Vacances plus lentes, plus légères, plus locales

Jana Avanzini

Au cours des dernières années, on a moins pris l’avion à cause de la pandémie. On a passé plus fréquemment les vacances à la maison ou à la montagne près de chez soi plutôt que sur une plage bordée de palmiers. Mais tant après qu’avant la pandémie, la tendance en Suisse est aux voyages toujours plus lointains et polluants. Le trafic aérien joue un rôle central dans les émissions liées à la mobilité: il est responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre. Le trafic de loisirs représente en outre l’un des facteurs les plus importants du trafic individuel motorisé.

Afin d’améliorer l’efficience énergétique de la mobilité de loisirs, l’Académie de la mobilité du Touring Club Suisse (TCS) a entrepris, avec le projet «bleib hier», de développer des offres locales attractives. Ce projet avait pour but de promouvoir des voyages plus lents, plus légers et plus locaux. Il s’est concentré pour cela sur des offres de vacances en Suisse, d’excursions dans la région ou de camping avec vélos. «bleib hier» a beaucoup misé sur les vélos électriques et les vélos-cargos, les carvélos. L’offre incluait des tours en carvélo à travers la Suisse, des offres de vacances en famille avec hébergement, de camping, ainsi que des micro-aventures avec des vélos-cargos.

Les résultats après trois ans montrent que toutes les offres n’ont pas trouvé un public, mais les offres de camping avec vélocargo ont eu du succès et seront proposées et développées dans les campings TCS de toute la Suisse. D’autres offres en revanche ont été supprimées. Il a néanmoins été possible de tirer des leçons du projet pour de nouvelles offres et de nouveaux développements, notamment en termes de partenariats prometteurs et de communication.

bleibhier.ch

suisseenergie.ch/encouragement-de-projet/como/

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Objectif en vue grâce à un rythme plus lent

Jana Avanzini

Il y a vingt ans que l’idée de l’Écoparc de Daval est née à Sierre (VS), sur une surface équivalente à environ trente terrains de football. Son développement vise à promouvoir l’économie circulaire. Les entreprises qui s’y sont installées jusqu’à présent ne sont pas plus d’une douzaine, bien que la demande soit bien plus importante. Ce nombre réduit n’est pas dû à un manque d’intérêt, bien au contraire, mais aux critères de sélection que les PME candidates doivent remplir pour participer à cette communauté d’entreprises. Celles-ci doivent travailler de manière durable et équitable, être prêtes à élargir leurs points de vue et à exploiter les synergies avec leurs voisines. Elles sont notamment tenues de créer des espaces verts sur leurs parcelles.

L’utilisation de l’énergie solaire est recommandée et l’un des objectifs est d’accroître l’efficience énergétique sur l’ensemble du parc au fil des années. C’est ainsi par exemple que les déchets d’une entreprise doivent devenir la source d’énergie des autres. Les entreprises de l’Écoparc de Daval bénéficient de systèmes communs de gestion des déchets, d’un service postal ou d’un service de conseil en matière de construction. Il est possible de partager des systèmes de logistique et de sécurité et d’utiliser des cantines ou des offres de garderie communes, ce qui illustre que le préfixe «éco» signifie non seulement écologique, mais aussi économique.

Mickaël Yonnet, David Pasquiet und Laura Blardone, David Chocolatier © regiosuisse

Le paradis ne se crée pas facilement: il a au contraire besoin d’une longue phase de démarrage et de quelqu’un qui se charge de la coordination. Car établir le contact avec les entreprises voisines, faire leur connaissance et parler avec elles des potentiels de synergies demande du temps – un temps que de nombreuses entreprises n’osent pas prendre dans une perspective à court terme. Or tout ceci est extrêmement payant à long terme, s’accordent à dire l’expert Benoît Charrière, responsable Communautés du savoir-faire auprès de regiosuisse, et Stéphane Revey, responsable promotion économique de Sierre.

sierre.ch/fr/ecoparc-daval-2042.html

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«L’avenir sera circulaire»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Comment intégrer la circularité dans l’économie et la société et la promouvoir spécifiquement comme un modèle de développement durable porteur d’avenir? Quelles opportunités particulières offre-t-elle à l’économie régionale? regioS s’est entretenu de ces questions avec Marie-Amélie Dupraz- Ardiot, sustainability manager et responsable de la Stratégie de développement durable du canton de Fribourg, Antonia Stalder, directrice de Prozirkula, ainsi que Tobias Stucki, professeur d’économie et codirecteur de l’Institut Sustainable Business de la Haute école spécialisée bernoise, département gestion.

regioS: L’économie circulaire est un concept assez ancien. En Suisse, la campagne de la Confédération sur les déchets en avait déjà abordé certains aspects dans les années 1990. Pouvonsnous donc aujourd’hui nous fonder sur ce qui existe ou repartons-nous de zéro?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Le concept d’économie circulaire est aujourd’hui plus essentiel que jamais. Nous pouvons certes nous fonder sur ce qui existe, mais nous devons en faire nettement plus que jusqu’à présent. Nous ne pouvons pas aborder uniquement le recyclage, mais nous devons développer une perspective plus large où des thèmes comme éviter les déchets, réparer et réutiliser jouent un grand rôle.

Tobias Stucki: En général, nous avons encore trop peu intériorisé le raisonnement par cycles. Il faut réintégrer cette pensée dans nos esprits comme c’était la norme autrefois et comme c’est la norme aujourd’hui encore dans les pays pauvres. Un étudiant de Cuba a remarqué lors d’un cours: «L’économie circulaire, c’est comme nous vivons chez nous.»

Antonia Stalder: Il y a aussi chez nous un point d’ancrage, au moins historique. Les participants à nos formations racontent chaque fois que leurs grands-parents géraient encore leur maison de cette façon. Ils huilaient par exemple leurs meubles deux fois par mois pour pouvoir les utiliser le plus longtemps possible. D’une façon ou d’une autre, nous avons oublié cette gestion soigneuse. Nous ne nous intéressons plus à construire des objets de qualité durable et à les entretenir en conséquence. L’économie circulaire n’est effectivement pas seulement une question de recyclage, mais de valeurs. Celles-ci reposent sur le fait que les objets ne doivent pas simplement être neufs et chics, mais être d’assez bonne qualité pour être utilisés plusieurs fois et réparés sans limite – tout en paraissant encore plus beaux que les nouvelles acquisitions.

Où en est aujourd’hui la mise en oeuvre par rapport à l’objectif à long terme d’une économie circulaire axée systématiquement sur les ressources renouvelables et réutilisables?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Nous sommes encore très loin de l’objectif à long terme. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser pour pouvoir mettre en oeuvre l’économie circulaire. Tant que rien ne se passe dans nos têtes, les flux de matières ne cesseront pas d’augmenter dans notre économie. Nous devons nous rappeler tout ce que nous aurions pu apprendre de nos grandsparents.

Antonia Stalder: Dans la construction, nous utilisons par exemple chaque mois la quantité de matériaux qui permettrait de recréer la ville de New York de toutes pièces. Selon des pronostics, rien de décisif ne changera dans ce domaine d’ici à 2050.

Tobias Stucki: Nous venons de réaliser avec l’epfz un sondage représentatif auprès d’entreprises de Suisse. Les résultats montrent que seules quelque 10 % des entreprises se préoccupent déjà réellement de l’économie circulaire. Environ 40 % des entreprises n’ont, en revanche, mis en oeuvre aucune mesure au cours des dernières années pour accroître la durabilité écologique.

Est-il d’ailleurs possible de mettre en oeuvre l’économie circulaire en Suisse, vu que son économie est extrêmement intégrée dans les chaînes globales de création de valeur? Comment les entreprises peuvent-elles s’organiser pour devenir circulaires?

Tobias Stucki © regiosuisse

Tobias Stucki: La transformation circulaire présuppose dans la plupart des cas que l’on réfléchisse à toutes les chaînes d’approvisionnement et qu’il faille les réorganiser – en partie avec de nouveaux partenaires. La logistique n’est pas le problème majeur. Le véritable défi réside dans les produits eux-mêmes. La question centrale est de savoir quels matériaux et quelles substances il faut utiliser dans quels produits.

Antonia Stalder: Je ne crois pas que nous pourrons encore nous permettre à l’avenir les chaînes globales de création de valeur avec toutes leurs charges logistiques et à cette échelle. Aujourd’hui, nous produisons – le mot le dit – le long de chaînes, dites chaînes de création de valeur, qui sont linéaires en soi et non circulaires. Nous ne pourrons pas éviter à l’avenir de reconditionner, de réparer et de partager bien davantage de produits et d’appareils dans un cadre régional et local. Si au contraire nous développons encore nos transports globaux de marchandises, de gros problèmes nous attendent.

Tobias Stucki: En fin de compte, la mise en oeuvre d’une économie circulaire efficiente nous met face à un compromis: d’un côté, il est évidemment logique de fermer les cycles le plus localement possible; de l’autre ce n’est pas toujours possible techniquement. Nous aurons besoin à l’avenir d’une combinaison de cycles de création de valeur locaux, régionaux et globaux.

Comment évaluez vous, Madame Dupraz, les nécessités et les possibilités d’introduire l’économie circulaire dans notre système?

Marie-Amélia Dupraz-Ardiot © regiosuisse

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: L’économie circulaire deviendra tôt ou tard une part essentielle de l’économie, car elle est un facteur décisif de réduction des coûts et de compétitivité. Elle contribue en outre à la résilience, à une époque où les prix des matières premières augmentent rapidement et où il y a des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement. Vue sous cet angle, l’économie circulaire devient de plus en plus un facteur de résistance économique d’une région.

En existe-t-il un exemple réussi?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Dans le canton de Fribourg, nous avons développé une stratégie agroalimentaire qui se concentre beaucoup sur la mise en oeuvre d’une économie circulaire régionale et sur la mise en réseau des acteurs. Une des idées directrices est de recycler la biomasse secondaire.

Où se situent les points vraiment cruciaux de la mise en oeuvre?

Antonia Stalder: Pour les achats publics par exemple, le point crucial réside dans la complexité. Notre conseil essaie de la réduire à un niveau intelligible. Le besoin de ce type de conseil est important surtout dans les petites structures. Un canton dispose peut-être encore des ressources nécessaires, mais une commune est rapidement dépassée par cette question. Il manque certainement d’instruments pratiques de mise en oeuvre. Je pense à des listes de contrôle, à des critères d’adjudication obligatoires, à des bases de décision claires, etc. Le conseil et le centre de compétences de Prozirkula entendent y apporter une contribution.

Tobias Stucki: Les défis de l’économie privée sont analogues à ceux des marchés publics : les responsables connaissent certes, dans une certaine mesure, le concept d’économie circulaire, mais la mise en oeuvre dans leurs propres entreprises s’avère difficile. Il n’existe guère de solutions standard à cet effet. La plupart du temps, il n’est pas simple de développer l’approche individuelle demandée. À cela s’ajoute que la transition vers l’économie circulaire implique des coûts qu’il s’agit de financer.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Au niveau cantonal, nous avons certes les ressources pour développer le cadre stratégique, mais les connaissances nous manquent pour la mise en oeuvre. L’économie circulaire est un domaine interdisciplinaire dans lequel toutes les parties impliquées doivent collaborer. Elle ne fonctionne que si tout le monde se parle: la politique économique avec la politique agricole, la politique agricole avec la gestion des déchets. Un autre point crucial est de nature purement technique: la plupart des matériaux ne peuvent pas être réutilisés et recyclés autant de fois que l’on veut. Mais ils perdent en qualité après chaque cycle. La circularité est une possibilité de ralentir et de réduire la consommation de ressources, mais elle ne peut pas la stopper complètement.

Qui est particulièrement sollicité par la mise en oeuvre? Quels acteurs jouent-ils le rôle déterminant?

Tobias Stucki: Non seulement les producteurs, mais aussi les consommatrices et les consommateurs sont déterminants. Il faut aussi les sensibiliser pour que l’économie circulaire puisse réellement fonctionner. Ils et elles doivent être prêts à utiliser les produits plus longtemps et de façon circulaire. Les marchés publics jouent un rôle clé, par exemple lorsqu’il s’agit de financer des projets pilotes. Le secteur financier doit aussi jouer le jeu. Bien entendu, les élus sont également sollicités quand il faut définir les conditions-cadre appropriées. Comme pour la durabilité en général, il est inutile pour l’économie circulaire de se focaliser uniquement sur certains points. En tant que prestataires de formations, nous sommes en outre obligés de former les gens et de leur transmettre les connaissances nécessaires.

La Suisse dispose-t-elle déjà des conditions-cadre légales nécessaires?

Tobias Stucki: En fonction de nos objectifs: non ! Si on voit ce que l’UE fait en ce moment, nous sommes complètement en retard – bien que nous soyons prédestinés à jouer un rôle de pionnier vu la rareté de nos ressources et nos connaissances en matière d’innovation. Si nous ne commençons pas à travailler tout de suite et énergiquement sur nos conditions-cadres, nous courons le risque de prendre du retard en matière de connaissances par rapport à d’autres pays, retard que nous ne pourrons plus rattraper rapidement.

Antonia Stalder: Pour les marchés publics en particulier, nous aurions en fait suffisamment de marge de manoeuvre depuis janvier 2021 avec la révision de la loi sur les marchés publics. Il serait intelligent et utile d’exploiter cette marge de manoeuvre et de créer de toutes pièces les projets correspondants. Il faut bien entendu encore adapter les conditionscadres, mais on pourrait déjà maintenant en faire beaucoup plus que ce qui se fait en réalité.

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Comme Monsieur Stucki l’a mentionné, nous aurions pu jouer un rôle de pionnier en Suisse il y a quelques années. Maintenant, l’UE est déjà beaucoup plus avancée et certains pays comme la France ont davantage de bases légales que la Suisse.

Où dans la législation pourraiton et devrait-on ne plus faire les choses à moitié?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: On pourrait faire beaucoup dans le cadre de la révision en cours de la loi sur la protection de l’environnement. La Confédération a mis la révision en consultation. Le canton de Fribourg a proposé d’aller plus loin que la proposition sur plusieurs points. Les conditions-cadres légales importantes sont celles que nous pourrons effect ivement met tre en oeuvre par la suite. Je me demande si nous disposons déjà de suffisamment de personnes qualifiées qui ont les connaissances et les compétences nécessaires. Il y a sans aucun doute encore un besoin assez important de formation et d’éducation.

Tobias Stucki: En Suisse, nous misons énormément sur le principe du volontariat. L’UE fait résolument un pas supplémentaire et essaie de réglementer clairement l’économie circulaire. Il y a des prescriptions qui obligent les entreprises à évoluer réellement. Celles qui ne font rien doivent s’attendre à des sanctions.

Antonia Stalder: Davantage de directives et un peu plus d’obligations nous feraient certainement du bien. Lorsque nous nous en tenons au volontariat, nous restons en général assez lents.

Élément essentiel d’un développement durable, l’économie circulaire est montée en très bonne place dans l’agenda de la Nouvelle politique régionale (npr). Dans quels domaines voyezvous des opportunités ou avantages particuliers de mettre en oeuvre avec succès l’économie circulaire dans les régions?

Antonia Stalder © regiosuisse

Antonia Stalder: Une fois établies, les solutions circulaires ont le potentiel d’être fondamentalement meilleures en termes économiques et écologiques que les solutions linéaires. L’économie linéaire détruit des valeurs en jetant des objets qui seraient encore précieux. Si on s’écarte de cette pratique et que l’on met au premier plan la préservation de la valeur, on gagne sur toute la ligne, peu importe que ce soit en ville ou en région rurale. À cela s’ajoutent d’autres avantages tels que sécurité d’approvisionnement et résilience. Récemment, nous avons eu le cas d’un fabricant désespéré d’automates à café qui nous a dit: «Indiquez- moi la plus grande décharge d’Allemagne, j’y enverrai dix de mes collaborateurs pour qu’ils retrouvent nos appareils et extraient les puces. Nous pourrons ainsi produire trois mois de plus et survivre.» La région peut donc devenir la plaque tournante de l’économie circulaire.

Madame Dupraz, comment apportez-vous l’économie circulaire précisément aux régions du canton de Fribourg?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: Ma tâche principale est de sensibiliser les différentes politiques sectorielles du canton aux défis de la durabilité, ce qui nécessite une culture de l’interdisciplinarité. Une personne qui travaille dans la politique économique doit donc aussi penser aux aspects écologiques et sociaux, et vice versa. Nous essayons de lancer, avec des participants de tous les domaines de l’administration, des projets qui incarnent cette culture de l’interdisciplinarité.

Monsieur Stucki, les entreprises conçoivent-elles l’économie circulaire comme une opportunité ou comme une charge pénible?

Tobias Stucki: Il y a des entreprises qui se soucient déjà de l’économie circulaire et agissent en conséquence, justement parce qu’elles y voient des opportunités. De nombreuses autres y flairent surtout des risques et des dangers. Mais il y a maintenant dans toutes les branches des entreprises phares qui démontrent que cette économie fonctionne. Pour dissiper les craintes, on devrait les mettre encore davantage en vitrine. Il ne s’agit pas seulement de la gestion soigneuse et efficiente de ressources qui deviennent de plus en plus rares. Une économie qui ne comprend pas cela et qui n’est pas prête à en tirer les conséquences ne sera un jour plus compétitive.

Avons-nous besoin de signaux supplémentaires du monde politique pour établir l’économie circulaire chez nous?

Marie-Amélie Dupraz-Ardiot: La situation actuelle des goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement contribue à ce que de nombreuses entreprises prennent réellement conscience, pour la première fois, de l’importance d’une gestion efficiente des ressources. La pénurie a probablement plus d’effets que nombre de moyens de pression politiques. J’espère en même temps que la modification de la loi sur la protection de l’environnement apportera quelque chose, y compris aux régions. Dans le canton de Fribourg, nous essayons avec cette nouvelle perspective d’élaborer un plan de gestion des déchets qui soit plus global et qui aborde l’ensemble de l’économie circulaire, bien au-delà du recyclage.

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Un Plan directeur intercommunal au service du développement touristique

Nathalie Jollien

Dans les Alpes valaisannes, les communes voisines de Crans-Montana, Icogne et Lens ont un taux de résidences secondaires de 62 %. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur les résidences secondaires (LRS) dite Lex Weber en janvier 2016, quasiment aucune résidence secondaire n’a pu y être construite. Au nom des trois communes, Thomas Ammann, responsable d’Arcalpin, un bureau de planification spécialisé dans les régions de montagne, souligne: «Après une difficile phase d’adaptation, les communes gèrent, à l’heure actuelle, plutôt bien la plupart des aspects de la LRS, notamment la construction des résidences principales en exigeant des preuves pour des acquéreurs domiciliés. Pour les hôtels et locations pour séjour de courte durée en revanche, j’estime que la LRS pose encore de sérieux problèmes aux communes touristiques en montagne. La possibilité de transformer d’anciens hôtels en résidences secondaires est considérée comme une véritable incitation à les abandonner.»

Instrument de planification et de coordination, le Plan directeur intercommunal (PDi) mis en place par les trois communes est un outil d’aménagement du territoire efficace pour gérer les implications de la nouvelle LRS. Il a permis aux communes de clarifier l’application de cette loi et de poser de conditionscadres précises pour favoriser les constructions de nouvelles structures hôtelières et la sauvegarde des hôtels existants. Les besoins prévisibles pour les nouveaux complexes hôteliers ont été inventoriés. Les emplacements idéaux pouvant les accueillir ont été déterminés et indiqués sur les plans de zone des communes. Ces secteurs pourront à l’avenir héberger uniquement des complexes hôteliers. Les hôtels existants qui relèvent d’une certaine importance pour la station sont sauvegardés par des mesures d’aménagement du territoire et leur rénovation est facilitée.

cransmontana.ch

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Jeunesse et développement régional

Lukas Denzler

De jeunes adultes développent des idées pour leur région au sein du Next Generation Lab de regiosuisse. On y teste aussi de nouvelles approches comme le «design thinking». Les premières expériences faites avec ce format sont prometteuses. Un bon accompagnement assuré par des coachs en innovation et des mentors qui connaissent bien la région est déterminant. Ce processus pourrait servir de générateur d’idées pour les régions. Des efforts supplémentaires sont toutefois nécessaires pour une mise en œuvre concrète des idées de projets.

Les orientations prises aujourd’hui modèlent l’avenir que vivra la prochaine génération. Mais comment associer de jeunes adultes à la planification du futur – des personnes de la génération Z nées au tournant du millénaire et faisant partie des «digital natives»? regiosuisse s’est fixé pour objectif d’associer activement des personnes de cette génération à la conférence «Suisse 2040: développement régional et territorial de demain – tendances, visions et domaines de développement», prévue à l’origine pour avril 2020. Un atelier dédié devrait offrir une plateforme aux jeunes adultes et à leurs idées lors de la conférence.

Rallier des jeunes pour l’avenir de la région

L’idée est séduisante. Mais comment enthousiasmer des jeunes pour une conférence spécialisée sur l’avenir du développement régional? Ce que de plusieurs organisateurs avaient pressenti s’est confirmé. «Il a été extrêmement difficile d’attirer de jeunes adultes avec ce thème, indique Thomas Probst, de regiosuisse, nous avons dû reconnaître que nous ne disposions en fait d’aucun accès aux jeunes.» Grâce à d’importants efforts ainsi qu’au soutien d’organismes de développement régional et de hautes écoles, ils ont finalement réussi à obtenir la participation de sept équipes à la conférence. Le corona­virus a toutefois causé du tort au projet.

© regiosuisse

En dépit de la pandémie, les initiateurs ont décidé de poursuivre le projet pilote de Next Generation Lab en 2020. Des équipes de trois ou quatre jeunes adultes devaient développer des idées de projets pour leur région dans le cadre d’un format innovant et créatif. L’approche du «design thinking» comprend des méthodes issues du management de l’innovation et du milieu des start-ups. Elle met l’accent sur les besoins et les motivations des usagers. Voici ses trois mots d’ordre: créativité, ouverture, multidisciplinarité. Quatre équipes (de la Region Prättigau/Davos, de Thurgovie, du Haut-Valais et du Bas-Valais) ont participé à la première journée, appelée «design sprint». Chaque équipe a été encadrée par un coach en innovation et par un-e mentor de sa région. Chacune s’est retrouvée sur place dans sa région. Les échanges avec les coachs et les mentors ont eu lieu virtuellement, de même que l’évaluation des idées de projets par un jury composé d’un représentant du SECO, d’une représentante de l’ARE et d’un représentant de regiosuisse.

Offre touristique et vente directe

Les résultats de la première journée ont été convaincants. Les quatre équipes auraient pu approfondir leurs idées lors d’une seconde journée dans le cadre d’un «deep dive». Mais des raisons personnelles comme le début de nouvelles formations et des changements de domicile ont eu pour conséquence que seules deux équipes ont poursuivi le travail. Celles-ci ont développé à cette occasion des modèles d’affaires et des plans de mise en œuvre. L’équipe du Bas-Valais a combiné son idée avec une offre touristique du val d’Hérens: elle prévoit de faire connaître aux visiteurs les beautés et les curiosités culturelles de la vallée à l’aide d’un tour en bus. Le groupe de Frauenfeld souhaite rapprocher les producteurs régionaux des consommateurs et vise ainsi la vente directe des produits en milieu urbain et la dynamisation des circuits courts.

Vlnr.: Sarah Michel, Raphael Zingg, Simon Vogel, Ina Schelling © regiosuisse

«C’était exigeant, mais nous avons finalement obtenu un résultat», déclare Simon Vogel, du groupe de Frauenfeld. Il a beaucoup appris grâce au processus très professionnel. Ils ont réfléchi à ce qui est produit dans le canton. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer en ville une offre de produits agricoles de la région – au-delà du marché hebdomadaire. «Nous voulons contribuer à façonner la région», explique Simon Vogel en esquissant la motivation des membres de son groupe. Professionnellement, il travaille comme assistant scientifique dans le domaine de l’électrotechnique auprès de la zhaw, Winterthour, et siège aussi au Grand Conseil du canton de Thurgovie depuis quelques mois.

Brigitte Fürer, directrice de Regio Frauenfeld jusqu’à cet été, a encadré le groupe lors de la première journée en qualité de mentor régional. «Regio Frauenfeld a toujours été ouverte aux projets menés avec des jeunes», indique-t-elle. Le développement régional et le développement durable vont de pair et concernent toujours aussi la jeune génération. Une initiative comme le Next Generation Lab donne de nouvelles impulsions et de l’inspiration. «Il incombe maintenant à la région de reprendre l’idée et de la développer», estime-t-elle.

Sherine Seppey a participé au Next Generation Lab avec deux collègues. Toutes trois ont choisi le val d’Hérens parce qu’elles connaissaient déjà la vallée. La première journée a été très productive. «L’encadrement nous a aidées à nous concentrer sur le cœur de notre idée », commente l’étudiante de la hes-so Valais. Lors de la deuxième journée, on a précisé l’idée et esquissé les étapes d’une réalisation. Elles ont trouvé un partenaire potentiel qui pourrait envisager d’intégrer leur proposition dans son offre touristique.

De l’idée à la mise en œuvre

L’idée de projet est réaliste, estime François Parvex, expert du développement communal et régional qui a encadré l’équipe Bas-Valais à Sion. «Les jeunes ont des idées, mais n’ont pas l’habitude de les mettre en œuvre dans le cadre d’un projet», explique-t-il. Ils ont vécu le Next Generation Lab comme un jeu formateur. Selon François Parvex, les responsables du développement régional pourraient utiliser ce format pour des concours d’idées. Il songe à une sorte de générateur d’idées pour les régions. Il faudrait ensuite mettre à disposition un capital financier de départ pour concrétiser et mettre en œuvre les idées.

Le membre du jury Maria-Pia Gennaio Franscini, coresponsable des «Projets-modèles pour un développement territorial durabl» auprès de l’Office fédéral du développement territorial (ARE), a en général affaire à des spécialistes. Elle était donc curieuse de voir comment s’organiserait la collaboration avec des jeunes. Voici sa conclusion: «Le degré d’engagement des participants a été impressionnant.» Elle pourrait aussi envisager à l’avenir d’intégrer activement les jeunes et les expériences faites avec différentes méthodes et approches dans les projets-modèles pour un développement territorial durable.

Sherine Seppey et François Parvex © regiosuisse

«Le Next Generation Lab est un très bon levier pour sen­sibiliser les jeunes au développement de leur région», juge Sherine Seppey. On ignore encore quelle suite sera donnée à l’idée développée par son groupe. Cela dépend de ce que l’on attend de la jeune génération, conclut Simon Vogel, du groupe de Frauenfeld. «La génération d’idées fonctionne bien.» Mais leur mise en œuvre avec des jeunes est peu réaliste, car ceux-ci sont encore en formation ou très engagés dans d’autres domaines. Il sera peut-être possible de réaliser une idée dans le cadre d’une initiative existante. Simon Vogel est convaincu que leur «idée irait très bien avec un concept de possible reconversion de la caserne de Frauenfeld». Judith Janker, directrice de Regio Frauenfeld depuis septembre, souhaite elle aussi poursuivre le développement de cette idée. Le thème choisi répond à l’esprit du temps. L’idée aurait dû être présentée fin octobre lors du 25e anniversaire de Regio Frauenfeld. Mais il a fallu reporter cette fête au printemps prochain à cause de la situation sanitaire.

«Tant à Frauenfeld que dans le Bas-Valais, les équipes ont développé des modèles d’affaires concrets en deux jours. Elles ont ainsi atteint un stade nettement plus avancé que celui auquel nous nous attendions lors de la conception du Next Generation Lab», commente Thomas Probst, membre des initiateurs. Il s’agit maintenant d’examiner comment les plans peuvent aboutir à une mise en œuvre, ce qui requiert l’intervention non seulement des jeunes adultes, mais aussi des acteurs expérimentés des régions.

Next Generation Lab: Design your future!
Dans un laboratoire, nous développons de nouvelles idées et les testons. De nouveaux procédés sont expérimentés pour continuer de développer certaines idées ou en rejeter d’autres. Grâce à la créativité et au travail d’équipe, les idées retenues sont améliorées. C’est exactement comme cela que fonctionne le Next Generatio Lab – un laboratoire d’innovation pour développer des idées. Ici, regiosuisse teste une approche de co-création dans l’espace virtuel: regiosuisse.ch/fr/next-generation-lab

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«Un changement culturel est nécessaire, tant au sein des entreprises que de la population.»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Quelles sont les opportunités que les nouvelles formes de travail flexibles offrent aux espaces ruraux et aux régions de montagne? Deux experts et une experte de l’aménagement du territoire et du développement régional ont discuté de cette question lors d’une vidéoconférence: Rahel Meili, cheffe de projet au Centre régional et économique du Haut-Valais SA, Peder Plaz, directeur du Forum économique des Grisons, et Daniel Studer, initiateur et président de la coopérative responsable de la «Plattform Haslital». Voici leur conclusion: les formes de travail flexibles offrent des possibilités de développement non seulement économique, mais aussi social, à condition que chaque région développe des solutions autonomes.

regioS: Faute de données, on ne peut actuellement que spéculer sur l’importance des changements structurels résultant des formes de travail flexibles pour l’espace rural et les régions de montagne. Rahel Meili, qu’observez-vous par exemple dans votre région, le Haut-Valais? Quelle importance y ont déjà les nouvelles formes de travail flexibles?

Rahel Meili: Ce thème n’apparaît que lentement dans le Haut-Valais. Il y a par exemple à Saas Fee une initiative qui vise à mettre en place un espace de co-working. Il est aussi question de co-working à Viège et à Brigue, mais ce sont des centres plus urbains. Si nous nous focalisons sur les régions de montagne, c’est Fiesch qui me vient à l’esprit. Un centre d’affaires comprenant notamment un espace de co-working y sera construit. Il est aussi partout question de numérisation, par exemple avec le projet Interreg « Smart Villages » du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) auquel participent aussi quelques communes haut-valaisannes.

Les formes de travail flexibles constituent-elles déjà un facteur économique dans le canton des Grisons?

Peder Plaz: Il n’existe pas encore de statistiques pour la Suisse. Mais nous observons depuis 10 à 15 ans une migration des personnes âgées. De plus en plus de gens vont vivre leur retraite à la montagne. Il s’agit de personnes qui souhaitent revenir dans leur région d’origine pour leurs vieux jours, ou qui choisissent un appartement de vacances comme résidence permanente.

Peder Plaz © regiosuisse

Quelle est l’importance de la «Plattform Haslital», déjà établie à Meiringen?

Daniel Studer: Il serait exagéré de déjà parler d’un facteur économique. Je constate toutefois que notre situation n’est pas mauvaise du tout suite aux évaluations de la demande que nous avons faites pour préparer le projet «Plattform Haslital». Nous comptons aujourd’hui plus d’une douzaine d’abonnés – c’est ainsi que nous appelons les usagers de la plateforme – qui y entrent et sortent régulièrement. Ce chiffre comprend aussi la start-up innovenergy, qui a son siège principal auprès de la plateforme et emploie maintenant plusieurs personnes. Nous observons qu’une interconnexion passionnante se produit entre personnes provenant de différents sites, de différentes branches et qui bénéficient de différents types de contrats de travail. Nous en sommes ravis, puisque cette mise en réseau fait partie de notre concept, et nous y voyons un grand potentiel de développement.

En quoi est-il utile aux régions de montagne d’attirer de nouveaux habitants grâce aux formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En principe le fait que davantage de gens habitent, consomment et paient des impôts sur place constitue un bénéfice pour une région. C’est également un avantage que les villages soient animés toute la journée et non uniquement aux heures de pointe.

Peder Plaz: Le tourisme constitue la colonne vertébrale économique des Alpes centrales, trop éloignées pour les pendulaires des villes. Mais il a eu des ratés au cours des trente dernières années. Dans cette situation, le nouveau phénomène de légère flexibilisation du poste de travail, qui peut aussi être aménagé par exemple dans une résidence secondaire de cet espace alpin, arrive à point nommé. Il suscite l’espoir que l’importance économique du tourisme commercial puisse évoluer en direction de l’économie résidentielle. Les résidences secondaires sont un thème important à cet égard. Les forces se déplacent lorsque les propriétaires de résidences secondaires se rendent à la montagne non seulement pour skier, mais aussi pour travailler. Aux skieuses et aux skieurs qui travaillent accessoirement sur leur lieu de vacances se joignent les personnes âgées déjà citées qui font de leur résidence secondaire leur domicile principal. Il sera toutefois encore plus déterminant de réussir à recruter aussi des familles comme résidents des régions de montagne grâce aux formes de travail flexibles. Nous avons vu pendant la pandémie du coronavirus que les conditions numériques sont réunies. Il y a toute-fois des insuffisances et des lacunes dans les structures sociales, par exemple dans l’accueil des enfants. Les deux parents souhaitent en outre trouver un travail qualifié à une distance raisonnable de leur domicile.

Rahel Meili: Le résultat d’une étude de l’Université de Bâle montre que ce sont plutôt des gens bien formés venant de certaines branches comme la finance et les assurances qui peuvent travailler de manière flexible. Si nous voulons cibler ces gens, nous devons analyser précisément leurs besoins. Nous devons savoir s’ils ont besoin d’autres infrastructures que des crèches, afin qu’ils se sentent vraiment bien en région de montagne et souhaitent aussi y travailler. Que souhaitent-ils précisément : désirent-ils vraiment un espace de co-working spécifique ou préfèrent-ils un café de co-working où ils boivent un café quand ils en ont envie, travaillent deux heures, puis peuvent retourner dans leur appartement de vacances ? Cette analyse des besoins doit encore se faire beaucoup plus en profondeur.

Quels sont les facteurs de succès de la «Plattform Haslital», qui a visiblement bien démarré?

Daniel Studer: À la différence de l’Engadine, le Haslital ne dépend pas que du tourisme. Il existe aussi d’autres branches à Meiringen et dans les communes avoisinantes. Nous avons tenu compte de cette structure économique mixte lors de l’analyse des besoins. En regardant la statistique des pendulaires, nous avons constaté qu’il y a à Meiringen environ 190 pendulaires sortants qui consacrent plus d’une heure par trajet vers leur lieu de travail. Dans notre cas, ils vont plus loin que Thoune. Ils travaillent par exemple un ou deux jours par semaine à Berne, à Lucerne ou à Zurich et trois ou quatre jours à Meiringen. Nous avons ciblé ces pendulaires de longue distance et plusieurs d’entre eux sont maintenant abonnés à la plateforme. Pendant la phase de conception, nous avons pris conscience qu’un espace de co-working ne doit pas seulement être pratique. L’essentiel est d’offrir une bonne atmosphère, et la décoration des locaux peut y contribuer fortement. Nous tenions également à apporter un peu d’urbanité dans le centre rural. J’entends par là surtout une certaine densité ou diversité sociale et de nouvelles histoires. Nous essayons de réaliser cet objectif en proposant des lieux de rencontre, des événements culturels et sociaux, des conférences, des séminaires, des expositions, etc. Un avantage essentiel de notre offre est de réduire le trafic pendulaire. Nous contribuons ainsi à la protection du climat et améliorons la qualité de vie des pendulaires.

Daniel Studer © regiosuisse

regioS: Dans le Haut-Valais, comment déterminez-vous les groupes cibles potentiels et par quel moyen essayez-vous de les atteindre?

Rahel Meili: Nous devons discerner si les gens vivent réellement en région de montagne et y ont leur domicile principal ou s’ils ne souhaitent n’y accomplir qu’une partie de leur travail. Pour les gens qui souhaitent réellement vivre en région de montagne, nous essayons d’améliorer la qualité de vie sur place. Il faut surtout de bonnes infrastructures sociales. Pour les co-workers et les télétravailleurs qui séjournent plutôt temporairement à la montagne, l’offre touristique et les possibilités de détente restent importantes. Les touristes journaliers souhaitent qu’il y ait des casiers à la gare pour y déposer leur ordinateur pendant qu’ils font du ski de fond ou de la randonnée, puis pouvoir encore travailler deux heures dans le train quand ils rentrent à la maison.

Monsieur Plaz, comment vous adressez-vous aux résidents potentiels venant de la plaine?

Peder Plaz: Je distinguerais trois groupes. Il y a ceux qui utilisent l’espace de co-working pendant leurs vacances, par exemple à Laax, et n’attendent pas d’autres infrastructures. Pour les retraités, il s’agit avant tout de créer une culture de l’accueil. Les régions de montagne doivent faire comprendre aux seniors que leur présence est désirée. Elles doivent en outre leur offrir un bon accès aux soins de santé, y compris aux soins à domicile. Le taux d’imposition est aussi un critère décisif pour que quelqu’un soit disposé à transférer son domicile. Le plus difficile est de s’adresser au troisième groupe, celui des familles. Car la seule chose que les régions de montagne peuvent leur offrir à coup sûr est l’infrastructure numérique. De bons emplois pour les deux parents constituent souvent le point crucial. Dès que des enfants entrent en jeu, la question se pose aussi de savoir si les parents souhaitent les scolariser dans le canton des Grisons ou peut-être de préférence dans celui de Zurich. Ce choix dépend des passerelles existant dans le système de formation. Nous ne sommes qu’au début du recrutement des familles. Nous avons aussi besoin pour cela d’une prise de conscience et d’un changement culturel. Nous devons créer une véritable situation d’accueil, au-delà d’une identité commune des indigènes et des nouveaux arrivants. Nous parlons ici d’aspects tels que droits de cogestion, droits de cofinancement, participation à la vie associative, etc.

Rahel Meili: La situation est un peu particulière dans le Haut-Valais, car nous enregistrons actuellement une très forte croissance économique dans la vallée principale. Des entreprises comme Lonza, Matterhorn Gotthard Bahn, Scintilla et Centre hospitalier du Haut-Valais créent de nombreux nouveaux emplois. La question qui se pose est de savoir comment non seulement les communes de la vallée, mais aussi les villages de montagne peuvent en bénéficier. Afin de rehausser l’attractivité de ces derniers et de les aider à intégrer de nouveaux résidents extracantonaux ou étrangers, le Centre régional et économique du Haut-Valais a lancé le programme de développement régional wiwa de concert avec ces entreprises, les communes, Valais/Wallis Promotion, la Chambre valaisanne de tourisme et Business Valais.

Rahel Meili © regiosuisse

Quels acteurs sont-ils particulièrement sollicités lorsqu’il s’agit de développer les formes de travail flexibles pour les régions de montagne et inversement d’équiper les régions de montagne pour les formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En tant que responsables du développement régional, nous pouvons créer les infrastructures nécessaires avec les communes et élaborer les business plans appropriés. Mais le plus important est qu’un changement culturel ait lieu dans l’économie. Les différentes firmes doivent prendre conscience que leurs employés peuvent aussi travailler plusieurs jours par semaine à l’extérieur de l’entreprise: à domicile ou ailleurs. Nous pouvons les sensibiliser à ce processus et communiquer les offres correspondantes, mais le changement de culture doit avoir lieu au sein des entreprises.

Peder Plaz: À moyen et à long terme, les communes peuvent obtenir d’importants résultats en créant de bonnes conditions-cadre en termes de stratégie fiscale, d’infrastructure familiale et de mentalité d’accueil. Actuellement, la crise du coronavirus est un facteur d’accélération pour le télétravail. La plupart des entreprises ont probablement remarqué que l’on peut aussi très bien travailler depuis la maison. De nombreux employés ont également appris à se servir des vidéoconférences. Nous constatons en outre combien il est agréable de vivre avec moins de trafic pendulaire.

Les formes de travail flexibles en région de montagne pourraient-elles connaître en fin de compte le même sort que le télétravail il y a des décennies: de grands espoirs et finalement des déceptions d’autant plus grandes?

Peder Plaz: Les formes de travail flexibles ne sont pas comparables au télétravail des années 1980. À cette époque, on pensait surtout au travail à domicile pour les collaborateurs/trices de centres d’appels. Aujourd’hui, il s’agit au contraire de conseils et de services spécialisés, de juristes et d’ingénieurs, de créateurs d’entreprises et d’indépendants travaillant à domicile. Cependant, je ne crois pas que l’on travaillera cinq jours par semaine à domicile à la montagne. La demande porte plutôt sur une combinaison de travail présentiel, de travail à domicile et de tâches familiales. Car la tendance vers des formes de travail flexibles est liée à la tendance sociale qui accorde une importance toujours plus grande à la famille, aux loisirs et à une répartition moderne des rôles.

Daniel Studer: Je vois cette question de manière analogue, d’autant plus que je pratique moi-même les nouvelles formes de travail. Je travaille à Berne deux ou trois jours par semaine parce que je souhaite voir et rencontrer physiquement mes collègues de travail. Je passe le reste de mon temps de travail à Meiringen avec d’autres gens, à la plateforme. J’y remarque l’importance d’avoir sur place des gens motivés qui connaissent et mettent en œuvre les avantages des formes de travail flexibles et les possibilités qui en résultent. Ici, nous œuvrons bénévolement en tant que coopérative. Nous le faisons très volontiers parce que nous y voyons l’intérêt général, avons du plaisir et bénéficions de l’approbation et du soutien de divers côtés.

Rahel Meili: Les régions de montagne tireront durablement profit des nouvelles formes de travail flexibles, mais les changements se produiront petit à petit. Bien quelques années passeront encore jusqu’à ce que la périphérie accède réellement au monde du travail numérique. La vitesse du processus dépend essentiellement des idées des acteurs locaux. La voie du succès passe non pas par n’importe quels projets, mais par des projets uniques et spécifiques à chaque lieu.

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