Pillet, «le cadre normatif est très imprécis. Le projet VADEME apportera des voies de réflexion pour le faire évoluer.» Un comparaison sera notamment effectuée avec ce qui se fait en France avec la norme NF U 44-551 que l’on trouve assez largement sur les terreaux commercialisés, signe de qualité du produit pour le consommateur.

© regiosuisse

Des bénéfices économiques et environnementaux

En l’état actuel, la production artificielle de sols agricoles n’est pas techniquement et légalement faisable. Dans le cas où les expérimentations se révélaient satisfaisantes, pouvoir valoriser les déchets minéraux issus d’excavation en une terre fertile apporterait de nombreux bénéfices à la région, autant économiques qu’environnementaux. Si une adéquation entre l’offre et la demande se développe, l’intérêt économique est évident: plutôt que de devoir payer un tiers pour se débarrasser d’un matériel considéré comme un déchet, ce matériau serait transformé, puis commercialisé et générerait de la valeur ajoutée pour les acteurs du marché. Selon Sébastien Kicka, « notre projet veut aussi appuyer l’économie locale. Nous suivons les activités de la start-up Edaphos depuis quelques années maintenant. Nous sommes favorables à ce que des synergies avec des entreprises de la région se créent. »

Vu la problématique actuelle d’appauvrissement des sols à l’échelle mondiale, pouvoir produire de la terre fertile est bien sûr avantageux. «Les terres fertiles se raréfient et ne sont pas une matière première renouvelable à l’échelle humaine. Le processus naturel de création d’un sol fertile est extrêmement lent, rappelle Mathieu Pillet, de plus, ce sol a une haute valeur environnementale, dans le sens où à l’échelle globale, les sols stockent énormément de CO2, quatre fois plus que la végétation.» Cela permettrait aussi d’éviter le flux de camions transfrontaliers qui transitent entre la Suisse et la France sur des distances parfois importantes pour transporter ces déchets, et toute la pollution qu’ils génèrent.

Léa Carlesso et Georges Descombes © regiosuisse

Finalement, si ce nouveau moyen de recyclage s’avérait concluant, il viendrait avantageusement remplacer une pratique de revalorisation des déchets minéraux actuellement réalisée en France dans des zones agricoles. Le modelé de terrain consiste à décaper la couche de terre fertile à la surface. On y met les déchets minéraux, puis on les recouvre de la terre fertile. Si elle est mal effectuée, cette pratique peut causer des problèmes majeurs liés à l’écoulement des eaux ou la capacité des plantes à avoir une prospection racinaire suffisante. Ce procédé est interdit en zone agricole en Suisse et souffre d’un manque de suivi et contrôle par les administrations en France.

Le projet VADEME livrera ses conclusions d’ici la fin de l’année 2022.

interreg-vademe.caue74.fr/le-projet-vademe

Collaboration transfrontalière

VADEME est un projet européen Interreg France-Suisse. Il réunit, pour une durée de deux ans, de janvier 2021 à décembre 2022, des partenaires français et suisses autour d’un budget de 820 000 CHF qui comprend des fonds européens de développement régional (FEDER), des fonds fédéraux (NPR) et des fonds cantonaux. Deux chefs de file se partagent la responsabilité du projet: le Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement de Haute-Savoie (CAUE 74) pour le côté français et l’Office de Promotion des Industries et Technologies (OPI) pour le côté suisse.

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Marchés publics: levier pour l’économie circulaire

Pirmin Schilliger

Avec un volume d’environ 40 milliards de francs, le secteur public est le principal acheteur sur le marché de l’approvisionnement. Il dispose ainsi d’un levier puissant pour promouvoir l’économie circulaire. Le centre de compétences Prozirkula à Bâle a été créé il y a deux ans afin d’accélérer la transition d’une économie du jetable à une économie circulaire dans l’approvisionnement public et privé.

Il y a des années que les Pays-Bas mobilisent des milliards pour stimuler l’économie circulaire par le biais des marchés publics. Il y a quatre ans, l’organisation Circular Economy Switzerland et l’entreprise de conseil ecos ont commencé, avec le projet Circular Cities Switzerland, à faire fructifier le savoir-faire néerlandais en Suisse. Sur la base de cette expérience, les deux experts de l’économie circulaire Marco Grossmann (ecos) et Raphael Fasko (bureau d’ingénieurs-conseils Rytec Circular) ont développé l’idée d’un centre de compétences dédié aux achats publics circulaires, qui a finalement débouché sur la création de Prozirkula.

À l’aide d’un financement initial de la Fondation mava, Rytec et ecos ont commencé à monter le entre de compétences au printemps 2020. Après une phase de lancement de deux ans, Prozirkula accède en avril 2022 au statut de Sàrl svelte avec comme unique employée sa directrice Antonia Stalder. Certains membres du personnel d’ecos et de Rytec Circular travaillent aussi régulièrement pour Prozirkula sur la base de mandats. Le modèle d’affaires prévoit que la jeune entreprise devrait se financer elle-même par son offre de services au plus tard dès 2024. Antonia Stalder se montre optimiste: «Il s’est révélé dès le début que l’intérêt pour notre offre est très grand et qu’il ne cesse de croître.»

Prozirkula © regiosuisse

La légère pression de la loi

Cet intérêt croissant s’explique essentiellement par la révision, en vigueur depuis 2021, de la loi fédérale sur les marchés publics (lmp). Le personnel de l’administration ainsi que les décideuses et les décideurs politiques au niveau fédéral, cantonal et communal sont plus ou moins tenus depuis cette date de donner plus de poids aux critères de la durabilité et spécifiquement de l’économie circulaire dans leurs achats. Le prix à lui seul ne doit pas être l’argument décisif d’adjudication. Il s’agit d’intégrer bien davantage des critères tels que la préservation des ressources, l’efficience énergétique, la neutralité climatique, etc.

Ce n’est pas par hasard que l’attention de Prozirkula se concentre en premier lieu sur les marchés publics: avec un volume d’achats d’environ 40 milliards de francs, le secteur public est l’acteur le plus important sur le marché de l’approvisionnement. Il dispose du plus grand levier pour activer l’économie circulaire. Avec ses décisions en faveur de solutions circulaires, il peut poser les jalons décisifs d’un développement durable. Il est toutefois regrettable que la loi se limite à des recommandations. Les décideuses et les décideurs conservent donc toujours une grande liberté pour choisir entre la variante la plus avantageuse et la plus écologique lors d’un achat.

Travail de pionnier et projets pilotes

Immédiatement après sa création, Prozirkula a lancé un premier projet pilote, suivi entre-temps par d’autres projets. En se fondant sur la «Feuille de route pour la réutilisation de meubles», l’Office de l’environnement et de l’énergie de Bâle- Ville (aue) a par exemple réutilisé son ancien mobilier dans l’immeuble neuf achevé en 2021 au centre de Bâle. Le bâtiment lui-même, de construction hybride bois-béton, doté d’une façade photovoltaïque et conforme au label Minergie-A-ECO, répond aussi en grande partie aux critères de l’économie circulaire. Les Services industriels de Bâle (iwb) ont aidé Prozirkula à intégrer les principes de l’économie circulaire dans l’appel d’offres pour les bornes de recharge électrique. Armasuisse mise désormais aussi sur les critères d’adjudication de Prozirkula chaque fois qu’il achète du matériel électronique. Les cff travaillent avec un outil d’analyse codéveloppé avec Prozirkula pour évaluer les opportunités et les risques de chaque catégorie de marchandises en termes d’économie circulaire.

«Chaque fois qu’un projet d’économie circulaire est lancé, les acteurs impliqués ne peuvent pas éviter de faire oeuvre de pionniers», estime Antonia Stalder. Il n’existe que peu de références ou de solutions standard que l’on peut simplement reprendre telles quelles. Il est rare que les acheteurs publics puissent se procurer des offres et des produits standard: ils doivent développer de nouvelles solutions avec les fournisseurs. Tel est leur véritable défi. La transition vers l’économie circulaire commence dans la tête, car les achats circulaires se fondent sur une nouvelle manière de penser. Le personnel de l’administration et les managers s’aventurent généralement en terrain inconnu et sont confrontés à des exigences inhabituelles lorsqu’ils s’intéressent à des achats circulaires. Dans cette situation, Prozirkula leur propose un soutien professionnel. «Nous accompagnons les processus d’achat et veillons à ce que les appels d’offres intègrent déjà les principes de l’économie circulaire», explique Antonia Stalder.

Le centre de compétences Prozirkula favorise la transition vers des pratiques de production et de consommation circulaires par les moyens suivants: conseil, formation continue, transfert de savoir, mise en réseau et base de connaissances. «Nous rendons régulièrement compte de projets phares et de nos expériences lors de manifestations, par exemple lors du Forum des usagers de l’économie circulaire en septembre de cette année», ajoute Antonia Stalder.

Plus-value écologique et économique

Avec ses services, le centre de compétences s’adresse certes en premier lieu aux acheteurs publics, mais les directrices et directeurs d’achat des entreprises ont également tout intérêt à faire appel aux spécialistes de l’économie circulaire de Prozirkula. Antonia Stalder se dit convaincue que «les entreprises qui intègrent stratégiquement les principes de l’économie circulaire dans leurs processus peuvent escompter de meilleures chances de l’emporter lors de marchés publics». Les modèles d’affaires dans lesquels la plus-value écologique et la plusvalue économique vont de pair sont de plus en plus fréquemment demandés. Le fabricant de meubles Zesar, Tavannes (JU) qui a développé du mobilier circulaire pour les écoles et les bureaux, a par exemple des atouts à cet égard.

Si les acteurs publics exploitent systématiquement leur pouvoir d’acheteurs et ne misent plus que sur des fournisseurs qui appliquent des modèles d’affaires circulaires, ceci créera un effet boule de neige et stimulera la transformation vers l’économie circulaire dans l’industrie et les arts et métiers. De plus, tous les acteurs contribueront de manière décisive à atteindre l’objectif de développement durable (odd) 12 «Établir des modes de consommation et de production durables» ainsi que d’autres odd.

prozirkula.ch

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Éditorial

Benoît Charrière

Pour la 11ème année consécutive en 2021, la Suisse reste le numéro 1 en matière d’innovation, selon l’ONU. Elle fait également figure d’exemple en termes de recyclage avec un taux de 53% de déchets recyclés, même si les pays européens sont en train de rattraper leur retard. En revanche, chaque Suisse génère 2,7 tonnes de déchets par année, dont plus de 700 kilogrammes d’ordures ménagères, ce qui place notre pays sur le podium mondial des producteurs de déchets par habitant.

Si nous souhaitons atteindre les objectifs 2050 en termes de neutralité carbone, il est essentiel de repenser la manière de consommer les ressources. L’économie circulaire favorise ce changement de paradigme, que ce soit pour un produit, une entreprise, une chaîne de valeur ou un territoire. L’appareil législatif suisse est en cours d’évolution pour encadrer un meilleur usage des ressources.
En même temps une multitude d’initiatives et de projets locaux voient le jour.

L’enjeu réside dans le passage à l’échelle. Comment accélérer cette transformation nécessaire de l’économie, et quel rôle peuvent jouer les communes, les régions ou encore les cantons? Différents instruments publiques existent qu’il s’agit d’alimenter avec les notions d’économie circulaire. À ce titre la NPR représente une vraie opportunité pour accompagner cette transition. Le présent numéro donne un bref aperçu de la réflexion fondamentale sur l’économie circulaire et présente quelques exemples concrets.

La boîte à outil économie circulaire développée par regiosuisse vise justement à soutenir les acteurs publics dans ce sens. Sur cette base, regiosuisse lance en 2022 le RegioLab économie circulaire pour permettre aux régions de désigner les potentiels.
À vos marques, prêts, circulez!

Exemples d’économie circulaire en Suisse et au Liechtenstein

Dans le cadre du programme de recherche européen espon, le projet circter a étudié les conditions territoriales à remplir pour établir avec succès une économie circulaire. Il a aussi examiné en détail la Suisse et le Liechtenstein. Selon une étude de cas publiée en septembre 2021, les atouts régionaux spécifiques de ces deux pays pour la transition vers l’économie circulaire sont entre autres des plateformes et des réseaux bien établis qui aident à échanger les expériences et à diffuser les innovations. D’autres facteurs de succès sont des systèmes de collecte ultramodernes, des secteurs industriels et des procédés de pointe soutenus par des instituts de formation et de recherche, un environnement financier et économique favorable, la proximité de noeuds de transport ou de couloirs importants pour l’Europe, ainsi qu’une forte sensibilisation du public et une communication institutionnelle sur les questions d’environnement et de durabilité.


regiosuisse.ch/fr/circter
regiosuisse.ch/fr/policybriefcirculareconomy

Économie circulaire: les atouts particuliers des régions

Pirmin Schilliger & Urs Steiger
L’économie circulaire est déjà à l’agenda écologique depuis des décennies. Elle est depuis devenue un concept mûr et global pour la gestion durable, qu’il s’agit maintenant de mettre en œuvre dans l’ensemble de l’économie. Il doit également inspirer le développement régional dans le cadre de la Nouvelle politique régionale (NPR).
L’entreprise Basis 57 nachhaltige Wassernutzung AG exploite à Erstfeld (UR) l’eau chaude et propre provenant du tunnel NLFA du Gothard pour élever des sandres. © regiosuisse
© regiosuisse

90 % des matériaux de l’économie globale proviennent de l’extraction de nouvelles matières premières, dont 40 % sont des énergies fossiles. Vu ces chiffres, une forme d’économie qui ménage les ressources est nécessaire. Le concept de l’économie circulaire fournit une approche qui se fonde sur un système composé d’énergies renouvelables et de cycles de matières fermés. Toutes les substances préoccupantes qui polluent l’environnement et mettent la santé en danger devraient être remplacées par des substances inoffensives.

Le principe de l’économie circulaire

L’économiste britannique David W. Pearce est considéré comme le fondateur de l’économie circulaire. C’est au début des années 1990 qu’il a dérivé ce concept de l’écologie industrielle. Le professeur allemand de génie chimique Michael Braungart et l’architecte américain William McDonough ont perfectionné systématiquement cette approche au tournant du millénaire. Dans leur livre «Cradle to cradle»1 (du berceau au berceau), ils ont préconisé un système de production fondamentalement nouveau : plus aucune matière n’atterrit dans une décharge ou une usine d’incinération ; au lieu de cela, tous les matériaux non dégradables naturellement sont réutilisées pour produire de nouveaux biens.

Dans l’économie circulaire conforme au principe «cradle to cradle», ils distinguent trois catégories de matériaux :

➊ Les biens de consommation tels que produits de nettoyage, shampoings ou matériaux d’emballage doivent être fabriqués systématiquement, en économie circulaire, à partir de matières premières biologiques de façon à pouvoir être finalement compostés et confiés en toute tranquillité à l’environnement.

➋ Les biens de consommation tels que voitures, lave-linges ou téléviseurs, composés de «nutriments techniques», doivent être conçus de manière à pouvoir être totalement dissociés en éléments réutilisables à la fin de leur cycle de vie. Les matières de ces biens de consommation circulent donc éternellement dans le système de production industrielle.

➌ La troisième catégorie – toutes les matières que nous brûlons ou mettons en décharge aujourd’hui comme déchets – n’a pas sa place dans l’économie circulaire.

«Dans l’économie circulaire, il ne s’agit pas simplement de réduire ou de minimiser les déchets, mais d’éviter la production de déchets», souligne Michael Braungart, l’un des pères spirituels du concept. S’il n’est pas (encore) possible de remplacer certaines matières des biens de consommation par des alternatives circulaires, il s’agit au moins de réduire la consommation de ressources et d’utiliser les produits plus longtemps.

L’économie circulaire est une approche globale qui prend en compte l’ensemble du circuit, de l’extraction des matières premières au recyclage en passant par la conception, la production, la distribution et la phase d’utilisation la plus longue possible. Si les circuits des matériaux et des produits peuvent être fermés, les matières premières peuvent être utilisées encore et encore.© OFEV/regiosuisse

Un projet interdisciplinaire global

La sortie des énergies fossiles constitue une condition indispensable pour une future économie circulaire. Avec le tournant énergétique, la Suisse tient le bon cap politique à cet égard ; mais intégrer tous les flux de matières dans un cycle constitue un énorme défi. La réussite de la transformation requiert des choix fondamentaux supplémentaires – y compris au niveau politique. «Il n’y a pour les fabricants aucune nécessité de se conformer volontairement au principe «cradle to cradle» tant que les contribuables financent l’élimination des déchets dans de coûteuses usines d’incinération», critique Michael Braungart.

La transformation de l’économie linéaire en une économie circulaire est un projet global interdisciplinaire qui doit intégrer tous les acteurs, de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets en passant par le développement et la conception des produits, leur fabrication, leur distribution et leur consommation. La gestion des déchets fait en sorte que les matières ne soient plus «éliminées», mais retournent impérativement dans le cycle comme matières secondaires. Mais l’économie circulaire concerne aussi les formes d’utilisation et donc les modèles d’affaires. Les devises sont : louer au lieu d’acheter, partager au lieu de posséder, réparer, récupérer, remettre à neuf au lieu de jeter ! Les consommatrices et les consommateurs peuvent contribuer notablement au changement par leurs habitudes de consommation et leurs modèles de comportement.

Succès économique grâce à l’économie circulaire

Le domaine de la production sollicite surtout les entreprises. Différents pionniers ont déjà montré avec des produits tels que chaises, baskets ou revêtements de sol, que les modèles d’affaires circulaires peuvent être synonymes de succès économique. L’entreprise Forster Rohner, St-Gall, a développé il y a des années des housses rembourrées compostables pour les sièges de bureau et d’avion. Seules quelques entreprises satisfont toutefois aux critères stricts du label Cradle-to-Cradle. Vögeli Druck, Langnau im Emmental, est par exemple la première imprimerie au monde à avoir obtenu, en 2016, la certification Cradle-to-Cradle Gold.

Dans la métallurgie et l’industrie des machines, la voie de l’économie circulaire passe le plus souvent par un processus d’optimisation en plusieurs étapes. Grâce à des améliorations des procédés, le cuisiniste Franke consomme aujourd’hui quatre fois moins d’énergie et deux fois moins d’acier pour ses éviers en acier qu’il y a quelques années. De nombreux métaux, surtout le platine, l’or et le palladium, sont aujourd’hui couramment recyclés dans l’industrie – pour la simple raison que ces matières sont trop précieuses pour atterrir dans les déchets et qu’il est possible de retraiter de nombreux métaux sans problème et sans perte de qualité pour un nouveau cycle de production. En Suisse, environ 1,6 million de tonnes de déchets de fer et d’acier par année sont ainsi reconvertis en acier de construction et en acier inoxydable. 3,2 millions de tonnes de déchets urbains collectés séparément retournent en outre dans le cycle. Dans le génie civil, près de 12 millions de tonnes de matériaux de démolition tels que béton, gravier, sable, asphalte et maçonnerie, soit deux tiers d’entre eux, sont recyclés. «5 autres millions de tonnes de matériaux de démolition et 2,8 millions de tonnes de déchets urbains ne retournent en revanche pas (encore) dans le cycle», précise David Hiltbrunner, de la section Cycles matières premières de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Les fibres textiles, les matériaux synthétiques et composites, les déchets électriques et électroniques, les produits chimiques ainsi que certains déchets biogènes restent pour l’instant un défi particulier. Ces matières ne peuvent être dissociées et le cas échéant retraitées qu’à grands frais. Le nombre d’entreprises qui développent des modèles d’affaires innovants selon les principes de l’économie circulaire croît toutefois aussi dans ces domaines délicats. C’est ainsi par exemple que la maison de meubles Pfister propose depuis 2018 des rideaux certifiés économie circulaire. La start-up Tyre Recycling Solutions TRS, Yvonand (VD), remet les vieux pneus en état de marche et l’entreprise Bauwerk, Sankt Margrethen (SG) retraite de vieux parquets.

© regiosuisse

Adieu à la société du tout-jetable

Des conditions-cadre politiques efficaces sont nécessaires pour que des biens de consommation complexes tels que lave-linges, ordinateurs ou voitures deviennent également circulaires. Les directives-cadres de l’UE sur l’écoconception et les déchets exigent expressément la promotion de modèles de production et de consommation durables, en particulier une conception axée sur la longévité, la réparabilité des appareils électriques, des mesures contre le gaspillage alimentaire et des campagnes d’information destinées à la population. Quelques pays ont déjà bien avancé dans la mise en œuvre. Les Pays-Bas misent par exemple depuis dix ans sur des biens fabriqués selon le principe «du berceau au berceau» pour leurs achats publics et dépensent des montants supérieurs à dix milliards d’Euros pour des achats conformes aux critères de l’économie circulaire. Avec son plan d’action pour l’économie circulaire (Circular Economy Action Plan), l’UE a encore renforcé ses efforts en 2020. On envisage actuellement d’étendre les directives d’écoconception à tous les biens de consommation, car l’UE souhaite dire définitivement adieu au système de la société du tout-jetable. Les directives de l’UE s’appliquent aussi à tous les fabricants suisses qui souhaitent exporter des produits dans les pays de l’UE.

Ce n’est pas un hasard si l’écoconception occupe la première place dans le plan d’action de l’UE : jusqu’à 80 % de l’impact environnemental ultérieur d’un produit sont prédéterminés lors de la phase de conception, tout comme sa durée de vie et sa fiabilité. La règle générale d’écologie «la sobriété prime sur la circularité» est également de mise! Une gestion raisonnée des ressources qui se limite au strict nécessaire évite les marches à vide et économise beaucoup d’efforts ultérieurs. «Toutes les stratégies qui aident à utiliser les substances et les matériaux de façon plus économe, plus efficiente et plus pérenne contribuent à l’économie circulaire», estime David Hiltbrunner.

L’agenda de la Suisse

En Suisse aussi, l’économie circulaire figure en très bonne place sur l’agenda politique – pour une bonne raison : pratiquement aucun autre pays ne produit autant de déchets urbains que la Suisse, malgré des taux de recyclage élevés.

Au Parlement, au moins huit interventions en suspens se réfèrent à l’économie circulaire, les principales étant l’initiative parlementaire 20.433 «Développer l’économie circulaire en Suisse» et le rapport du 11 octobre 2021 de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national. Le Conseil fédéral a procédé ce printemps à un état des lieux actuel de l’économie circulaire. D’après lui, il existe des potentiels importants pour l’économie circulaire surtout dans les domaines suivants : construction et logement, agroalimentaire, mobilité, génie mécanique et industrie chimique. L’administration fédérale a identifié toute une série de prescriptions et de normes qui entravent encore une économie circulaire. Elle examine comment il est possible d’éliminer ces obstacles. Il semble clair que les aspects d’une économie circulaire qui ménage les ressources doivent être intégrés à l’avenir dans les politiques sectorielles de la Confédération. Selon le Conseil fédéral, le mieux est de le faire en accord avec la Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030) de la Confédération et avec les stratégies nationales à long terme des politiques climatique, économique et agricole.

© regiosuisse

Développement de la NPR

La promotion explicite de l’économie circulaire, qui n’était pas jusqu’à présent un point du programme de la NPR, pourrait en devenir un élément pour la prochaine période de programmation. Cette intention coïncide avec la demande de Romed Aschwanden, directeur de l’institut uranais Cultures des Alpes de l’Université de Lucerne, selon laquelle il faudrait aligner radicalement la NPR sur le principe de la durabilité. «Car le vrai problème des régions périphériques et de montagne n’est plus l’inégalité salariale, mais le changement climatique, argumente-t-il.»

Les travaux préparatoires nécessaires sont déjà en cours auprès des offices compétents, surtout du SECO et des services NPR cantonaux. Le cadre d’orientation est fixé par les dix-sept objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDG) des Nations Unies (ONU). Cet «Agenda 2030» constitue déjà aujourd’hui le cadre d’orientation pour la Stratégie suisse pour le développement durable 2030. La Direction de la promotion économique du SECO peut donc s’appuyer sur ce cadre pour ancrer les idées et les objectifs du développement durable dans la NPR. «L’économie circulaire jouera un rôle important pour le thème prioritaire de la consommation et de la production durable», estime Ueli Ramseier, qui coordonne auprès du SECO les travaux en faveur de la durabilité dans le cadre de la NPR. Avec sa priorité «climat, énergie et biodiversité», la NPR promeut en outre depuis des années les énergies renouvelables et l’aménagement de zones bâties durables et résilientes.

L’harmonisation de la NPR avec le développement durable doit être comprise comme un développement et un complément de la NPR, non comme un changement de système. Il est prévu de développer encore les contributions aux aspects sociaux et écologiques du développement durable au cours de la période de programmation 2024-2027 et de leur donner davantage de poids. La NPR continuera toutefois à l’avenir à se focaliser sur l’économie régionale, mais les services NPR cantonaux et le SECO veulent cofinancer davantage de projets NPR centrés sur l’économie circulaire. «La NPR reste attachée aux objectifs généraux – renforcer la compétitivité des régions, créer des emplois, maintenir l’occupation décentralisée du territoire et réduire les disparités régionales», souligne Ueli Ramseier.

Profiter des atouts de la politique régionale

Les régions jouent un rôle important dans la promotion de l’économie circulaire, même si cela n’apparaît pas au premier coup d’œil. regiosuisse – le Centre du réseau pour le développement régional – a relevé ce défi l’année dernière. «Nous souhaitons créer du savoir-faire, transmettre les connaissances nécessaires et développer des aides concrètes pour les régions», explique Lorenz Kurtz, chef de projet regiosuisse. Dans le cadre de la communauté du savoir-faire regiosuisse «économie circulaire et développement régional», des connaissances importantes ont été préparées au cours des mois écoulés sous la forme d’une boîte à outils pratique accompagnée d’exemples inspirants. Afin de développer ce thème complexe jusqu’à ce qu’il soit prêt à être mis en œuvre par les régions, regiosuisse a lancé en mars de cette année le RegioLab économie circulaire, dont le but est de montrer comment les régions peuvent intégrer l’économie circulaire dans leurs stratégies régionales.

L’économie circulaire offre des opportunités aux régions lorsqu’elle se concentre sur des thèmes et des domaines qui sont déjà structurés régionalement : agriculture et sylviculture, production alimentaire, transformation du bois, énergies renouvelables, infrastructures, services régionaux et donc aussi tourisme. Une analyse systématique des flux de matières et des chaînes de production dans ces domaines montre que le potentiel régional pour l’économie circulaire est énorme. Promouvoir l’économie circulaire requiert non seulement de la formation et de la transmission de connaissances, mais aussi des incitations financières supplémentaires. Il faut de l’argent pour les projets en eux-mêmes, mais aussi pour leur accompagnement professionnel et l’élaboration de stratégies régionales de développement économique circulaire. «Il est envisageable, pour des projets particulièrement exigeants de la catégorie ‹durabilité cinq étoiles›, d’élargir le cadre du soutien et d’allouer à l’avenir davantage de fonds fédéraux à cet effet», estime Ueli Ramseier.

Norman Quadroni, chef de projets politique régionale auprès d’arcjurassien.ch, voit dans l’économie circulaire une grande opportunité de mieux exploiter la richesse naturelle des régions rurales, frontalières et de montagne. Il est convaincu qu’elle permet de mettre en valeur des ressources qui resteraient sur le carreau dans une perspective de développement purement axée sur l’exportation. «Certaines activités économiques organisées aujourd’hui au niveau international pourraient être ramenées dans la région et intégrées dans des circuits courts », considère Norman Quadroni. Grâce à leurs caractéristiques et à leurs qualités telles qu’échelle limitée, vision d’ensemble et proximité, les régions sont en principe prédestinées à l’initiation de processus circulaires. Car la collaboration interdisciplinaire et interentreprises au sein de réseaux, telle que la NPR la pratique depuis ses débuts, est particulièrement demandée en économie circulaire.

regiosuisse.ch/economiecirculaire

ofev.ch

Les promoteurs de l’économie circulaire

Outre regiosuisse, diverses organisations s’engagent pour proposer aux acteurs intéressés du savoir-faire, de l’empowerment et du coaching pour l’économie circulaire:

Go for impact L’association Go for impact, que l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a contribué à créer, se voit comme un moteur de l’économie circulaire en Suisse. Elle s’engage politiquement et économiquement pour modeler l’avenir circulaire de l’économie suisse.

Circular Economy Switzerland Avec sa plateforme, ce réseau qui bénéficie d’un large soutien économique, politique et social s’adresse à l’ensemble des organisations, des entreprises et des personnes qui s’intéressent à l’économie circulaire. Il a élaboré une charte de l’économie circulaire et soutient toutes les initiatives par des connaissances, des manifestations et du lobbying politique.

CircularHub Cette plateforme de connaissances et de mise en réseau pour l’économie circulaire en Suisse propose aux entreprises et aux start-ups innovantes des offres de formation, de conseil et d’accompagnement de projets.

Réseau suisse pour l’efficacité des ressources (Reffnet) Des expertes et des experts du Reffnet conseillent et accompagnent des entreprises lorsqu’elles élaborent un plan de mesures pour accroître l’efficacité des ressources.

Méthode de conception de «pression des ressources» Une équipe de recherche de l’Empa a développé la méthode de conception dite de « pression des ressources » dans le cadre du PNR 73 Économie durable. Cette nouvelle approche vise à orienter les décisions de conception vers des produits et des services plus durables.

PRISMA Cette communauté d’intérêts d’entreprises de l’industrie alimentaire, de la branche des biens de consommation et de l’industrie des emballages vise à réaliser l’économie circulaire dans le domaine des emballages.

Prozirkula Ce centre de compétences s’engage en faveur de l’intégration des principes de l’économie circulaire dans les processus d’achats publics et privés. Il propose du conseil, du transfert de savoir et de la mise en réseau voir aussi l’article Marchés publics: levier pour l’économie circulaire)

PAP Plateforme de connaissances de la Confédération sur les achats publics responsables.

Boussole durabilité Plateforme de connaissances financée par le SECO et exploitée par la Fondation Pusch et par l’öbu (Association pour une économie durable).

La bourse aux idées: initiatives et projets d’économie circulaire

Agriculture et alimentation

Star’Terre production régionale, commercialisation régionale, circuits courts, plateforme alimentaire intercantonale dans la région du Léman (cf. article Un trait d’union entre la terre et les start-up).

Culture maraîchère Meier Frères, Primanatura AG, Hinwil (ZH) serres n’émettant pas de CO2 grâce aux rejets de chaleur de l’usine d’incinération des déchets et au captage du CO2 aérien – cycles fermés.

Bösiger Gemüsekulturen AG, Niederbipp (BE) culture maraîchère circulaire.

Aquaponie combinaison circulaire de la pisciculture et de l’agriculture indépendante du sol ; la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW mène des activités de recherche et d’enseignement dans ce domaine et propose des cours aux personnes débutantes ou intéressées.

Agriculture énergétique Maison tropicale de Frutigen installation circulaire d’aquaculture et de pisciculture.

Projets de lutte contre le gaspillage alimentairestart-up et app Too good to go, plateforme United against Waste.

Économie circulaire dans le Seeland (projet NPR 2021-2023) des restaurants, des boulangeries et des établissements de restauration collective essaient de fermer les cycles de la chaîne de création de valeur ajoutée avec d’autres acteurs (maraîchers, consommateurs).

Centravo AG, Lyss (BE) cette entreprise valorise depuis 25 ans des composants d’origine animale que les boucheries n’utilisent pas.

Fine Funghi AG cette entreprise zurichoise produits des champignons bios à partir des déchets (son de blé) d’un moulin à céréales.

RethinkResource cette start-up a développé le marché B2B Circado afin de valoriser certains sous-produits industriels de la production alimentaire.

Ricoter Préparation de terres SA créée en 1981, cette entreprise produit du terreau à Aarberg (BE) et à Frauenfeld (TG) à partir des déchets organiques des raffineries de sucre.

Brauerei Locher, Appenzell (AI) projet agroindustriel.

ortoloco, coopérative fermière, Dietikon (ZH) 500 personnes l’exploitent en cogestion en tant que productrices et producteurs, consommatrices et consommateurs.

Communautés d’achat dans lesquelles les consommateurs coopèrent directement avec les producteurs : notamment Tante Emmen, Koop Teiggi Kriens, plateforme Crowd Container, CI food coops.

Qwstion cette marque zurichoise de sacs a lancé un nouveau matériau textile «tissé» à partir des fibres du bananier.

Construction et immobilier 

Construction circulaire (Beat Bösiger, bluefactorydéconstruction, béton recyclé, utilisation de matériaux locaux, durables, renouvelables, etc., matériaux bitumineux de démolition.

Eberhard Bau AG cette entreprise est une pionnière du recyclage des déchets de chantier depuis quatre décennies; elle transforme les gravats en matériaux secondaires sans perte de qualité.

Autres spécialistes du recyclage de déchets de chantier Ronchi SA, Gland (VD), Sotrag SA, Etoy (VD), Kästli Bau AG, Rubigen (BE), BOWA Recycling, Susten.

Neustark, Berne cette entreprise bernoise est spécialisée dans la pétrification du CO2 atmosphérique dans du béton recyclé.

Planification intégrée et gestion commune de zones industrielles et artisanales projets au Locle (NE), à St-Imier (NE), à Val-de-Ruz (NE), dans le district de la Singine (BE, zones d’activités), à Sierre (VS, Écoparc de Daval cf. article Objectif en vue grâce à un rythme plus lent), Schattdorf (UR), etc.

enoki, Fribourg cette start-up fribourgeoise conçoit et planifie des quartiers et des villes plus circulaires.

Terrabloc, Genève l’entreprise genevoise Terrabloc produit des matériaux de construction et d’isolation à partir de glaise.

VADEME ce projet Interreg vise une solution coordonnée pour les déchets de chantier minéraux dans les régions de Genève et d’Annecy (cf. article VADEME, valoriser les déchets minéraux).

ORRAP projet Interreg (2016-2019) pour le recyclage de matériaux bitumineux de démolition dans la région de Bâle.

Approches organisationnelles et stratégiques

AlpLinkBioEco ce projet Interreg qui s’est achevé en avril 2021 a ébauché un générateur de chaînes de création de valeur ajoutée et un master plan pour une économie circulaire dans l’espace alpin fondée sur des matières premières naturelles et locales.

Sharely cette start-up exploite une plateforme de location d’objets quotidiens.

Make furniture circular une initiative de la Fondation Pusch et du Fonds pionnier Migros qui promeut les «meubles circulaires».

Réseaux de réparation et de recyclage diverses initiatives régionales de promotion de lieux de réparation et de recyclage, ce qui inclut aussi les journées de la seconde main, les boutiques de seconde main, les ateliers de réparation, les lieux d’upcycling, etc.

Économie circulaire dans le Parc naturel régional Chasseral relocalisation de chaînes de création de valeur ajoutée, préservation et mise en valeur de ressources naturelles locales.

Feuille de route économie circulaire du canton de Fribourg stratégie cantonale.

Plateforme 1PEC bourse aux idées pour promouvoir l’économie circulaire en Valais.

Économie circulaire Haut-Valais économie circulaire dans une zone rurale isolée (projet soutenu par le Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2022).

Share Gallen atelier de réseautage et marché public à St-Gall (projet du Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2018).

Énergies renouvelables

Installations de production de biogaz par exemple Kägiswil (OW) et installation Kompogas de Wauwil (LU), toutes deux soutenues par la NPR, ainsi que BiogasTicino SA dans la plaine de Magadino.

Satom SA, Monthey (VS) méthanisation de déchets organiques.

Programme cantonal vaudois de «promotion de la filière bois» (projet NPR), le canton met directement en avant le bois comme source d’énergie renouvelable.

«L’avenir sera circulaire»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Comment intégrer la circularité dans l’économie et la société et la promouvoir spécifiquement comme un modèle de développement durable porteur d’avenir? Quelles opportunités particulières offre-t-elle à l’économie régionale? regioS s’est entretenu de ces questions avec Marie-Amélie Dupraz- Ardiot, sustainability manager et responsable de la Stratégie de développement durable du canton de Fribourg, Antonia Stalder, directrice de Prozirkula, ainsi que Tobias Stucki, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut Sustainable Business de la Haute école spécialisée bernoise, département gestion.

regioS: L’économie circulaire est un concept assez ancien. En Suisse, la campagne de la Confédération sur les déchets en avait déjà abordé certains aspects dans les années 1990. Pouvonsnous donc aujourd’hui nous fonder sur ce qui existe ou repartons-nous de zéro?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Le concept d’économie circulaire est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Nous pouvons certes nous fonder sur ce qui existe, mais nous devons en faire nettement plus que jusqu’à présent. Nous ne pouvons pas aborder uniquement le recyclage, mais nous devons développer une perspective plus large où des thèmes comme éviter les déchets, réparer et réutiliser jouent un grand rôle.

Tobias Stucki: En général, nous avons encore trop peu intériorisé le raisonnement par cycles. Il faut réintégrer cette pensée dans nos esprits comme c’était la norme autrefois et comme c’est la norme aujourd’hui encore dans les pays pauvres. Un étudiant de Cuba a remarqué lors d’un cours: «L’économie circulaire, c’est comme nous vivons chez nous.»

Antonia Stalder: Il y a aussi chez nous un point d’ancrage, au moins historique. Les participants à nos formations racontent chaque fois que leurs grands-parents géraient encore leur maison de cette façon. Ils huilaient par exemple leurs meubles deux fois par mois pour pouvoir les utiliser le plus longtemps possible. D’une façon ou d’une autre, nous avons oublié cette gestion soigneuse. Nous ne nous intéressons plus à construire des objets de qualité durable et à les entretenir en conséquence. L’économie circulaire n’est effectivement pas seulement une question de recyclage, mais de valeurs. Celles-ci reposent sur le fait que les objets ne doivent pas simplement être neufs et chics, mais être d’assez bonne qualité pour être utilisés plusieurs fois et réparés sans limite – tout en paraissant encore plus beaux que les nouvelles acquisitions.

Où en est aujourd’hui la mise en oeuvre par rapport à l’objectif à long terme d’une économie circulaire axée systématiquement sur les ressources renouvelables et réutilisables?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Nous sommes encore très loin de l’objectif à long terme. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser pour pouvoir mettre en oeuvre l’économie circulaire. Tant que rien ne se passe dans nos têtes, les flux de matières ne cesseront pas d’augmenter dans notre économie. Nous devons nous rappeler tout ce que nous aurions pu apprendre de nos grandsparents.

Antonia Stalder: Dans la construction, nous utilisons par exemple chaque mois la quantité de matériaux qui permettrait de recréer la ville de New York de toutes pièces. Selon des pronostics, rien de décisif ne changera dans ce domaine d’ici à 2050.

Tobias Stucki: Nous venons de réaliser avec l’epfz un sondage représentatif auprès d’entreprises de Suisse. Les résultats montrent que seules quelque 10 % des entreprises se préoccupent déjà réellement de l’économie circulaire. Environ 40 % des entreprises n’ont, en revanche, mis en oeuvre aucune mesure au cours des dernières années pour accroître la durabilité écologique.

Est-il d’ailleurs possible de mettre en oeuvre l’économie circulaire en Suisse, vu que son économie est extrêmement intégrée dans les chaînes globales de création de valeur? Comment les entreprises peuvent-elles s’organiser pour devenir circulaires?

Tobias Stucki © regiosuisse

Tobias Stucki: La transformation circulaire présuppose dans la plupart des cas que l’on réfléchisse à toutes les chaînes d’approvisionnement et qu’il faille les réorganiser – en partie avec de nouveaux partenaires. La logistique n’est pas le problème majeur. Le véritable défi réside dans les produits eux-mêmes. La question centrale est de savoir quels matériaux et quelles substances il faut utiliser dans quels produits.

Antonia Stalder: Je ne crois pas que nous pourrons encore nous permettre à l’avenir les chaînes globales de création de valeur avec toutes leurs charges logistiques et à cette échelle. Aujourd’hui, nous produisons – le mot le dit – le long de chaînes, dites chaînes de création de valeur, qui sont linéaires en soi et non circulaires. Nous ne pourrons pas éviter à l’avenir de reconditionner, de réparer et de partager bien davantage de produits et d’appareils dans un cadre régional et local. Si au contraire nous développons encore nos transports globaux de marchandises, de gros problèmes nous attendent.

Tobias Stucki: En fin de compte, la mise en oeuvre d’une économie circulaire efficiente nous met face à un compromis: d’un côté, il est évidemment logique de fermer les cycles le plus localement possible; de l’autre ce n’est pas toujours possible techniquement. Nous aurons besoin à l’avenir d’une combinaison de cycles de création de valeur locaux, régionaux et globaux.

Comment évaluez vous, Madame Dupraz, les nécessités et les possibilités d’introduire l’économie circulaire dans notre système?

Marie-Amélia Dupraz-Ardiot © regiosuisse

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: L’économie circulaire deviendra tôt ou tard une part essentielle de l’économie, car elle est un facteur décisif de réduction des coûts et de compétitivité. Elle contribue en outre à la résilience, à une époque où les prix des matières premières augmentent rapidement et où il y a des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. Vue sous cet angle, l’économie circulaire devient de plus en plus un facteur de résistance économique d’une région.

En existe-t-il un exemple réussi?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Dans le canton de Fribourg, nous avons développé une stratégie agroalimentaire qui se concentre beaucoup sur la mise en oeuvre d’une économie circulaire régionale et sur la mise en réseau des acteurs. Une des idées directrices est de recycler la biomasse secondaire.

Où se situent les points vraiment cruciaux de la mise en oeuvre?

Antonia Stalder: Pour les achats publics par exemple, le point crucial réside dans la complexité. Notre conseil essaie de la réduire à un niveau intelligible. Le besoin de ce type de conseil est important surtout dans les petites structures. Un canton dispose peut-être encore des ressources nécessaires, mais une commune est rapidement dépassée par cette question. Il manque certainement d’instruments pratiques de mise en oeuvre. Je pense à des listes de contrôle, à des critères d’adjudication obligatoires, à des bases de décision claires, etc. Le conseil et le centre de compétences de Prozirkula entendent y apporter une contribution.

Tobias Stucki: Les défis de l’économie privée sont analogues à ceux des marchés publics : les responsables connaissent certes, dans une certaine mesure, le concept d’économie circulaire, mais la mise en oeuvre dans leurs propres entreprises s’avère difficile. Il n’existe guère de solutions standard à cet effet. La plupart du temps, il n’est pas simple de développer l’approche individuelle demandée. À cela s’ajoute que la transition vers l’économie circulaire implique des coûts qu’il s’agit de financer.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Au niveau cantonal, nous avons certes les ressources pour développer le cadre stratégique, mais les connaissances nous manquent pour la mise en oeuvre. L’économie circulaire est un domaine interdisciplinaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent collaborer. Elle ne fonctionne que si tout le monde se parle: la politique économique avec la politique agricole, la politique agricole avec la gestion des déchets. Un autre point crucial est de nature purement technique: la plupart des matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés autant de fois que l’on veut. Mais ils perdent en qualité après chaque cycle. La circularité est une possibilité de ralentir et de réduire la consommation de ressources, mais elle ne peut pas la stopper complètement.

Qui est particulièrement sollicité par la mise en oeuvre? Quels acteurs jouent-ils le rôle déterminant?

Tobias Stucki: Non seulement les producteurs, mais aussi les consommatrices et les consommateurs sont déterminants. Il faut aussi les sensibiliser pour que l’économie circulaire puisse réellement fonctionner. Ils et elles doivent être prêts à utiliser les produits plus longtemps et de façon circulaire. Les marchés publics jouent un rôle clé, par exemple lorsqu’il s’agit de financer des projets pilotes. Le secteur financier doit aussi jouer le jeu. Bien entendu, les élus sont également sollicités quand il faut définir les conditions-cadre appropriées. Comme pour la durabilité en général, il est inutile pour l’économie circulaire de se focaliser uniquement sur certains points. En tant que prestataires de formations, nous sommes en outre obligés de former les gens et de leur transmettre les connaissances nécessaires.

La Suisse dispose-t-elle déjà des conditions-cadre légales nécessaires?

Tobias Stucki: En fonction de nos objectifs: non ! Si on voit ce que l’UE fait en ce moment, nous sommes complètement en retard – bien que nous soyons prédestinés à jouer un rôle de pionnier vu la rareté de nos ressources et nos connaissances en matière d’innovation. Si nous ne commençons pas à travailler tout de suite et énergiquement sur nos conditions-cadres, nous courons le risque de prendre du retard en matière de connaissances par rapport à d’autres pays, retard que nous ne pourrons plus rattraper rapidement.

Antonia Stalder: Pour les marchés publics en particulier, nous aurions en fait suffisamment de marge de manoeuvre depuis janvier 2021 avec la révision de la loi sur les marchés publics. Il serait intelligent et utile d’exploiter cette marge de manoeuvre et de créer de toutes pièces les projets correspondants. Il faut bien entendu encore adapter les conditionscadres, mais on pourrait déjà maintenant en faire beaucoup plus que ce qui se fait en réalité.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Comme Monsieur Stucki l’a mentionné, nous aurions pu jouer un rôle de pionnier en Suisse il y a quelques années. Maintenant, l’UE est déjà beaucoup plus avancée et certains pays comme la France ont davantage de bases légales que la Suisse.

Où dans la législation pourraiton et devrait-on ne plus faire les choses à moitié?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: On pourrait faire beaucoup dans le cadre de la révision en cours de la loi sur la protection de l’environnement. La Confédération a mis la révision en consultation. Le canton de Fribourg a proposé d’aller plus loin que la proposition sur plusieurs points. Les conditions-cadres légales importantes sont celles que nous pourrons effect ivement met tre en oeuvre par la suite. Je me demande si nous disposons déjà de suffisamment de personnes qualifiées qui ont les connaissances et les compétences nécessaires. Il y a sans aucun doute encore un besoin assez important de formation et d’éducation.

Tobias Stucki: En Suisse, nous misons énormément sur le principe du volontariat. L’UE fait résolument un pas supplémentaire et essaie de réglementer clairement l’économie circulaire. Il y a des prescriptions qui obligent les entreprises à évoluer réellement. Celles qui ne font rien doivent s’attendre à des sanctions.

Antonia Stalder: Davantage de directives et un peu plus d’obligations nous feraient certainement du bien. Lorsque nous nous en tenons au volontariat, nous restons en général assez lents.

Élément essentiel d’un développement durable, l’économie circulaire est montée en très bonne place dans l’agenda de la Nouvelle politique régionale (npr). Dans quels domaines voyezvous des opportunités ou avantages particuliers de mettre en oeuvre avec succès l’économie circulaire dans les régions?

Antonia Stalder © regiosuisse

Antonia Stalder: Une fois établies, les solutions circulaires ont le potentiel d’être fondamentalement meilleures en termes économiques et écologiques que les solutions linéaires. L’économie linéaire détruit des valeurs en jetant des objets qui seraient encore précieux. Si on s’écarte de cette pratique et que l’on met au premier plan la préservation de la valeur, on gagne sur toute la ligne, peu importe que ce soit en ville ou en région rurale. À cela s’ajoutent d’autres avantages tels que sécurité d’approvisionnement et résilience. Récemment, nous avons eu le cas d’un fabricant désespéré d’automates à café qui nous a dit: «Indiquez- moi la plus grande décharge d’Allemagne, j’y enverrai dix de mes collaborateurs pour qu’ils retrouvent nos appareils et extraient les puces. Nous pourrons ainsi produire trois mois de plus et survivre.» La région peut donc devenir la plaque tournante de l’économie circulaire.

Madame Dupraz, comment apportez-vous l’économie circulaire précisément aux régions du canton de Fribourg?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Ma tâche principale est de sensibiliser les différentes politiques sectorielles du canton aux défis de la durabilité, ce qui nécessite une culture de l’interdisciplinarité. Une personne qui travaille dans la politique économique doit donc aussi penser aux aspects écologiques et sociaux, et vice versa. Nous essayons de lancer, avec des participants de tous les domaines de l’administration, des projets qui incarnent cette culture de l’interdisciplinarité.

Monsieur Stucki, les entreprises conçoivent-elles l’économie circulaire comme une opportunité ou comme une charge pénible?

Tobias Stucki: Il y a des entreprises qui se soucient déjà de l’économie circulaire et agissent en conséquence, justement parce qu’elles y voient des opportunités. De nombreuses autres y flairent surtout des risques et des dangers. Mais il y a maintenant dans toutes les branches des entreprises phares qui démontrent que cette économie fonctionne. Pour dissiper les craintes, on devrait les mettre encore davantage en vitrine. Il ne s’agit pas seulement de la gestion soigneuse et efficiente de ressources qui deviennent de plus en plus rares. Une économie qui ne comprend pas cela et qui n’est pas prête à en tirer les conséquences ne sera un jour plus compétitive.

Avons-nous besoin de signaux supplémentaires du monde politique pour établir l’économie circulaire chez nous?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: La situation actuelle des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement contribue à ce que de nombreuses entreprises prennent réellement conscience, pour la première fois, de l’importance d’une gestion efficiente des ressources. La pénurie a probablement plus d’effets que nombre de moyens de pression politiques. J’espère en même temps que la modification de la loi sur la protection de l’environnement apportera quelque chose, y compris aux régions. Dans le canton de Fribourg, nous essayons avec cette nouvelle perspective d’élaborer un plan de gestion des déchets qui soit plus global et qui aborde l’ensemble de l’économie circulaire, bien au-delà du recyclage.

Autres articles

Scénarios par branches 2060

Comment évoluera à long terme la structure économique de la Suisse ? L’Office fédéral du développement territorial (ARE), l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) ont fait élaborer des scénarios d’évolution des branches en Suisse jusqu’en 2060. Les résultats constituent la base d’analyses et de perspectives, par exemple pour le développement du territoire et des transports ou dans le domaine de l’énergie. En plus des changements de structure économique à l’échelle nationale, les scénarios présentent l’évolution de l’emploi, de la valeur ajoutée et de l’output (valeur de production brute) par secteurs, pour les cantons et pour les bassins d’emploi. Les résultats des scénarios nationaux et régionaux ainsi qu’un rapport résumant les principaux résultats se trouvent sur le site Internet de la Confédération.

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Les régions à l’épreuve du coronavirus

Pirmin Schilliger & Urs Steiger
La maladie covid-19 a déclenché cette année une grave crise dans le monde entier et en Suisse. Celle-ci est encore loin d’être terminée, nous nous trouvons au contraire en plein dedans. Tous les domaines de la vie et de l’économie sont affectés, surtout les soins de santé. À de nombreux endroits de Suisse, la crise touche particulièrement le tourisme et l’industrie horlogère, qui constituent l’épine dorsale économique de nombreuses régions de montagne ou rurales. Il s’agit d’une dure épreuve pour un grand nombre de personnes. On ignore quelle en sera l’issue.
© regiosuisse

Le confinement décrété mi-mars a subitement plongé le tourisme dans un état de choc. À l’échelle suisse, le nombre de nuitées a subi une chute drastique pratiquement d’un jour à l’autre: –62 % en mars, –80 % en avril et –78 % en mai par rapport aux mêmes mois de l’année précédente. Il s’est légèrement redressé en juin à la faveur des premiers assouplissements et a retrouvé le niveau de mars, soit de nouveau 62 % au-dessous du niveau de l’année précédente. Un grand nombre de clients non seulement étrangers, mais aussi suisses ont été absents des stations touristiques. L’occupation s’est légèrement redressée en juillet et août. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), la diminution des nuitées s’est stabilisée au cours de ces deux mois d’été à –26 % et à –28 % en moyenne.

Vacances (forcées) en Suisse

Les différences régionales ont toutefois été considérables. Quelques régions ont pu tirer profit du fait que les Suissesses et les Suisses ont renoncé aux voyages à l’étranger et, à la place, ont passé leurs vacances dans les régions de montagne suisses. Par exemple, les hôtels du val Poschiavo ont très tôt affiché complet. En juillet par rapport à l’année précédente, la Surselva a vu les nuitées augmenter de 40 %, la Basse-Engadine de 43 % et le val Bregaglia même de 53 %. Dans les régions, cet essor s’est poursuivi jusqu’en automne. Toutefois, il y a aussi eu des perdants dans les régions en plein boom. «On a compté parmi eux surtout les restaurants, qui ont dû fermer complètement durant le confinement et qui par la suite n’ont pu reprendre le travail que dans une mesure limitée à cause des mesures de protection», explique Martina Schlapbach de la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair.

Dans les cantons d’Appenzell et du Tessin ainsi que dans certaines régions du Jura, le nombre de nuitées a aussi été nettement supérieur à celui de la même période de l’année précédente. La destination Saignelégier-Le Noirmont a presque réussi à doubler ses nuitées. Quelques points chauds comme le val Maggia, le val Verzasca ou la piscine de Porrentruy ont presque été submergés par beau temps. Le pays d’Appenzell ne parvenait plus guère à se défendre contre les randonneurs venus de toute la Suisse. Cette ruée a été exploitée avec délectation par les médias. Andreas Frey, directeur d’Appenzell Rhodes-Extérieures Tourisme, relativise toutefois: «Tout cela n’a posé aucun problème.» Il ne souhaite en tout cas pas parler de «surtourisme». «Lors de chaque jour de pointe, nous avons essayé de rediriger les groupes de randonnée vers des itinéraires moins fréquentés – avec un franc succès», souligne-t-il.

Les loueuses et les loueurs d’appartements de vacances ont également fait partie des gagnants. Les résidences isolées ont été particulièrement demandées. Sur la plateforme de Grisons Tourisme par exemple, qui regroupe une offre de 3000 appartements dans dix destinations, les réservations supplémentaires d’appartements dépassaient encore 70 % en octobre, alors que le maximum intermédiaire de l’été avait fléchi depuis longtemps dans de nombreuses autres régions.

(Presque) plus rien ne tourne dans le tourisme urbain

Le tourisme urbain s’est retrouvé grand perdant. Les clients internationaux ont fait défaut dans les centres urbains, et le tourisme d’affaires et de congrès s’est arrêté presque complètement. Zurich (–77 %), Genève (–75 %), Lucerne (–66 %), Bâle (–63 %) et Berne (–59 %) sont les villes qui ont perdu le plus de nuitées durant les mois d’été. Vu qu’elle s’est de nouveau aggravée en octobre après une brève amélioration au début de l’automne, la situation est maintenant très sombre. D’après un sondage d’HotellerieSuisse, deux tiers des hôtels urbains se préparent à des licenciements. Des centaines de grands hôtels urbains sont à deux doigts de la faillite.

En plus du tourisme urbain, les régions de montagne très axées sur les clients étrangers, notamment sur les groupes de voyageurs venant d’Asie, ont particulièrement souffert de la crise. La destination Engelberg-Titlis compte parmi ces régions. Le chiffre d’affaires des Titlis Bergbahnen est tombé durant les mois d’été à 20-30 % du niveau de l’année précédente. Le directeur Norbert Patt, qui a tout de suite réagi en prenant des mesures rigoureuses de réduction des coûts, a entre-temps annoncé des suppressions d’emplois. Le chemin de fer de la Jungfrau a aussi été subitement privé de ses clients internationaux, qui jusqu’à présent provenaient à 70 % d’Asie. Les responsables du marketing ont certes essayé de rectifier rapidement le tir en prenant des mesures comme le Jungfrau Corona-Pass qui permet de circuler librement sur le réseau du chemin de fer de la Jungfrau – avec pour résultat que le Jungfraujoch a tout à coup été à 95 % aux mains des Suisses. Mais contrairement aux clients asiatiques, les Suissesses et les Suisses ne sont venus que par beau temps. Ils ont en outre dépensé moins d’argent en moyenne que les touristes d’Extrême-Orient.

Comme dans la plupart des régions de Suisse, les buts d’excursion et les hôtels qui misent en priorité sur le marché suisse et sur le marché européen ont compté parmi les gagnants qu’il y a aussi eu dans l’Oberland bernois. «Les campings ont aussi tiré leur épingle du jeu, de même que la sous-région Haslital-Brienz, dont l’orientation est traditionnellement moins internationale», explique Stefan Schweizer, directeur de la Conférence régionale Oberland-Ost. Mais malgré les lueurs d’espoir estivales, le bilan touristique est aussi globalement négatif dans l’Oberland bernois. Par exemple, la région d’Interlaken a certes enregistré une augmentation de 192 % des clients suisses dans l’hôtellerie en juillet, mais le nombre total de nuitées a diminué de moitié parce que cette destination vit principalement de l’activité internationale lors d’une saison normale. D’autres stations célèbres comme Wengen, Davos aux Grisons ou Zermatt en Valais se trouvent dans une situation analogue.

Appenzell © regiosuisse

De mauvais souvenirs se réveillent dans le Jura

L’industrie horlogère est l’épine dorsale économique du Jura, tout comme le tourisme pour une grande partie des régions de montagne. Avec le tourisme, elle fait partie en Suisse des branches économiques qui souffrent le plus de la crise du coronavirus. Le chiffre d’affaires de l’industrie horlogère a chuté de 35 % au deuxième trimestre. La branche a certes réussi à se remettre légèrement de ce choc au troisième trimestre, mais la Fédération de l’industrie horlogère suisse s’attend à une diminution de 25 à 30 % pour l’ensemble de l’année. Jusqu’en octobre, la baisse des exportations de montres par rapport à l’année dernière dépasse un tiers.

Cette situation réveille de mauvais souvenirs dans les villes horlogères de l’Arc jurassien. Des villes comme Le Locle ont certes tiré les leçons de la «crise horlogère» des années 1970 et diversifié leur économie depuis lors, mais la dépendance par rapport à l’industrie horlogère est toujours grande à de nombreux endroits. La vallée de Joux en est l’exemple éclatant: cette vallée proche de la frontière française compte 7000 habitants, mais 8000 emplois, en majeure partie dans l’industrie horlogère. «La pandémie de coronavirus nous a durement touchés», déplore Éric Duruz, directeur de l’ADAEV (Association pour le Développement des Activités Économiques de la Vallée de Joux). Les fabriques d’horlogerie ont certes pris de bonne heure des mesures de protection pour le personnel, déjà avant que la Confédération n’en ait ordonné. Mais après le confinement, la plupart des entreprises sont restées à l’arrêt un mois et demi. À la vallée de Joux, la pandémie n’a pas non plus été qu’un lointain grondement de tonnerre, mais a fait un nombre de morts plus élevé que la moyenne. Les autorités des différents niveaux se sont coordonnées afin de maintenir à peu près les soins de santé dans la Vallée même pendant la phase la plus aiguë. «Les frontalières et les frontaliers sont essentiels pour notre économie et pour le système de santé», rappelle Éric Duruz. Il était donc crucial que la frontière avec la France reste ouverte pour ces pendulaires.

Même si tout n’est de loin pas encore terminé, l’espoir naît entre-temps à la vallée de Joux que la crise ne sera pas aussi grave que dans les années 1970, lorsque plus d’un quart des résidentes et des résidents ont quitté la Vallée. «Nous avons maintenant l’expérience de la crise et sommes plus résistants», affirme Éric Duruz. Il est convaincu que la Vallée sortira même renforcée de cette crise, «grâce à l’esprit d’innovation de notre population, à la solidarité, à une certaine obstination et à un esprit combatif inflexible».

L’état intermédiaire

Comment se terminera l’année 2020 en fin de compte? À quelle vitesse l’économie se redressera-t-elle? Le 12 octobre, les économistes du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) se montraient encore confiants dans leur pronostic. Ils calculaient à cette date une diminution de 3,8 % du produit intérieur brut pour l’année en cours. Ce pronostic paraissait nettement plus optimiste qu’au printemps, lorsqu’ils ne voulaient pas exclure une chute pouvant atteindre 10 % dans le scénario du pire. Les conséquences de la pandémie seraient néanmoins toujours très graves, même avec le scénario plus clément d’octobre: une baisse du pib de 3,8 % équivaudrait à la plus forte récession depuis la crise pétrolière du milieu des années 1970.

Impacts de l’épidémie de covid-19  sur l’économie régionale
Dans le cadre du monitoring des régions, regiosuisse observe l’évolution économique des régions, y compris en ce qui concerne spécifiquement les impacts de la crise du coronavirus. La page regiosuisse.ch/crise-du-corona rend compte des résultats actuels.

La situation a radicalement changé entre-temps avec la deuxième vague. Il est par conséquent difficile de dresser un bilan et chaque pronostic devient rapidement obsolète. Fin octobre, lors de la clôture de la rédaction, quatre cinquièmes des entreprises actives dans le tourisme s’attendaient à une nouvelle détérioration de la situation au cours de la saison d’hiver. Comme chacun sait, celle-ci est beaucoup plus importante que la saison d’été pour les stations de ski. Martin Nydegger, directeur de Suisse Tourisme, prépare le secteur à une longue traversée du désert. «Il n’y aura un redressement complet qu’en 2023 ou 2024. Ce sera rude surtout pour les villes», soulignet-il. Martin Nydegger brosse un tableau un peu plus optimiste pour les stations classiques de sports d’hiver. Monika Bandi Tanner, codirectrice de l’Unité de recherche sur le tourisme au Centre de développement économique régional de l’Université de Berne, renvoie au fait que tout dépend de l’évolution de la situation sur le front de la pandémie ainsi que des mesures et des concepts de protection qu’elle entraînera dans les domaines skiables. Vu les nombreux facteurs d’incertitude, il est actuellement difficile de prévoir comment se terminera l’année 2020 pour le tourisme.

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Travail à distance et repli à la montagne

La structure économique trop spécialisée, très axée sur des domaines particulièrement touchés comme le tourisme ou l’industrie horlogère, n’est pas le seul facteur à avoir accru la vulnérabilité de nombreuses régions au cours de la crise actuelle. La taille des entreprises joue aussi un rôle, abstraction faite de leur appartenance à une branche donnée. Selon un sondage d’UBS, une entreprise sur cinq comptant moins de 10 employés et une entreprise sur dix comptant 10 à 49 employés ont dû suspendre leur activité pendant le confinement. En revanche, «seules» trois grandes entreprises sur cent ont dû fermer. Les répercussions ont été particulièrement négatives dans des cantons tels qu’Appenzell Rhodes-Intérieures, Grisons et Valais, qui présentent une part élevée de petites entreprises et de microentreprises. Sur la base de divers autres indicateurs, UBS parvient à la conclusion que les cantons de montagne sont en général beaucoup plus fortement affectés par la crise et qu’ils auront besoin d’une phase de récupération plus longue.

La pandémie a confirmé qu’une crise accélère et renforce les tendances existantes. Une étude de l’Université de Bâle, qui s’est penchée sur l’adoption du télétravail observée à de nombreux endroits, parvient à la conclusion que cette transformation a visiblement représenté un défi plus important pour l’économie des régions rurales et celle des régions urbaines. Cette étude néglige toutefois un point: pendant le confinement, nombre d’employés se sont retirés de la ville pour se réfugier à la montagne. Ils y ont transformé sans hésiter leur résidence de vacances en bureau à domicile. On ignore toutefois quel pourcentage des quelque 500 000 résidences secondaires a effectivement été utilisé de cette façon pendant le coronavirus. «Notre région a été très animée cet été, surtout à cause des nombreux travailleurs à distance», estime Rudolf Büchi, responsable du développement régional auprès de la Regiun Surselva. Un indice de leur présence est la forte augmentation de l’utilisation du Net et des minutes de conversations téléphoniques dans la région. «Face à cette tendance, la Surselva bénéficie clairement d’une très bonne infrastructure à large bande et d’appartements de vacances gérés activement, qui offrent d’excellentes conditions pour le travail à distance lorsqu’ils sont combinés avec des espaces de coworking tels que ceux du Rocks Resort Laax», explique Rudolf Büchi.

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La plupart des télétravailleurs sont certes retournés dans leurs résidences principales urbaines après le confinement. Mais nombre d’entre eux y auront pris goût et se demanderont s’ils souhaitent aussi utiliser en temps normal leur refuge de crise et de vacances comme lieu de travail. Ce choix irait tout à fait dans le sens des stratèges du développement qui voient l’avenir des régions de montagne dans l’économie résidentielle, favorisée par le travail à domicile et par les nouvelles formes de travail hybrides et flexibles, qui permettent et stimulent le fait de résider et de travailler loin des centres urbains (cf. regioS 18).

En tant qu’organisation, la NPR a continué de bien fonctionner même dans les moments les plus difficiles.

La NPR en mode de crise

Comment les responsables NPR des régions ont-ils réagi à la crise du coronavirus? Avaient-ils seulement une marge de manœuvre? Stefan Schweizer précise que la NPR n’a pas pour mission de déployer un activisme fébrile dans une situation exceptionnelle de ce genre ni de faire de l’intervention de crise ou même de l’aide d’urgence. La politique régionale vise au contraire à aider les régions à relever sur le long terme les défis des changements structurels. Rudolf Büchi s’exprime de manière analogue: «Nos possibilités d’accomplir quelque chose directement pour atténuer la crise du coronavirus sont limitées.» La plupart des régions NPR de Suisse ont donc renoncé à lancer des projets NPR à court terme pour lutter contre la crise.

Mais cela ne signifie pas que les acteurs soient restés inactifs, bien au contraire: la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair, la Regiun Surselva ainsi que les régions d’Imboden et de Viamala ont par exemple participé à une initiative interrégionale dans le canton des Grisons. C’est dans ce cadre qu’une plateforme a été mise en ligne comme place du marché numérique pour les produits et les services encore livrables pendant la crise. «Cette plateforme a été très appréciée et continue d’être très populaire. Nous examinons maintenant si elle devrait être exploitée à demeure au-delà de la crise du coronavirus», explique Martina Schlapbach, responsable du développement de la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair. Des plateformes semblables ont été lancées dans de nombreuses autres régions, par exemple mehr-uri.ch dans le canton d’Uri, plateforme financée par le biais de la NPR, ou favj.ch/c19/ pour la vallée de Joux, pour ne citer que deux autres exemples.

De nombreuses destinations touristiques ont lancé des actions publicitaires à court terme – surtout par le biais du budget rehaussé de Suisse Tourisme. Les stations et les hôtels qui vivaient jusqu’à présent de séminaires et de groupes se sont reconvertis aux touristes individuels de Suisse. Les restaurants ont agrandi leurs terrasses extérieures, «les autorités ayant tout à coup accordé des autorisations de façon beaucoup plus pragmatique», comme Andreas Frey, d’Appenzell Rhodes-Extérieures Tourisme, le constate avec satisfaction. Différents services ont été numérisés d’urgence afin de pouvoir être proposés et fournis conformément aux règles de distance. Le canton du Valais et The Ark, une fondation de promotion économique, ont lancé début mai à cet effet l’initiative Digitourism, à laquelle une trentaine de jeunes entreprises ont participé en soumettant des propositions. Un jury a enfin sélectionné huit projets, qui ont été mis en œuvre avec le soutien de CimArk, le bras armé des ris (Systèmes régionaux d’innovation) Suisse occidentale en Valais. Le dénominateur commun de tous ces projets est de viser à relancer le tourisme dans le canton à l’aide de solutions numériques. Un exemple: la start-up Guidos.bike a développé le guide touristique Guidos, numérique et personnalisé, en quelques semaines jusqu’à la commercialisation. Il s’agit d’un GPS intelligent qui se monte sur un vélo et qui accompagne l’utilisateur sur un tour défini individuellement. Plus de cinquante prestataires d’activités de plein air utilisent déjà ce guide touristique, ainsi que la grande station touristique de Verbier.

La crise comme opportunité

Les ris ont tout de suite réorganisé leurs programmes de coaching lors du confinement décrété en mars. Le ris Mittelland a immédiatement mis en ligne un site Internet qui énumérait toutes les informations importantes sur les offres de soutien de la Confédération, du canton de Berne et d’autres institutions en lien avec la pandémie. Les ris de toutes les autres régions du pays ont suivi cet exemple un peu plus tard. Les conseillères et les conseillers ont en outre réorienté leur priorité, passant du coaching en innovation à la gestion de crise. Ils ont également soutenu quelques entreprises qui s’efforcent d’exploiter la crise comme opportunité pour optimiser les processus et mener des projets de transformation et d’innovation. Voici l’exemple de Sensopro AG, Münsingen (BE): cette entreprise produit depuis quelques années des appareils de fitness qui servent à entraîner la coordination tout en ménageant les articulations ; elle a exploité la période plus calme à cause de la crise pour développer un nouveau produit qui pourrait être commercialisé encore cette année ; ce projet a bénéficié du soutien du coach ris Nicolas Perrenoud.

Les prestations de la NPR au cours de la crise ont aidé de nombreuses entreprises à mieux s’en sortir. Mais l’aide décisive qui a sauvé d’innombrables entreprises de la ruine est finalement venue du Conseil fédéral, qui a ficelé un paquet exceptionnel composé de chômage partiel facilité, d’allocations pour perte de gain et de crédits garantis accordés en urgence. Sans ce soutien, la situation serait sensiblement plus sombre dans de nombreuses régions. Les mesures de la NPR n’ont naturellement pu avoir que des effets complémentaires. La possibilité créée rapidement de reporter le remboursement des prêts NPR et de l’aide aux investissements dans les régions de montagne (LIM) a toutefois fait augmenter les liquidités de nombreux porteurs de projets et réduit ainsi la pression économique.

Étant donné les heures supplémentaires accomplies par de nombreux responsables NPR en cette période difficile, il ne faudrait pas oublier l’énorme défi qu’a représenté le maintien du fonctionnement opérationnel de la NPR durant le confinement. Nombre de séances, d’ateliers et de réunions ont dû être réorganisés d’urgence pour avoir lieu à distance ou ont dû être annulés. Pas mal de choses ont été retardées, parce que la communication numérique ne convient pas pour tout, ou ont dû être reportées à plus tard. Mais au total, les personnes impliquées dans la NPR ont appris énormément en peu de temps. En tant qu’organisation, la NPR a continué de bien fonctionner même dans les moments les plus difficiles.

regiosuisse.ch/crise-du-coronavirus-nprmehr-uri.chfavj.ch/c19/

Le virus comme accélérateur de l’innovation

Auswirkungen der Corona-Krise auf Schweizer KMU. Sebastian Gurtner, Nadine Hietschold. BFH Gestion, 2020 (en allemand).