Pour préserver et entretenir ses paysages, le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut a misé principalement sur l’économie alpestre et le maintien de savoir-faire ancestraux qui font son identité. Il a réalisé des actions en faveur de la biodiversité qui ont par la même occasion amélioré la qualité paysagère et planche sur une toute nouvelle Stratégie paysage. Le paysage constitue la ressource principale de ces régions et joue un rôle déterminant pour leur développement. Les activités touristiques sont directement liées à la qualité du paysage, lequel est un aspect important pour la commercialisation des fromages AOP Gruyère d’alpage, L’Étivaz et le Vacherin fribourgeois.
À l’intersection entre les cantons de Fribourg, Vaud et Berne, dans une zone de montagnes des Préalpes, 630 km² forment le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Fondé en 2012, le Parc implique aujourd’hui 17 communes situées entre Montreux, Gstaad et Gruyères. Son territoire s’étend donc des bords du Léman jusqu’à des sommets de 2500 m d’altitude. Selon François Margot, ingénieur agronome et co-coordinateur du parc: «Cette différence altitudinale nous offre une grande diversité faite d’une mosaïque de zones d’herbage et de forêts, parsemée de zones bâties, d’habitations, mais aussi de rochers et de zones plus naturelles bien présentes surtout dans la partie sud du Parc à haute altitude.»
Le paysage, l’élément clé de la valorisation économique
Ce paysage représente la ressource primaire de la région et joue un rôle fondamental dans le développement régional. «La population locale y est très fortement attachée. C’est un élément indéniable de la qualité de vie des habitants qui leur donne envie de vivre et s’investir dans la région», indique celui qui a été secrétaire régional de l’association de développement économique régionale du Pays-d’Enhaut pendant 30 ans. Toutes les activités touristiques sont également directement liées à la qualité paysagère du lieu. Les touristes sont principalement attirés par le paysage et le patrimoine culturel immatériel, ces traditions vivantes qui font l’identité de ces régions. «Pour moi, ces deux éléments sont fortement imbriqués, car le paysage donne la possibilité d’une valorisation économique de nos produits traditionnels. C’est ce qui permet au Gruyère d’alpage AOP, à L’Etivaz AOP et au Vacherin fribourgeois AOP de se différencier de fromages qui viendraient de l’industrie, ce qui leur donne un avantage comparatif.»
De fait, le paysage du Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut est considérablement marqué par mille ans d’occupation paysanne. L’agriculture et l’économie alpestre y sont encore très actives et continuent à influer sur le paysage. «Soutenir l’agriculture traditionnelle, c’est notre meilleur moyen de conserver le paysage.» Les propriétaires de terrains sont les principaux acteurs pour maintenir les clairières, les lisières, les paysages ouverts, mais aussi la qualité du bâti avec les éléments typiques du paysage régional que sont les bâtisses aux toits recouverts de tavillons (tuiles de bois) ou les murs en pierre sèche.
L’accompagnement à la création de réseaux écologiques dans l’agriculture dans chacune des quatre régions qui le forment a été dès le départ une priorité pour le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut. Il a ensuite été mandaté par les associations agricoles régionales pour mettre en place un projet de qualité du paysage donnant droit à des paiements directs complémentaires par l’Office fédéral de l’agriculture. «Nous avons été pionniers avec cet engagement. Ce projet contribue à maintenir les paysages ouverts et à diversifier les éléments boisés dans nos paysages agricoles.»
Favoriser la biodiversité et améliorer la qualité paysagère
Afin de sélectionner, orienter et promouvoir ses projets notamment, le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut utilise régulièrement des instruments de la politique paysagère suisse. «L’inventaire des paysages d’importance fédérale (IFP) ou cantonale réalisé récemment par le canton de Fribourg, les inventaires des sites construits à protéger (ISOS) ou les inventaires des biotopes sont des bases de planification sur lesquelles nous nous appuyons, mais aussi des leviers d’action pour susciter des applications concrètes auprès des communes par exemple.»
Pour l’instant, les mesures paysagères directement mises en œuvre par le Parc ont été plutôt occasionnelles. Par contre, des actions conduites en faveur de la biodiversité ont par la même occasion eu un impact positif sur la qualité du paysage. Citons des mesures de renaturations des eaux, la plantation de plus de 900 arbres fruitiers à haute-tige ou encore une campagne de création de haies.
La restauration de deux châtaigneraies au-dessus de Villeneuve fait aussi partie des actions réalisées par le Parc. En 2012, 2,4 hectares de forêt sont réaménagés grâce à une aide financière venant principalement du Fonds suisse pour le paysage, mais également de subventions cantonales et fédérales et de la vente du bois coupé sur le terrain. Afin de pérenniser la châtaigneraie, le Parc a créé une association de 17 propriétaires chargée d’organiser les travaux d’entretien et de s’assurer de la longévité du lieu.
Mise en place d’une Stratégie paysage
Après bientôt dix ans d’existence, le Parc arrive au terme de la validité de sa Charte, contenant les grands axes de travail, les champs d’action et le positionnement du Parc par rapport aux autres acteurs et institutions de la région. «Nous avons demandé le renouvellement de notre reconnaissance fédérale en tant que parc naturel régional pour les dix ans à venir et travaillons sur l’établissement d’une nouvelle Charte. Nous avons notamment prévu de mettre en place une Stratégie paysage et donc d’élaborer activement des projets de qualification paysagère.» Des demandes de financement sont en cours pour démarrer dès cette année des projets de restauration de sentiers et de murs dans l’IFP du Vanil Noir. Dans le cadre de ce renouvellement, il est prévu que quatre autres communes des cantons de Berne, de Fribourg et de Vaud rejoignent le Parc – un indice de son attractivité pour la population. La stratégie passera également par une mise en avant de la thématique du paysage dans les politiques communales et le débat public. L’objectif étant de donner une place explicite au paysage, qui n’occupe encore bien souvent que le second plan.
L’impact économique du Parc
Bien que difficiles à cerner, on estime que les retombées économiques globales cumulées sur sept ans (2011-2018) s’élèvent à 25 000 000 francs. Ce chiffre comprend aussi bien les retombées directes et indirectes que des retours en termes d’image. Le Parc génère un apport important de financements cantonaux et fédéraux pour la réalisation de son programme d’actions. Il donne également accès à des financements complémentaires auprès de fondations et autres partenaires. La grande majorité de ces ressources financières sont dépensées dans le territoire du Parc et permettent le développement de diverses activités économiques.
Le Parc a par exemple créé des offres touristiques comme des conférences, ateliers, visites et autres animations. Elles entraînent des revenus pour les partenaires et prestataires de la région (hôtels, chambres d’hôte, restaurants, commerces, producteurs, accompagnateurs en montagne); environ 4500 visites en sept ans, avec 150 000 francs versés aux prestataires. Il a des collaborations régulières avec les Offices du tourisme régionaux environnants dont celui de Gstaad ou avec la Communauté d’intérêt touristique des Alpes vaudoises pour coordonner leurs activités.
Des accords de partenariat sont aussi établis avec quatre associations de développement économique régional. Le Parc coopère notamment très régulièrement avec l’association Pays-d’Enhaut Région au sujet de la marque déposée «Pays-d’Enhaut Produits Authentiques» et de la marque «Parc». Il est aussi en charge du développement de la filière bois.
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