Économie circulaire: les atouts particuliers des régions

Pirmin Schilliger & Urs Steiger
L’économie circulaire est déjà à l’agenda écologique depuis des décennies. Elle est depuis devenue un concept mûr et global pour la gestion durable, qu’il s’agit maintenant de mettre en œuvre dans l’ensemble de l’économie. Il doit également inspirer le développement régional dans le cadre de la Nouvelle politique régionale (NPR).
L’entreprise Basis 57 nachhaltige Wassernutzung AG exploite à Erstfeld (UR) l’eau chaude et propre provenant du tunnel NLFA du Gothard pour élever des sandres. © regiosuisse
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90 % des matériaux de l’économie globale proviennent de l’extraction de nouvelles matières premières, dont 40 % sont des énergies fossiles. Vu ces chiffres, une forme d’économie qui ménage les ressources est nécessaire. Le concept de l’économie circulaire fournit une approche qui se fonde sur un système composé d’énergies renouvelables et de cycles de matières fermés. Toutes les substances préoccupantes qui polluent l’environnement et mettent la santé en danger devraient être remplacées par des substances inoffensives.

Le principe de l’économie circulaire

L’économiste britannique David W. Pearce est considéré comme le fondateur de l’économie circulaire. C’est au début des années 1990 qu’il a dérivé ce concept de l’écologie industrielle. Le professeur allemand de génie chimique Michael Braungart et l’architecte américain William McDonough ont perfectionné systématiquement cette approche au tournant du millénaire. Dans leur livre «Cradle to cradle»1 (du berceau au berceau), ils ont préconisé un système de production fondamentalement nouveau : plus aucune matière n’atterrit dans une décharge ou une usine d’incinération ; au lieu de cela, tous les matériaux non dégradables naturellement sont réutilisées pour produire de nouveaux biens.

Dans l’économie circulaire conforme au principe «cradle to cradle», ils distinguent trois catégories de matériaux :

➊ Les biens de consommation tels que produits de nettoyage, shampoings ou matériaux d’emballage doivent être fabriqués systématiquement, en économie circulaire, à partir de matières premières biologiques de façon à pouvoir être finalement compostés et confiés en toute tranquillité à l’environnement.

➋ Les biens de consommation tels que voitures, lave-linges ou téléviseurs, composés de «nutriments techniques», doivent être conçus de manière à pouvoir être totalement dissociés en éléments réutilisables à la fin de leur cycle de vie. Les matières de ces biens de consommation circulent donc éternellement dans le système de production industrielle.

➌ La troisième catégorie – toutes les matières que nous brûlons ou mettons en décharge aujourd’hui comme déchets – n’a pas sa place dans l’économie circulaire.

«Dans l’économie circulaire, il ne s’agit pas simplement de réduire ou de minimiser les déchets, mais d’éviter la production de déchets», souligne Michael Braungart, l’un des pères spirituels du concept. S’il n’est pas (encore) possible de remplacer certaines matières des biens de consommation par des alternatives circulaires, il s’agit au moins de réduire la consommation de ressources et d’utiliser les produits plus longtemps.

L’économie circulaire est une approche globale qui prend en compte l’ensemble du circuit, de l’extraction des matières premières au recyclage en passant par la conception, la production, la distribution et la phase d’utilisation la plus longue possible. Si les circuits des matériaux et des produits peuvent être fermés, les matières premières peuvent être utilisées encore et encore.© OFEV/regiosuisse

Un projet interdisciplinaire global

La sortie des énergies fossiles constitue une condition indispensable pour une future économie circulaire. Avec le tournant énergétique, la Suisse tient le bon cap politique à cet égard ; mais intégrer tous les flux de matières dans un cycle constitue un énorme défi. La réussite de la transformation requiert des choix fondamentaux supplémentaires – y compris au niveau politique. «Il n’y a pour les fabricants aucune nécessité de se conformer volontairement au principe «cradle to cradle» tant que les contribuables financent l’élimination des déchets dans de coûteuses usines d’incinération», critique Michael Braungart.

La transformation de l’économie linéaire en une économie circulaire est un projet global interdisciplinaire qui doit intégrer tous les acteurs, de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets en passant par le développement et la conception des produits, leur fabrication, leur distribution et leur consommation. La gestion des déchets fait en sorte que les matières ne soient plus «éliminées», mais retournent impérativement dans le cycle comme matières secondaires. Mais l’économie circulaire concerne aussi les formes d’utilisation et donc les modèles d’affaires. Les devises sont : louer au lieu d’acheter, partager au lieu de posséder, réparer, récupérer, remettre à neuf au lieu de jeter ! Les consommatrices et les consommateurs peuvent contribuer notablement au changement par leurs habitudes de consommation et leurs modèles de comportement.

Succès économique grâce à l’économie circulaire

Le domaine de la production sollicite surtout les entreprises. Différents pionniers ont déjà montré avec des produits tels que chaises, baskets ou revêtements de sol, que les modèles d’affaires circulaires peuvent être synonymes de succès économique. L’entreprise Forster Rohner, St-Gall, a développé il y a des années des housses rembourrées compostables pour les sièges de bureau et d’avion. Seules quelques entreprises satisfont toutefois aux critères stricts du label Cradle-to-Cradle. Vögeli Druck, Langnau im Emmental, est par exemple la première imprimerie au monde à avoir obtenu, en 2016, la certification Cradle-to-Cradle Gold.

Dans la métallurgie et l’industrie des machines, la voie de l’économie circulaire passe le plus souvent par un processus d’optimisation en plusieurs étapes. Grâce à des améliorations des procédés, le cuisiniste Franke consomme aujourd’hui quatre fois moins d’énergie et deux fois moins d’acier pour ses éviers en acier qu’il y a quelques années. De nombreux métaux, surtout le platine, l’or et le palladium, sont aujourd’hui couramment recyclés dans l’industrie – pour la simple raison que ces matières sont trop précieuses pour atterrir dans les déchets et qu’il est possible de retraiter de nombreux métaux sans problème et sans perte de qualité pour un nouveau cycle de production. En Suisse, environ 1,6 million de tonnes de déchets de fer et d’acier par année sont ainsi reconvertis en acier de construction et en acier inoxydable. 3,2 millions de tonnes de déchets urbains collectés séparément retournent en outre dans le cycle. Dans le génie civil, près de 12 millions de tonnes de matériaux de démolition tels que béton, gravier, sable, asphalte et maçonnerie, soit deux tiers d’entre eux, sont recyclés. «5 autres millions de tonnes de matériaux de démolition et 2,8 millions de tonnes de déchets urbains ne retournent en revanche pas (encore) dans le cycle», précise David Hiltbrunner, de la section Cycles matières premières de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Les fibres textiles, les matériaux synthétiques et composites, les déchets électriques et électroniques, les produits chimiques ainsi que certains déchets biogènes restent pour l’instant un défi particulier. Ces matières ne peuvent être dissociées et le cas échéant retraitées qu’à grands frais. Le nombre d’entreprises qui développent des modèles d’affaires innovants selon les principes de l’économie circulaire croît toutefois aussi dans ces domaines délicats. C’est ainsi par exemple que la maison de meubles Pfister propose depuis 2018 des rideaux certifiés économie circulaire. La start-up Tyre Recycling Solutions TRS, Yvonand (VD), remet les vieux pneus en état de marche et l’entreprise Bauwerk, Sankt Margrethen (SG) retraite de vieux parquets.

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Adieu à la société du tout-jetable

Des conditions-cadre politiques efficaces sont nécessaires pour que des biens de consommation complexes tels que lave-linges, ordinateurs ou voitures deviennent également circulaires. Les directives-cadres de l’UE sur l’écoconception et les déchets exigent expressément la promotion de modèles de production et de consommation durables, en particulier une conception axée sur la longévité, la réparabilité des appareils électriques, des mesures contre le gaspillage alimentaire et des campagnes d’information destinées à la population. Quelques pays ont déjà bien avancé dans la mise en œuvre. Les Pays-Bas misent par exemple depuis dix ans sur des biens fabriqués selon le principe «du berceau au berceau» pour leurs achats publics et dépensent des montants supérieurs à dix milliards d’Euros pour des achats conformes aux critères de l’économie circulaire. Avec son plan d’action pour l’économie circulaire (Circular Economy Action Plan), l’UE a encore renforcé ses efforts en 2020. On envisage actuellement d’étendre les directives d’écoconception à tous les biens de consommation, car l’UE souhaite dire définitivement adieu au système de la société du tout-jetable. Les directives de l’UE s’appliquent aussi à tous les fabricants suisses qui souhaitent exporter des produits dans les pays de l’UE.

Ce n’est pas un hasard si l’écoconception occupe la première place dans le plan d’action de l’UE : jusqu’à 80 % de l’impact environnemental ultérieur d’un produit sont prédéterminés lors de la phase de conception, tout comme sa durée de vie et sa fiabilité. La règle générale d’écologie «la sobriété prime sur la circularité» est également de mise! Une gestion raisonnée des ressources qui se limite au strict nécessaire évite les marches à vide et économise beaucoup d’efforts ultérieurs. «Toutes les stratégies qui aident à utiliser les substances et les matériaux de façon plus économe, plus efficiente et plus pérenne contribuent à l’économie circulaire», estime David Hiltbrunner.

L’agenda de la Suisse

En Suisse aussi, l’économie circulaire figure en très bonne place sur l’agenda politique – pour une bonne raison : pratiquement aucun autre pays ne produit autant de déchets urbains que la Suisse, malgré des taux de recyclage élevés.

Au Parlement, au moins huit interventions en suspens se réfèrent à l’économie circulaire, les principales étant l’initiative parlementaire 20.433 «Développer l’économie circulaire en Suisse» et le rapport du 11 octobre 2021 de la Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national. Le Conseil fédéral a procédé ce printemps à un état des lieux actuel de l’économie circulaire. D’après lui, il existe des potentiels importants pour l’économie circulaire surtout dans les domaines suivants : construction et logement, agroalimentaire, mobilité, génie mécanique et industrie chimique. L’administration fédérale a identifié toute une série de prescriptions et de normes qui entravent encore une économie circulaire. Elle examine comment il est possible d’éliminer ces obstacles. Il semble clair que les aspects d’une économie circulaire qui ménage les ressources doivent être intégrés à l’avenir dans les politiques sectorielles de la Confédération. Selon le Conseil fédéral, le mieux est de le faire en accord avec la Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030) de la Confédération et avec les stratégies nationales à long terme des politiques climatique, économique et agricole.

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Développement de la NPR

La promotion explicite de l’économie circulaire, qui n’était pas jusqu’à présent un point du programme de la NPR, pourrait en devenir un élément pour la prochaine période de programmation. Cette intention coïncide avec la demande de Romed Aschwanden, directeur de l’institut uranais Cultures des Alpes de l’Université de Lucerne, selon laquelle il faudrait aligner radicalement la NPR sur le principe de la durabilité. «Car le vrai problème des régions périphériques et de montagne n’est plus l’inégalité salariale, mais le changement climatique, argumente-t-il.»

Les travaux préparatoires nécessaires sont déjà en cours auprès des offices compétents, surtout du SECO et des services NPR cantonaux. Le cadre d’orientation est fixé par les dix-sept objectifs de développement durable (Sustainable Development Goals, SDG) des Nations Unies (ONU). Cet «Agenda 2030» constitue déjà aujourd’hui le cadre d’orientation pour la Stratégie suisse pour le développement durable 2030. La Direction de la promotion économique du SECO peut donc s’appuyer sur ce cadre pour ancrer les idées et les objectifs du développement durable dans la NPR. «L’économie circulaire jouera un rôle important pour le thème prioritaire de la consommation et de la production durable», estime Ueli Ramseier, qui coordonne auprès du SECO les travaux en faveur de la durabilité dans le cadre de la NPR. Avec sa priorité «climat, énergie et biodiversité», la NPR promeut en outre depuis des années les énergies renouvelables et l’aménagement de zones bâties durables et résilientes.

L’harmonisation de la NPR avec le développement durable doit être comprise comme un développement et un complément de la NPR, non comme un changement de système. Il est prévu de développer encore les contributions aux aspects sociaux et écologiques du développement durable au cours de la période de programmation 2024-2027 et de leur donner davantage de poids. La NPR continuera toutefois à l’avenir à se focaliser sur l’économie régionale, mais les services NPR cantonaux et le SECO veulent cofinancer davantage de projets NPR centrés sur l’économie circulaire. «La NPR reste attachée aux objectifs généraux – renforcer la compétitivité des régions, créer des emplois, maintenir l’occupation décentralisée du territoire et réduire les disparités régionales», souligne Ueli Ramseier.

Profiter des atouts de la politique régionale

Les régions jouent un rôle important dans la promotion de l’économie circulaire, même si cela n’apparaît pas au premier coup d’œil. regiosuisse – le Centre du réseau pour le développement régional – a relevé ce défi l’année dernière. «Nous souhaitons créer du savoir-faire, transmettre les connaissances nécessaires et développer des aides concrètes pour les régions», explique Lorenz Kurtz, chef de projet regiosuisse. Dans le cadre de la communauté du savoir-faire regiosuisse «économie circulaire et développement régional», des connaissances importantes ont été préparées au cours des mois écoulés sous la forme d’une boîte à outils pratique accompagnée d’exemples inspirants. Afin de développer ce thème complexe jusqu’à ce qu’il soit prêt à être mis en œuvre par les régions, regiosuisse a lancé en mars de cette année le RegioLab économie circulaire, dont le but est de montrer comment les régions peuvent intégrer l’économie circulaire dans leurs stratégies régionales.

L’économie circulaire offre des opportunités aux régions lorsqu’elle se concentre sur des thèmes et des domaines qui sont déjà structurés régionalement : agriculture et sylviculture, production alimentaire, transformation du bois, énergies renouvelables, infrastructures, services régionaux et donc aussi tourisme. Une analyse systématique des flux de matières et des chaînes de production dans ces domaines montre que le potentiel régional pour l’économie circulaire est énorme. Promouvoir l’économie circulaire requiert non seulement de la formation et de la transmission de connaissances, mais aussi des incitations financières supplémentaires. Il faut de l’argent pour les projets en eux-mêmes, mais aussi pour leur accompagnement professionnel et l’élaboration de stratégies régionales de développement économique circulaire. «Il est envisageable, pour des projets particulièrement exigeants de la catégorie ‹durabilité cinq étoiles›, d’élargir le cadre du soutien et d’allouer à l’avenir davantage de fonds fédéraux à cet effet», estime Ueli Ramseier.

Norman Quadroni, chef de projets politique régionale auprès d’arcjurassien.ch, voit dans l’économie circulaire une grande opportunité de mieux exploiter la richesse naturelle des régions rurales, frontalières et de montagne. Il est convaincu qu’elle permet de mettre en valeur des ressources qui resteraient sur le carreau dans une perspective de développement purement axée sur l’exportation. «Certaines activités économiques organisées aujourd’hui au niveau international pourraient être ramenées dans la région et intégrées dans des circuits courts », considère Norman Quadroni. Grâce à leurs caractéristiques et à leurs qualités telles qu’échelle limitée, vision d’ensemble et proximité, les régions sont en principe prédestinées à l’initiation de processus circulaires. Car la collaboration interdisciplinaire et interentreprises au sein de réseaux, telle que la NPR la pratique depuis ses débuts, est particulièrement demandée en économie circulaire.

regiosuisse.ch/economiecirculaire

ofev.ch

Les promoteurs de l’économie circulaire

Outre regiosuisse, diverses organisations s’engagent pour proposer aux acteurs intéressés du savoir-faire, de l’empowerment et du coaching pour l’économie circulaire:

Go for impact L’association Go for impact, que l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a contribué à créer, se voit comme un moteur de l’économie circulaire en Suisse. Elle s’engage politiquement et économiquement pour modeler l’avenir circulaire de l’économie suisse.

Circular Economy Switzerland Avec sa plateforme, ce réseau qui bénéficie d’un large soutien économique, politique et social s’adresse à l’ensemble des organisations, des entreprises et des personnes qui s’intéressent à l’économie circulaire. Il a élaboré une charte de l’économie circulaire et soutient toutes les initiatives par des connaissances, des manifestations et du lobbying politique.

CircularHub Cette plateforme de connaissances et de mise en réseau pour l’économie circulaire en Suisse propose aux entreprises et aux start-ups innovantes des offres de formation, de conseil et d’accompagnement de projets.

Réseau suisse pour l’efficacité des ressources (Reffnet) Des expertes et des experts du Reffnet conseillent et accompagnent des entreprises lorsqu’elles élaborent un plan de mesures pour accroître l’efficacité des ressources.

Méthode de conception de «pression des ressources» Une équipe de recherche de l’Empa a développé la méthode de conception dite de « pression des ressources » dans le cadre du PNR 73 Économie durable. Cette nouvelle approche vise à orienter les décisions de conception vers des produits et des services plus durables.

PRISMA Cette communauté d’intérêts d’entreprises de l’industrie alimentaire, de la branche des biens de consommation et de l’industrie des emballages vise à réaliser l’économie circulaire dans le domaine des emballages.

Prozirkula Ce centre de compétences s’engage en faveur de l’intégration des principes de l’économie circulaire dans les processus d’achats publics et privés. Il propose du conseil, du transfert de savoir et de la mise en réseau voir aussi l’article Marchés publics: levier pour l’économie circulaire)

PAP Plateforme de connaissances de la Confédération sur les achats publics responsables.

Boussole durabilité Plateforme de connaissances financée par le SECO et exploitée par la Fondation Pusch et par l’öbu (Association pour une économie durable).

La bourse aux idées: initiatives et projets d’économie circulaire

Agriculture et alimentation

Star’Terre production régionale, commercialisation régionale, circuits courts, plateforme alimentaire intercantonale dans la région du Léman (cf. article Un trait d’union entre la terre et les start-up).

Culture maraîchère Meier Frères, Primanatura AG, Hinwil (ZH) serres n’émettant pas de CO2 grâce aux rejets de chaleur de l’usine d’incinération des déchets et au captage du CO2 aérien – cycles fermés.

Bösiger Gemüsekulturen AG, Niederbipp (BE) culture maraîchère circulaire.

Aquaponie combinaison circulaire de la pisciculture et de l’agriculture indépendante du sol ; la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW mène des activités de recherche et d’enseignement dans ce domaine et propose des cours aux personnes débutantes ou intéressées.

Agriculture énergétique Maison tropicale de Frutigen installation circulaire d’aquaculture et de pisciculture.

Projets de lutte contre le gaspillage alimentairestart-up et app Too good to go, plateforme United against Waste.

Économie circulaire dans le Seeland (projet NPR 2021-2023) des restaurants, des boulangeries et des établissements de restauration collective essaient de fermer les cycles de la chaîne de création de valeur ajoutée avec d’autres acteurs (maraîchers, consommateurs).

Centravo AG, Lyss (BE) cette entreprise valorise depuis 25 ans des composants d’origine animale que les boucheries n’utilisent pas.

Fine Funghi AG cette entreprise zurichoise produits des champignons bios à partir des déchets (son de blé) d’un moulin à céréales.

RethinkResource cette start-up a développé le marché B2B Circado afin de valoriser certains sous-produits industriels de la production alimentaire.

Ricoter Préparation de terres SA créée en 1981, cette entreprise produit du terreau à Aarberg (BE) et à Frauenfeld (TG) à partir des déchets organiques des raffineries de sucre.

Brauerei Locher, Appenzell (AI) projet agroindustriel.

ortoloco, coopérative fermière, Dietikon (ZH) 500 personnes l’exploitent en cogestion en tant que productrices et producteurs, consommatrices et consommateurs.

Communautés d’achat dans lesquelles les consommateurs coopèrent directement avec les producteurs : notamment Tante Emmen, Koop Teiggi Kriens, plateforme Crowd Container, CI food coops.

Qwstion cette marque zurichoise de sacs a lancé un nouveau matériau textile «tissé» à partir des fibres du bananier.

Construction et immobilier 

Construction circulaire (Beat Bösiger, bluefactorydéconstruction, béton recyclé, utilisation de matériaux locaux, durables, renouvelables, etc., matériaux bitumineux de démolition.

Eberhard Bau AG cette entreprise est une pionnière du recyclage des déchets de chantier depuis quatre décennies; elle transforme les gravats en matériaux secondaires sans perte de qualité.

Autres spécialistes du recyclage de déchets de chantier Ronchi SA, Gland (VD), Sotrag SA, Etoy (VD), Kästli Bau AG, Rubigen (BE), BOWA Recycling, Susten.

Neustark, Berne cette entreprise bernoise est spécialisée dans la pétrification du CO2 atmosphérique dans du béton recyclé.

Planification intégrée et gestion commune de zones industrielles et artisanales projets au Locle (NE), à St-Imier (NE), à Val-de-Ruz (NE), dans le district de la Singine (BE, zones d’activités), à Sierre (VS, Écoparc de Daval cf. article Objectif en vue grâce à un rythme plus lent), Schattdorf (UR), etc.

enoki, Fribourg cette start-up fribourgeoise conçoit et planifie des quartiers et des villes plus circulaires.

Terrabloc, Genève l’entreprise genevoise Terrabloc produit des matériaux de construction et d’isolation à partir de glaise.

VADEME ce projet Interreg vise une solution coordonnée pour les déchets de chantier minéraux dans les régions de Genève et d’Annecy (cf. article VADEME, valoriser les déchets minéraux).

ORRAP projet Interreg (2016-2019) pour le recyclage de matériaux bitumineux de démolition dans la région de Bâle.

Approches organisationnelles et stratégiques

AlpLinkBioEco ce projet Interreg qui s’est achevé en avril 2021 a ébauché un générateur de chaînes de création de valeur ajoutée et un master plan pour une économie circulaire dans l’espace alpin fondée sur des matières premières naturelles et locales.

Sharely cette start-up exploite une plateforme de location d’objets quotidiens.

Make furniture circular une initiative de la Fondation Pusch et du Fonds pionnier Migros qui promeut les «meubles circulaires».

Réseaux de réparation et de recyclage diverses initiatives régionales de promotion de lieux de réparation et de recyclage, ce qui inclut aussi les journées de la seconde main, les boutiques de seconde main, les ateliers de réparation, les lieux d’upcycling, etc.

Économie circulaire dans le Parc naturel régional Chasseral relocalisation de chaînes de création de valeur ajoutée, préservation et mise en valeur de ressources naturelles locales.

Feuille de route économie circulaire du canton de Fribourg stratégie cantonale.

Plateforme 1PEC bourse aux idées pour promouvoir l’économie circulaire en Valais.

Économie circulaire Haut-Valais économie circulaire dans une zone rurale isolée (projet soutenu par le Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2022).

Share Gallen atelier de réseautage et marché public à St-Gall (projet du Programme d’encouragement pour le développement durable, ARE, 2018).

Énergies renouvelables

Installations de production de biogaz par exemple Kägiswil (OW) et installation Kompogas de Wauwil (LU), toutes deux soutenues par la NPR, ainsi que BiogasTicino SA dans la plaine de Magadino.

Satom SA, Monthey (VS) méthanisation de déchets organiques.

Programme cantonal vaudois de «promotion de la filière bois» (projet NPR), le canton met directement en avant le bois comme source d’énergie renouvelable.

Programme «Smart Villages/Smart Regions»

La numérisation concerne tous les domaines de la vie. Elle offre aussi de nouvelles possibilités aux communes et aux régions de montagne. Dans le cadre des mesures pilotes npr en faveur des régions de montagne le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) et le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) ont lancé le programme « Smart Villages/Smart Regions ». Il offre des conseils et un soutien financier aux communes et aux régions qui élaborent, dans le cadre d’un processus participatif, des mesures permettant d’exploiter les possibilités du numérique pour le développement économique, social et écologique. L’objectif de ces mesures est de concevoir un plan d’action incluant des projets concrets de mise en œuvre et adopté par l’exécutif communal. Plus d’une douzaine de communes et de régions profitent déjà des possibilités offertes par ce programme. D’autres peuvent y participer.

Informations supplémentaires sur le programme et la participation

regiosuisse.ch/mesures-pilotes-npr-regions-montagne

Jeunesse et développement régional

Lukas Denzler

De jeunes adultes développent des idées pour leur région au sein du Next Generation Lab de regiosuisse. On y teste aussi de nouvelles approches comme le «design thinking». Les premières expériences faites avec ce format sont prometteuses. Un bon accompagnement assuré par des coachs en innovation et des mentors qui connaissent bien la région est déterminant. Ce processus pourrait servir de générateur d’idées pour les régions. Des efforts supplémentaires sont toutefois nécessaires pour une mise en œuvre concrète des idées de projets.

Les orientations prises aujourd’hui modèlent l’avenir que vivra la prochaine génération. Mais comment associer de jeunes adultes à la planification du futur – des personnes de la génération Z nées au tournant du millénaire et faisant partie des «digital natives»? regiosuisse s’est fixé pour objectif d’associer activement des personnes de cette génération à la conférence «Suisse 2040: développement régional et territorial de demain – tendances, visions et domaines de développement», prévue à l’origine pour avril 2020. Un atelier dédié devrait offrir une plateforme aux jeunes adultes et à leurs idées lors de la conférence.

Rallier des jeunes pour l’avenir de la région

L’idée est séduisante. Mais comment enthousiasmer des jeunes pour une conférence spécialisée sur l’avenir du développement régional? Ce que de plusieurs organisateurs avaient pressenti s’est confirmé. «Il a été extrêmement difficile d’attirer de jeunes adultes avec ce thème, indique Thomas Probst, de regiosuisse, nous avons dû reconnaître que nous ne disposions en fait d’aucun accès aux jeunes.» Grâce à d’importants efforts ainsi qu’au soutien d’organismes de développement régional et de hautes écoles, ils ont finalement réussi à obtenir la participation de sept équipes à la conférence. Le corona­virus a toutefois causé du tort au projet.

© regiosuisse

En dépit de la pandémie, les initiateurs ont décidé de poursuivre le projet pilote de Next Generation Lab en 2020. Des équipes de trois ou quatre jeunes adultes devaient développer des idées de projets pour leur région dans le cadre d’un format innovant et créatif. L’approche du «design thinking» comprend des méthodes issues du management de l’innovation et du milieu des start-ups. Elle met l’accent sur les besoins et les motivations des usagers. Voici ses trois mots d’ordre: créativité, ouverture, multidisciplinarité. Quatre équipes (de la Region Prättigau/Davos, de Thurgovie, du Haut-Valais et du Bas-Valais) ont participé à la première journée, appelée «design sprint». Chaque équipe a été encadrée par un coach en innovation et par un-e mentor de sa région. Chacune s’est retrouvée sur place dans sa région. Les échanges avec les coachs et les mentors ont eu lieu virtuellement, de même que l’évaluation des idées de projets par un jury composé d’un représentant du SECO, d’une représentante de l’ARE et d’un représentant de regiosuisse.

Offre touristique et vente directe

Les résultats de la première journée ont été convaincants. Les quatre équipes auraient pu approfondir leurs idées lors d’une seconde journée dans le cadre d’un «deep dive». Mais des raisons personnelles comme le début de nouvelles formations et des changements de domicile ont eu pour conséquence que seules deux équipes ont poursuivi le travail. Celles-ci ont développé à cette occasion des modèles d’affaires et des plans de mise en œuvre. L’équipe du Bas-Valais a combiné son idée avec une offre touristique du val d’Hérens: elle prévoit de faire connaître aux visiteurs les beautés et les curiosités culturelles de la vallée à l’aide d’un tour en bus. Le groupe de Frauenfeld souhaite rapprocher les producteurs régionaux des consommateurs et vise ainsi la vente directe des produits en milieu urbain et la dynamisation des circuits courts.

Vlnr.: Sarah Michel, Raphael Zingg, Simon Vogel, Ina Schelling © regiosuisse

«C’était exigeant, mais nous avons finalement obtenu un résultat», déclare Simon Vogel, du groupe de Frauenfeld. Il a beaucoup appris grâce au processus très professionnel. Ils ont réfléchi à ce qui est produit dans le canton. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer en ville une offre de produits agricoles de la région – au-delà du marché hebdomadaire. «Nous voulons contribuer à façonner la région», explique Simon Vogel en esquissant la motivation des membres de son groupe. Professionnellement, il travaille comme assistant scientifique dans le domaine de l’électrotechnique auprès de la zhaw, Winterthour, et siège aussi au Grand Conseil du canton de Thurgovie depuis quelques mois.

Brigitte Fürer, directrice de Regio Frauenfeld jusqu’à cet été, a encadré le groupe lors de la première journée en qualité de mentor régional. «Regio Frauenfeld a toujours été ouverte aux projets menés avec des jeunes», indique-t-elle. Le développement régional et le développement durable vont de pair et concernent toujours aussi la jeune génération. Une initiative comme le Next Generation Lab donne de nouvelles impulsions et de l’inspiration. «Il incombe maintenant à la région de reprendre l’idée et de la développer», estime-t-elle.

Sherine Seppey a participé au Next Generation Lab avec deux collègues. Toutes trois ont choisi le val d’Hérens parce qu’elles connaissaient déjà la vallée. La première journée a été très productive. «L’encadrement nous a aidées à nous concentrer sur le cœur de notre idée », commente l’étudiante de la hes-so Valais. Lors de la deuxième journée, on a précisé l’idée et esquissé les étapes d’une réalisation. Elles ont trouvé un partenaire potentiel qui pourrait envisager d’intégrer leur proposition dans son offre touristique.

De l’idée à la mise en œuvre

L’idée de projet est réaliste, estime François Parvex, expert du développement communal et régional qui a encadré l’équipe Bas-Valais à Sion. «Les jeunes ont des idées, mais n’ont pas l’habitude de les mettre en œuvre dans le cadre d’un projet», explique-t-il. Ils ont vécu le Next Generation Lab comme un jeu formateur. Selon François Parvex, les responsables du développement régional pourraient utiliser ce format pour des concours d’idées. Il songe à une sorte de générateur d’idées pour les régions. Il faudrait ensuite mettre à disposition un capital financier de départ pour concrétiser et mettre en œuvre les idées.

Le membre du jury Maria-Pia Gennaio Franscini, coresponsable des «Projets-modèles pour un développement territorial durabl» auprès de l’Office fédéral du développement territorial (ARE), a en général affaire à des spécialistes. Elle était donc curieuse de voir comment s’organiserait la collaboration avec des jeunes. Voici sa conclusion: «Le degré d’engagement des participants a été impressionnant.» Elle pourrait aussi envisager à l’avenir d’intégrer activement les jeunes et les expériences faites avec différentes méthodes et approches dans les projets-modèles pour un développement territorial durable.

Sherine Seppey et François Parvex © regiosuisse

«Le Next Generation Lab est un très bon levier pour sen­sibiliser les jeunes au développement de leur région», juge Sherine Seppey. On ignore encore quelle suite sera donnée à l’idée développée par son groupe. Cela dépend de ce que l’on attend de la jeune génération, conclut Simon Vogel, du groupe de Frauenfeld. «La génération d’idées fonctionne bien.» Mais leur mise en œuvre avec des jeunes est peu réaliste, car ceux-ci sont encore en formation ou très engagés dans d’autres domaines. Il sera peut-être possible de réaliser une idée dans le cadre d’une initiative existante. Simon Vogel est convaincu que leur «idée irait très bien avec un concept de possible reconversion de la caserne de Frauenfeld». Judith Janker, directrice de Regio Frauenfeld depuis septembre, souhaite elle aussi poursuivre le développement de cette idée. Le thème choisi répond à l’esprit du temps. L’idée aurait dû être présentée fin octobre lors du 25e anniversaire de Regio Frauenfeld. Mais il a fallu reporter cette fête au printemps prochain à cause de la situation sanitaire.

«Tant à Frauenfeld que dans le Bas-Valais, les équipes ont développé des modèles d’affaires concrets en deux jours. Elles ont ainsi atteint un stade nettement plus avancé que celui auquel nous nous attendions lors de la conception du Next Generation Lab», commente Thomas Probst, membre des initiateurs. Il s’agit maintenant d’examiner comment les plans peuvent aboutir à une mise en œuvre, ce qui requiert l’intervention non seulement des jeunes adultes, mais aussi des acteurs expérimentés des régions.

Next Generation Lab: Design your future!
Dans un laboratoire, nous développons de nouvelles idées et les testons. De nouveaux procédés sont expérimentés pour continuer de développer certaines idées ou en rejeter d’autres. Grâce à la créativité et au travail d’équipe, les idées retenues sont améliorées. C’est exactement comme cela que fonctionne le Next Generatio Lab – un laboratoire d’innovation pour développer des idées. Ici, regiosuisse teste une approche de co-création dans l’espace virtuel: regiosuisse.ch/fr/next-generation-lab

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Muriel Raemy

La résilience est au cœur du cahier des charges du «Digital Arc Hub». Une mission plus que jamais d’actualité en ces temps de pandémie. Soutenu dans le cadre du programme intercantonal NPR de l’Arc jurassien, ce projet veut en effet élaborer un outil de diagnostic pour permettre aux PME d’évaluer leur maturité digitale. Et l’enjeu est de taille. Les heurts du commerce mondial conséquents à la crise du coronavirus pèsent sur ce tissu industriel bien spécifique davantage que partout ailleurs en Suisse romande, son PIB étant fortement lié aux secteurs des machines, des instruments de précision et, bien sûr, de l’horlogerie, des branches extrêmement sensibles au contexte international.

Srinagar Gunasekaram, dans la cuisine du Restaurant Paprika, est un pionnier de l’utilisation du logiciel Digital Arc Hub.
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Créé en 2018, le « Digital Arc Hub » réunit de nombreux acteurs économiques des cantons du Jura et de Neuchâtel, du Jura bernois et du Nord-Vaudois intéressés à dresser un état des lieux de la maturité digitale de chaque entreprise, quels que soient sa taille ou son secteur d’activités. Un outil pratique d’autodiagnostic actuellement en phase d’essai a été développé par la Haute école de Gestion Arc (HEG Arc). Le questionnaire passe en revue les processus internes, l’expérience client et la stratégie relative au modèle d’affaires. à terme, le « Digital Arc Hub » ambitionne de proposer du coaching et des aides ciblées pour accompagner les entreprises dans leur développement numérique. Une cartographie créée à partir des données récoltées fournira aux associations économiques ainsi qu’aux décideurs politiques les leviers nécessaires pour orienter les dirigeants d’organisations dans leurs efforts, combler des manques de formation ou créer des échanges de bonnes pratiques.

arcjurassien.chregiosuisse.ch/npr digitalarchub.ch«Digital Arc Hub» dans la base de données des projets sur regiosuisse.ch

Vous trouverez ici la version complète en italien.

Autres articles

Les régions à l’épreuve du coronavirus

Pirmin Schilliger & Urs Steiger
La maladie covid-19 a déclenché cette année une grave crise dans le monde entier et en Suisse. Celle-ci est encore loin d’être terminée, nous nous trouvons au contraire en plein dedans. Tous les domaines de la vie et de l’économie sont affectés, surtout les soins de santé. À de nombreux endroits de Suisse, la crise touche particulièrement le tourisme et l’industrie horlogère, qui constituent l’épine dorsale économique de nombreuses régions de montagne ou rurales. Il s’agit d’une dure épreuve pour un grand nombre de personnes. On ignore quelle en sera l’issue.
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Le confinement décrété mi-mars a subitement plongé le tourisme dans un état de choc. À l’échelle suisse, le nombre de nuitées a subi une chute drastique pratiquement d’un jour à l’autre: –62 % en mars, –80 % en avril et –78 % en mai par rapport aux mêmes mois de l’année précédente. Il s’est légèrement redressé en juin à la faveur des premiers assouplissements et a retrouvé le niveau de mars, soit de nouveau 62 % au-dessous du niveau de l’année précédente. Un grand nombre de clients non seulement étrangers, mais aussi suisses ont été absents des stations touristiques. L’occupation s’est légèrement redressée en juillet et août. Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), la diminution des nuitées s’est stabilisée au cours de ces deux mois d’été à –26 % et à –28 % en moyenne.

Vacances (forcées) en Suisse

Les différences régionales ont toutefois été considérables. Quelques régions ont pu tirer profit du fait que les Suissesses et les Suisses ont renoncé aux voyages à l’étranger et, à la place, ont passé leurs vacances dans les régions de montagne suisses. Par exemple, les hôtels du val Poschiavo ont très tôt affiché complet. En juillet par rapport à l’année précédente, la Surselva a vu les nuitées augmenter de 40 %, la Basse-Engadine de 43 % et le val Bregaglia même de 53 %. Dans les régions, cet essor s’est poursuivi jusqu’en automne. Toutefois, il y a aussi eu des perdants dans les régions en plein boom. «On a compté parmi eux surtout les restaurants, qui ont dû fermer complètement durant le confinement et qui par la suite n’ont pu reprendre le travail que dans une mesure limitée à cause des mesures de protection», explique Martina Schlapbach de la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair.

Dans les cantons d’Appenzell et du Tessin ainsi que dans certaines régions du Jura, le nombre de nuitées a aussi été nettement supérieur à celui de la même période de l’année précédente. La destination Saignelégier-Le Noirmont a presque réussi à doubler ses nuitées. Quelques points chauds comme le val Maggia, le val Verzasca ou la piscine de Porrentruy ont presque été submergés par beau temps. Le pays d’Appenzell ne parvenait plus guère à se défendre contre les randonneurs venus de toute la Suisse. Cette ruée a été exploitée avec délectation par les médias. Andreas Frey, directeur d’Appenzell Rhodes-Extérieures Tourisme, relativise toutefois: «Tout cela n’a posé aucun problème.» Il ne souhaite en tout cas pas parler de «surtourisme». «Lors de chaque jour de pointe, nous avons essayé de rediriger les groupes de randonnée vers des itinéraires moins fréquentés – avec un franc succès», souligne-t-il.

Les loueuses et les loueurs d’appartements de vacances ont également fait partie des gagnants. Les résidences isolées ont été particulièrement demandées. Sur la plateforme de Grisons Tourisme par exemple, qui regroupe une offre de 3000 appartements dans dix destinations, les réservations supplémentaires d’appartements dépassaient encore 70 % en octobre, alors que le maximum intermédiaire de l’été avait fléchi depuis longtemps dans de nombreuses autres régions.

(Presque) plus rien ne tourne dans le tourisme urbain

Le tourisme urbain s’est retrouvé grand perdant. Les clients internationaux ont fait défaut dans les centres urbains, et le tourisme d’affaires et de congrès s’est arrêté presque complètement. Zurich (–77 %), Genève (–75 %), Lucerne (–66 %), Bâle (–63 %) et Berne (–59 %) sont les villes qui ont perdu le plus de nuitées durant les mois d’été. Vu qu’elle s’est de nouveau aggravée en octobre après une brève amélioration au début de l’automne, la situation est maintenant très sombre. D’après un sondage d’HotellerieSuisse, deux tiers des hôtels urbains se préparent à des licenciements. Des centaines de grands hôtels urbains sont à deux doigts de la faillite.

En plus du tourisme urbain, les régions de montagne très axées sur les clients étrangers, notamment sur les groupes de voyageurs venant d’Asie, ont particulièrement souffert de la crise. La destination Engelberg-Titlis compte parmi ces régions. Le chiffre d’affaires des Titlis Bergbahnen est tombé durant les mois d’été à 20-30 % du niveau de l’année précédente. Le directeur Norbert Patt, qui a tout de suite réagi en prenant des mesures rigoureuses de réduction des coûts, a entre-temps annoncé des suppressions d’emplois. Le chemin de fer de la Jungfrau a aussi été subitement privé de ses clients internationaux, qui jusqu’à présent provenaient à 70 % d’Asie. Les responsables du marketing ont certes essayé de rectifier rapidement le tir en prenant des mesures comme le Jungfrau Corona-Pass qui permet de circuler librement sur le réseau du chemin de fer de la Jungfrau – avec pour résultat que le Jungfraujoch a tout à coup été à 95 % aux mains des Suisses. Mais contrairement aux clients asiatiques, les Suissesses et les Suisses ne sont venus que par beau temps. Ils ont en outre dépensé moins d’argent en moyenne que les touristes d’Extrême-Orient.

Comme dans la plupart des régions de Suisse, les buts d’excursion et les hôtels qui misent en priorité sur le marché suisse et sur le marché européen ont compté parmi les gagnants qu’il y a aussi eu dans l’Oberland bernois. «Les campings ont aussi tiré leur épingle du jeu, de même que la sous-région Haslital-Brienz, dont l’orientation est traditionnellement moins internationale», explique Stefan Schweizer, directeur de la Conférence régionale Oberland-Ost. Mais malgré les lueurs d’espoir estivales, le bilan touristique est aussi globalement négatif dans l’Oberland bernois. Par exemple, la région d’Interlaken a certes enregistré une augmentation de 192 % des clients suisses dans l’hôtellerie en juillet, mais le nombre total de nuitées a diminué de moitié parce que cette destination vit principalement de l’activité internationale lors d’une saison normale. D’autres stations célèbres comme Wengen, Davos aux Grisons ou Zermatt en Valais se trouvent dans une situation analogue.

Appenzell © regiosuisse

De mauvais souvenirs se réveillent dans le Jura

L’industrie horlogère est l’épine dorsale économique du Jura, tout comme le tourisme pour une grande partie des régions de montagne. Avec le tourisme, elle fait partie en Suisse des branches économiques qui souffrent le plus de la crise du coronavirus. Le chiffre d’affaires de l’industrie horlogère a chuté de 35 % au deuxième trimestre. La branche a certes réussi à se remettre légèrement de ce choc au troisième trimestre, mais la Fédération de l’industrie horlogère suisse s’attend à une diminution de 25 à 30 % pour l’ensemble de l’année. Jusqu’en octobre, la baisse des exportations de montres par rapport à l’année dernière dépasse un tiers.

Cette situation réveille de mauvais souvenirs dans les villes horlogères de l’Arc jurassien. Des villes comme Le Locle ont certes tiré les leçons de la «crise horlogère» des années 1970 et diversifié leur économie depuis lors, mais la dépendance par rapport à l’industrie horlogère est toujours grande à de nombreux endroits. La vallée de Joux en est l’exemple éclatant: cette vallée proche de la frontière française compte 7000 habitants, mais 8000 emplois, en majeure partie dans l’industrie horlogère. «La pandémie de coronavirus nous a durement touchés», déplore Éric Duruz, directeur de l’ADAEV (Association pour le Développement des Activités Économiques de la Vallée de Joux). Les fabriques d’horlogerie ont certes pris de bonne heure des mesures de protection pour le personnel, déjà avant que la Confédération n’en ait ordonné. Mais après le confinement, la plupart des entreprises sont restées à l’arrêt un mois et demi. À la vallée de Joux, la pandémie n’a pas non plus été qu’un lointain grondement de tonnerre, mais a fait un nombre de morts plus élevé que la moyenne. Les autorités des différents niveaux se sont coordonnées afin de maintenir à peu près les soins de santé dans la Vallée même pendant la phase la plus aiguë. «Les frontalières et les frontaliers sont essentiels pour notre économie et pour le système de santé», rappelle Éric Duruz. Il était donc crucial que la frontière avec la France reste ouverte pour ces pendulaires.

Même si tout n’est de loin pas encore terminé, l’espoir naît entre-temps à la vallée de Joux que la crise ne sera pas aussi grave que dans les années 1970, lorsque plus d’un quart des résidentes et des résidents ont quitté la Vallée. «Nous avons maintenant l’expérience de la crise et sommes plus résistants», affirme Éric Duruz. Il est convaincu que la Vallée sortira même renforcée de cette crise, «grâce à l’esprit d’innovation de notre population, à la solidarité, à une certaine obstination et à un esprit combatif inflexible».

L’état intermédiaire

Comment se terminera l’année 2020 en fin de compte? À quelle vitesse l’économie se redressera-t-elle? Le 12 octobre, les économistes du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) se montraient encore confiants dans leur pronostic. Ils calculaient à cette date une diminution de 3,8 % du produit intérieur brut pour l’année en cours. Ce pronostic paraissait nettement plus optimiste qu’au printemps, lorsqu’ils ne voulaient pas exclure une chute pouvant atteindre 10 % dans le scénario du pire. Les conséquences de la pandémie seraient néanmoins toujours très graves, même avec le scénario plus clément d’octobre: une baisse du pib de 3,8 % équivaudrait à la plus forte récession depuis la crise pétrolière du milieu des années 1970.

Impacts de l’épidémie de covid-19  sur l’économie régionale
Dans le cadre du monitoring des régions, regiosuisse observe l’évolution économique des régions, y compris en ce qui concerne spécifiquement les impacts de la crise du coronavirus. La page regiosuisse.ch/crise-du-corona rend compte des résultats actuels.

La situation a radicalement changé entre-temps avec la deuxième vague. Il est par conséquent difficile de dresser un bilan et chaque pronostic devient rapidement obsolète. Fin octobre, lors de la clôture de la rédaction, quatre cinquièmes des entreprises actives dans le tourisme s’attendaient à une nouvelle détérioration de la situation au cours de la saison d’hiver. Comme chacun sait, celle-ci est beaucoup plus importante que la saison d’été pour les stations de ski. Martin Nydegger, directeur de Suisse Tourisme, prépare le secteur à une longue traversée du désert. «Il n’y aura un redressement complet qu’en 2023 ou 2024. Ce sera rude surtout pour les villes», soulignet-il. Martin Nydegger brosse un tableau un peu plus optimiste pour les stations classiques de sports d’hiver. Monika Bandi Tanner, codirectrice de l’Unité de recherche sur le tourisme au Centre de développement économique régional de l’Université de Berne, renvoie au fait que tout dépend de l’évolution de la situation sur le front de la pandémie ainsi que des mesures et des concepts de protection qu’elle entraînera dans les domaines skiables. Vu les nombreux facteurs d’incertitude, il est actuellement difficile de prévoir comment se terminera l’année 2020 pour le tourisme.

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Travail à distance et repli à la montagne

La structure économique trop spécialisée, très axée sur des domaines particulièrement touchés comme le tourisme ou l’industrie horlogère, n’est pas le seul facteur à avoir accru la vulnérabilité de nombreuses régions au cours de la crise actuelle. La taille des entreprises joue aussi un rôle, abstraction faite de leur appartenance à une branche donnée. Selon un sondage d’UBS, une entreprise sur cinq comptant moins de 10 employés et une entreprise sur dix comptant 10 à 49 employés ont dû suspendre leur activité pendant le confinement. En revanche, «seules» trois grandes entreprises sur cent ont dû fermer. Les répercussions ont été particulièrement négatives dans des cantons tels qu’Appenzell Rhodes-Intérieures, Grisons et Valais, qui présentent une part élevée de petites entreprises et de microentreprises. Sur la base de divers autres indicateurs, UBS parvient à la conclusion que les cantons de montagne sont en général beaucoup plus fortement affectés par la crise et qu’ils auront besoin d’une phase de récupération plus longue.

La pandémie a confirmé qu’une crise accélère et renforce les tendances existantes. Une étude de l’Université de Bâle, qui s’est penchée sur l’adoption du télétravail observée à de nombreux endroits, parvient à la conclusion que cette transformation a visiblement représenté un défi plus important pour l’économie des régions rurales et celle des régions urbaines. Cette étude néglige toutefois un point: pendant le confinement, nombre d’employés se sont retirés de la ville pour se réfugier à la montagne. Ils y ont transformé sans hésiter leur résidence de vacances en bureau à domicile. On ignore toutefois quel pourcentage des quelque 500 000 résidences secondaires a effectivement été utilisé de cette façon pendant le coronavirus. «Notre région a été très animée cet été, surtout à cause des nombreux travailleurs à distance», estime Rudolf Büchi, responsable du développement régional auprès de la Regiun Surselva. Un indice de leur présence est la forte augmentation de l’utilisation du Net et des minutes de conversations téléphoniques dans la région. «Face à cette tendance, la Surselva bénéficie clairement d’une très bonne infrastructure à large bande et d’appartements de vacances gérés activement, qui offrent d’excellentes conditions pour le travail à distance lorsqu’ils sont combinés avec des espaces de coworking tels que ceux du Rocks Resort Laax», explique Rudolf Büchi.

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La plupart des télétravailleurs sont certes retournés dans leurs résidences principales urbaines après le confinement. Mais nombre d’entre eux y auront pris goût et se demanderont s’ils souhaitent aussi utiliser en temps normal leur refuge de crise et de vacances comme lieu de travail. Ce choix irait tout à fait dans le sens des stratèges du développement qui voient l’avenir des régions de montagne dans l’économie résidentielle, favorisée par le travail à domicile et par les nouvelles formes de travail hybrides et flexibles, qui permettent et stimulent le fait de résider et de travailler loin des centres urbains (cf. regioS 18).

En tant qu’organisation, la NPR a continué de bien fonctionner même dans les moments les plus difficiles.

La NPR en mode de crise

Comment les responsables NPR des régions ont-ils réagi à la crise du coronavirus? Avaient-ils seulement une marge de manœuvre? Stefan Schweizer précise que la NPR n’a pas pour mission de déployer un activisme fébrile dans une situation exceptionnelle de ce genre ni de faire de l’intervention de crise ou même de l’aide d’urgence. La politique régionale vise au contraire à aider les régions à relever sur le long terme les défis des changements structurels. Rudolf Büchi s’exprime de manière analogue: «Nos possibilités d’accomplir quelque chose directement pour atténuer la crise du coronavirus sont limitées.» La plupart des régions NPR de Suisse ont donc renoncé à lancer des projets NPR à court terme pour lutter contre la crise.

Mais cela ne signifie pas que les acteurs soient restés inactifs, bien au contraire: la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair, la Regiun Surselva ainsi que les régions d’Imboden et de Viamala ont par exemple participé à une initiative interrégionale dans le canton des Grisons. C’est dans ce cadre qu’une plateforme a été mise en ligne comme place du marché numérique pour les produits et les services encore livrables pendant la crise. «Cette plateforme a été très appréciée et continue d’être très populaire. Nous examinons maintenant si elle devrait être exploitée à demeure au-delà de la crise du coronavirus», explique Martina Schlapbach, responsable du développement de la Regiun Engiadina Bassa/Val Müstair. Des plateformes semblables ont été lancées dans de nombreuses autres régions, par exemple mehr-uri.ch dans le canton d’Uri, plateforme financée par le biais de la NPR, ou favj.ch/c19/ pour la vallée de Joux, pour ne citer que deux autres exemples.

De nombreuses destinations touristiques ont lancé des actions publicitaires à court terme – surtout par le biais du budget rehaussé de Suisse Tourisme. Les stations et les hôtels qui vivaient jusqu’à présent de séminaires et de groupes se sont reconvertis aux touristes individuels de Suisse. Les restaurants ont agrandi leurs terrasses extérieures, «les autorités ayant tout à coup accordé des autorisations de façon beaucoup plus pragmatique», comme Andreas Frey, d’Appenzell Rhodes-Extérieures Tourisme, le constate avec satisfaction. Différents services ont été numérisés d’urgence afin de pouvoir être proposés et fournis conformément aux règles de distance. Le canton du Valais et The Ark, une fondation de promotion économique, ont lancé début mai à cet effet l’initiative Digitourism, à laquelle une trentaine de jeunes entreprises ont participé en soumettant des propositions. Un jury a enfin sélectionné huit projets, qui ont été mis en œuvre avec le soutien de CimArk, le bras armé des ris (Systèmes régionaux d’innovation) Suisse occidentale en Valais. Le dénominateur commun de tous ces projets est de viser à relancer le tourisme dans le canton à l’aide de solutions numériques. Un exemple: la start-up Guidos.bike a développé le guide touristique Guidos, numérique et personnalisé, en quelques semaines jusqu’à la commercialisation. Il s’agit d’un GPS intelligent qui se monte sur un vélo et qui accompagne l’utilisateur sur un tour défini individuellement. Plus de cinquante prestataires d’activités de plein air utilisent déjà ce guide touristique, ainsi que la grande station touristique de Verbier.

La crise comme opportunité

Les ris ont tout de suite réorganisé leurs programmes de coaching lors du confinement décrété en mars. Le ris Mittelland a immédiatement mis en ligne un site Internet qui énumérait toutes les informations importantes sur les offres de soutien de la Confédération, du canton de Berne et d’autres institutions en lien avec la pandémie. Les ris de toutes les autres régions du pays ont suivi cet exemple un peu plus tard. Les conseillères et les conseillers ont en outre réorienté leur priorité, passant du coaching en innovation à la gestion de crise. Ils ont également soutenu quelques entreprises qui s’efforcent d’exploiter la crise comme opportunité pour optimiser les processus et mener des projets de transformation et d’innovation. Voici l’exemple de Sensopro AG, Münsingen (BE): cette entreprise produit depuis quelques années des appareils de fitness qui servent à entraîner la coordination tout en ménageant les articulations ; elle a exploité la période plus calme à cause de la crise pour développer un nouveau produit qui pourrait être commercialisé encore cette année ; ce projet a bénéficié du soutien du coach ris Nicolas Perrenoud.

Les prestations de la NPR au cours de la crise ont aidé de nombreuses entreprises à mieux s’en sortir. Mais l’aide décisive qui a sauvé d’innombrables entreprises de la ruine est finalement venue du Conseil fédéral, qui a ficelé un paquet exceptionnel composé de chômage partiel facilité, d’allocations pour perte de gain et de crédits garantis accordés en urgence. Sans ce soutien, la situation serait sensiblement plus sombre dans de nombreuses régions. Les mesures de la NPR n’ont naturellement pu avoir que des effets complémentaires. La possibilité créée rapidement de reporter le remboursement des prêts NPR et de l’aide aux investissements dans les régions de montagne (LIM) a toutefois fait augmenter les liquidités de nombreux porteurs de projets et réduit ainsi la pression économique.

Étant donné les heures supplémentaires accomplies par de nombreux responsables NPR en cette période difficile, il ne faudrait pas oublier l’énorme défi qu’a représenté le maintien du fonctionnement opérationnel de la NPR durant le confinement. Nombre de séances, d’ateliers et de réunions ont dû être réorganisés d’urgence pour avoir lieu à distance ou ont dû être annulés. Pas mal de choses ont été retardées, parce que la communication numérique ne convient pas pour tout, ou ont dû être reportées à plus tard. Mais au total, les personnes impliquées dans la NPR ont appris énormément en peu de temps. En tant qu’organisation, la NPR a continué de bien fonctionner même dans les moments les plus difficiles.

regiosuisse.ch/crise-du-coronavirus-nprmehr-uri.chfavj.ch/c19/

Le virus comme accélérateur de l’innovation

Auswirkungen der Corona-Krise auf Schweizer KMU. Sebastian Gurtner, Nadine Hietschold. BFH Gestion, 2020 (en allemand).

Éditorial

Fiona Spycher
Office fédéral du développement territorial (ARE)

Béla Filep
Secrétariat d’État à l’économie (SECO)

Les dernières semaines et mois durant lesquels ce numéro a été élaboré ont radicalement transformé le monde du travail et donné une puissante impulsion aux efforts, jusque-là hésitants, de flexibilisation des formes de travail. D’un jour à l’autre, des centaines de milliers de travailleurs et des milliers d’entreprises ont fait de multiples expériences de travail à domicile. Ces expériences, qui les aideront à organiser le monde professionnel futur, ont aussi mis en évidence qu’en plus de l’infrastructure technique, les conditions-cadre sociales, à la maison ou dans la commune, déterminent si les postes de travail flexibles et décentralisés représentent une alternative attractive à ceux qui existent dans les entreprises. Les résultats que les scientifiques, consultants et praticiens ont recueillis confirment que les régions ne peuvent valoriser les opportunités du travail flexibilisé que si elles se soucient aussi de l’attractivité du cadre de vie. Notre table ronde (cf. p. 18) n’est pas la seule à s’accorder pour dire que ce cadre inclut non seulement des services de base qui fonctionnent, mais aussi des offres dans les domaines des garderies, des cms et de la culture. Si l’on veut même attirer de nouveaux résidents, il faut qu’il y ait des possibilités de travail pour leurs partenaires.

Avec ce numéro, le magazine «regioS» lui-même franchit une étape de numérisation. Le site regioS.ch est dès maintenant en ligne. De cette manière, le contenu de « regioS » est disponible non seulement sous forme de fichier pdf, mais aussi sous forme d’articles individuels sur Internet, ce qui facilite la recherche de contenus et permet une diffusion encore meilleure auprès des intéressés potentiels.

Bonne lecture !

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«Un changement culturel est nécessaire, tant au sein des entreprises que de la population.»

Pirmin Schilliger & Urs Steiger

Quelles sont les opportunités que les nouvelles formes de travail flexibles offrent aux espaces ruraux et aux régions de montagne? Deux experts et une experte de l’aménagement du territoire et du développement régional ont discuté de cette question lors d’une vidéoconférence: Rahel Meili, cheffe de projet au Centre régional et économique du Haut-Valais SA, Peder Plaz, directeur du Forum économique des Grisons, et Daniel Studer, initiateur et président de la coopérative responsable de la «Plattform Haslital». Voici leur conclusion: les formes de travail flexibles offrent des possibilités de développement non seulement économique, mais aussi social, à condition que chaque région développe des solutions autonomes.

regioS: Faute de données, on ne peut actuellement que spéculer sur l’importance des changements structurels résultant des formes de travail flexibles pour l’espace rural et les régions de montagne. Rahel Meili, qu’observez-vous par exemple dans votre région, le Haut-Valais? Quelle importance y ont déjà les nouvelles formes de travail flexibles?

Rahel Meili: Ce thème n’apparaît que lentement dans le Haut-Valais. Il y a par exemple à Saas Fee une initiative qui vise à mettre en place un espace de co-working. Il est aussi question de co-working à Viège et à Brigue, mais ce sont des centres plus urbains. Si nous nous focalisons sur les régions de montagne, c’est Fiesch qui me vient à l’esprit. Un centre d’affaires comprenant notamment un espace de co-working y sera construit. Il est aussi partout question de numérisation, par exemple avec le projet Interreg « Smart Villages » du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) auquel participent aussi quelques communes haut-valaisannes.

Les formes de travail flexibles constituent-elles déjà un facteur économique dans le canton des Grisons?

Peder Plaz: Il n’existe pas encore de statistiques pour la Suisse. Mais nous observons depuis 10 à 15 ans une migration des personnes âgées. De plus en plus de gens vont vivre leur retraite à la montagne. Il s’agit de personnes qui souhaitent revenir dans leur région d’origine pour leurs vieux jours, ou qui choisissent un appartement de vacances comme résidence permanente.

Peder Plaz © regiosuisse

Quelle est l’importance de la «Plattform Haslital», déjà établie à Meiringen?

Daniel Studer: Il serait exagéré de déjà parler d’un facteur économique. Je constate toutefois que notre situation n’est pas mauvaise du tout suite aux évaluations de la demande que nous avons faites pour préparer le projet «Plattform Haslital». Nous comptons aujourd’hui plus d’une douzaine d’abonnés – c’est ainsi que nous appelons les usagers de la plateforme – qui y entrent et sortent régulièrement. Ce chiffre comprend aussi la start-up innovenergy, qui a son siège principal auprès de la plateforme et emploie maintenant plusieurs personnes. Nous observons qu’une interconnexion passionnante se produit entre personnes provenant de différents sites, de différentes branches et qui bénéficient de différents types de contrats de travail. Nous en sommes ravis, puisque cette mise en réseau fait partie de notre concept, et nous y voyons un grand potentiel de développement.

En quoi est-il utile aux régions de montagne d’attirer de nouveaux habitants grâce aux formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En principe le fait que davantage de gens habitent, consomment et paient des impôts sur place constitue un bénéfice pour une région. C’est également un avantage que les villages soient animés toute la journée et non uniquement aux heures de pointe.

Peder Plaz: Le tourisme constitue la colonne vertébrale économique des Alpes centrales, trop éloignées pour les pendulaires des villes. Mais il a eu des ratés au cours des trente dernières années. Dans cette situation, le nouveau phénomène de légère flexibilisation du poste de travail, qui peut aussi être aménagé par exemple dans une résidence secondaire de cet espace alpin, arrive à point nommé. Il suscite l’espoir que l’importance économique du tourisme commercial puisse évoluer en direction de l’économie résidentielle. Les résidences secondaires sont un thème important à cet égard. Les forces se déplacent lorsque les propriétaires de résidences secondaires se rendent à la montagne non seulement pour skier, mais aussi pour travailler. Aux skieuses et aux skieurs qui travaillent accessoirement sur leur lieu de vacances se joignent les personnes âgées déjà citées qui font de leur résidence secondaire leur domicile principal. Il sera toutefois encore plus déterminant de réussir à recruter aussi des familles comme résidents des régions de montagne grâce aux formes de travail flexibles. Nous avons vu pendant la pandémie du coronavirus que les conditions numériques sont réunies. Il y a toute-fois des insuffisances et des lacunes dans les structures sociales, par exemple dans l’accueil des enfants. Les deux parents souhaitent en outre trouver un travail qualifié à une distance raisonnable de leur domicile.

Rahel Meili: Le résultat d’une étude de l’Université de Bâle montre que ce sont plutôt des gens bien formés venant de certaines branches comme la finance et les assurances qui peuvent travailler de manière flexible. Si nous voulons cibler ces gens, nous devons analyser précisément leurs besoins. Nous devons savoir s’ils ont besoin d’autres infrastructures que des crèches, afin qu’ils se sentent vraiment bien en région de montagne et souhaitent aussi y travailler. Que souhaitent-ils précisément : désirent-ils vraiment un espace de co-working spécifique ou préfèrent-ils un café de co-working où ils boivent un café quand ils en ont envie, travaillent deux heures, puis peuvent retourner dans leur appartement de vacances ? Cette analyse des besoins doit encore se faire beaucoup plus en profondeur.

Quels sont les facteurs de succès de la «Plattform Haslital», qui a visiblement bien démarré?

Daniel Studer: À la différence de l’Engadine, le Haslital ne dépend pas que du tourisme. Il existe aussi d’autres branches à Meiringen et dans les communes avoisinantes. Nous avons tenu compte de cette structure économique mixte lors de l’analyse des besoins. En regardant la statistique des pendulaires, nous avons constaté qu’il y a à Meiringen environ 190 pendulaires sortants qui consacrent plus d’une heure par trajet vers leur lieu de travail. Dans notre cas, ils vont plus loin que Thoune. Ils travaillent par exemple un ou deux jours par semaine à Berne, à Lucerne ou à Zurich et trois ou quatre jours à Meiringen. Nous avons ciblé ces pendulaires de longue distance et plusieurs d’entre eux sont maintenant abonnés à la plateforme. Pendant la phase de conception, nous avons pris conscience qu’un espace de co-working ne doit pas seulement être pratique. L’essentiel est d’offrir une bonne atmosphère, et la décoration des locaux peut y contribuer fortement. Nous tenions également à apporter un peu d’urbanité dans le centre rural. J’entends par là surtout une certaine densité ou diversité sociale et de nouvelles histoires. Nous essayons de réaliser cet objectif en proposant des lieux de rencontre, des événements culturels et sociaux, des conférences, des séminaires, des expositions, etc. Un avantage essentiel de notre offre est de réduire le trafic pendulaire. Nous contribuons ainsi à la protection du climat et améliorons la qualité de vie des pendulaires.

Daniel Studer © regiosuisse

regioS: Dans le Haut-Valais, comment déterminez-vous les groupes cibles potentiels et par quel moyen essayez-vous de les atteindre?

Rahel Meili: Nous devons discerner si les gens vivent réellement en région de montagne et y ont leur domicile principal ou s’ils ne souhaitent n’y accomplir qu’une partie de leur travail. Pour les gens qui souhaitent réellement vivre en région de montagne, nous essayons d’améliorer la qualité de vie sur place. Il faut surtout de bonnes infrastructures sociales. Pour les co-workers et les télétravailleurs qui séjournent plutôt temporairement à la montagne, l’offre touristique et les possibilités de détente restent importantes. Les touristes journaliers souhaitent qu’il y ait des casiers à la gare pour y déposer leur ordinateur pendant qu’ils font du ski de fond ou de la randonnée, puis pouvoir encore travailler deux heures dans le train quand ils rentrent à la maison.

Monsieur Plaz, comment vous adressez-vous aux résidents potentiels venant de la plaine?

Peder Plaz: Je distinguerais trois groupes. Il y a ceux qui utilisent l’espace de co-working pendant leurs vacances, par exemple à Laax, et n’attendent pas d’autres infrastructures. Pour les retraités, il s’agit avant tout de créer une culture de l’accueil. Les régions de montagne doivent faire comprendre aux seniors que leur présence est désirée. Elles doivent en outre leur offrir un bon accès aux soins de santé, y compris aux soins à domicile. Le taux d’imposition est aussi un critère décisif pour que quelqu’un soit disposé à transférer son domicile. Le plus difficile est de s’adresser au troisième groupe, celui des familles. Car la seule chose que les régions de montagne peuvent leur offrir à coup sûr est l’infrastructure numérique. De bons emplois pour les deux parents constituent souvent le point crucial. Dès que des enfants entrent en jeu, la question se pose aussi de savoir si les parents souhaitent les scolariser dans le canton des Grisons ou peut-être de préférence dans celui de Zurich. Ce choix dépend des passerelles existant dans le système de formation. Nous ne sommes qu’au début du recrutement des familles. Nous avons aussi besoin pour cela d’une prise de conscience et d’un changement culturel. Nous devons créer une véritable situation d’accueil, au-delà d’une identité commune des indigènes et des nouveaux arrivants. Nous parlons ici d’aspects tels que droits de cogestion, droits de cofinancement, participation à la vie associative, etc.

Rahel Meili: La situation est un peu particulière dans le Haut-Valais, car nous enregistrons actuellement une très forte croissance économique dans la vallée principale. Des entreprises comme Lonza, Matterhorn Gotthard Bahn, Scintilla et Centre hospitalier du Haut-Valais créent de nombreux nouveaux emplois. La question qui se pose est de savoir comment non seulement les communes de la vallée, mais aussi les villages de montagne peuvent en bénéficier. Afin de rehausser l’attractivité de ces derniers et de les aider à intégrer de nouveaux résidents extracantonaux ou étrangers, le Centre régional et économique du Haut-Valais a lancé le programme de développement régional wiwa de concert avec ces entreprises, les communes, Valais/Wallis Promotion, la Chambre valaisanne de tourisme et Business Valais.

Rahel Meili © regiosuisse

Quels acteurs sont-ils particulièrement sollicités lorsqu’il s’agit de développer les formes de travail flexibles pour les régions de montagne et inversement d’équiper les régions de montagne pour les formes de travail flexibles?

Rahel Meili: En tant que responsables du développement régional, nous pouvons créer les infrastructures nécessaires avec les communes et élaborer les business plans appropriés. Mais le plus important est qu’un changement culturel ait lieu dans l’économie. Les différentes firmes doivent prendre conscience que leurs employés peuvent aussi travailler plusieurs jours par semaine à l’extérieur de l’entreprise: à domicile ou ailleurs. Nous pouvons les sensibiliser à ce processus et communiquer les offres correspondantes, mais le changement de culture doit avoir lieu au sein des entreprises.

Peder Plaz: À moyen et à long terme, les communes peuvent obtenir d’importants résultats en créant de bonnes conditions-cadre en termes de stratégie fiscale, d’infrastructure familiale et de mentalité d’accueil. Actuellement, la crise du coronavirus est un facteur d’accélération pour le télétravail. La plupart des entreprises ont probablement remarqué que l’on peut aussi très bien travailler depuis la maison. De nombreux employés ont également appris à se servir des vidéoconférences. Nous constatons en outre combien il est agréable de vivre avec moins de trafic pendulaire.

Les formes de travail flexibles en région de montagne pourraient-elles connaître en fin de compte le même sort que le télétravail il y a des décennies: de grands espoirs et finalement des déceptions d’autant plus grandes?

Peder Plaz: Les formes de travail flexibles ne sont pas comparables au télétravail des années 1980. À cette époque, on pensait surtout au travail à domicile pour les collaborateurs/trices de centres d’appels. Aujourd’hui, il s’agit au contraire de conseils et de services spécialisés, de juristes et d’ingénieurs, de créateurs d’entreprises et d’indépendants travaillant à domicile. Cependant, je ne crois pas que l’on travaillera cinq jours par semaine à domicile à la montagne. La demande porte plutôt sur une combinaison de travail présentiel, de travail à domicile et de tâches familiales. Car la tendance vers des formes de travail flexibles est liée à la tendance sociale qui accorde une importance toujours plus grande à la famille, aux loisirs et à une répartition moderne des rôles.

Daniel Studer: Je vois cette question de manière analogue, d’autant plus que je pratique moi-même les nouvelles formes de travail. Je travaille à Berne deux ou trois jours par semaine parce que je souhaite voir et rencontrer physiquement mes collègues de travail. Je passe le reste de mon temps de travail à Meiringen avec d’autres gens, à la plateforme. J’y remarque l’importance d’avoir sur place des gens motivés qui connaissent et mettent en œuvre les avantages des formes de travail flexibles et les possibilités qui en résultent. Ici, nous œuvrons bénévolement en tant que coopérative. Nous le faisons très volontiers parce que nous y voyons l’intérêt général, avons du plaisir et bénéficions de l’approbation et du soutien de divers côtés.

Rahel Meili: Les régions de montagne tireront durablement profit des nouvelles formes de travail flexibles, mais les changements se produiront petit à petit. Bien quelques années passeront encore jusqu’à ce que la périphérie accède réellement au monde du travail numérique. La vitesse du processus dépend essentiellement des idées des acteurs locaux. La voie du succès passe non pas par n’importe quels projets, mais par des projets uniques et spécifiques à chaque lieu.

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Les formes de travail flexibles: une opportunité pour les espaces ruraux?

Pirmin Schilliger & Urs Steiger
Le monde du travail traverse des changements structurels fondamentaux où les formes de travail flexibles sont visiblement dans le vent. Celles-ci sont moins hiérarchiques et peuvent être pratiquées indépendamment du temps et du lieu, sous la responsabilité propre du travailleur et donc de manière décentralisée. Cette réorganisation du monde du travail, accélérée depuis la mi-mars par le confinement dû au coronavirus, offre aussi de nouvelles opportunités de développement aux espaces ruraux ou périphériques. Mais pour pouvoir en profiter, ceux-ci ont besoin d’une infrastructure performante qui comprend des espaces de coworking, des bureaux à domicile et des réseaux de communication rapides. Les espaces ruraux et les régions de montagne doivent en outre rehausser leur attractivité comme lieux de résidence et de vie en améliorant leur offre de services et de desserte.
© regiosuisse

De nombreux espaces ruraux ou périphériques de Suisse se développent nettement moins vite que les régions urbaines. Certains perdent même des emplois et des habitants depuis des décennies. Cette perte est un processus plus ou moins insidieux qu’il est parfois possible de stopper ponctuellement. On réussit à le faire surtout dans les grandes destinations touristiques des Alpes, dans les centres régionaux des principales vallées alpines ou dans l’environnement proche de grandes entreprises. De meilleures liaisons de transport contribuent parfois à retourner la tendance. D’un seul coup, elles peuvent transformer des communes périphériques en lieux de résidence attractifs pour les pendulaires. Les longs trajets pendulaires ne constituent toutefois pas une solution durable.

Mais dans les villages et les communes où il n’est pas possible de stopper le processus de contraction, le réseau de prestataires s’éclaircit avec la perte démographique: les services publics et privés – de la poste au magasin du village en passant par l’école – ne peuvent plus être exploités de façon économique pour des raisons de taille et de demande. Les villages concernés glissent dans une spirale négative. Avec la disparition du réseau de prestataires, ils perdent aussi leur attractivité comme lieux de résidence. Une fois que de nombreux habitants sont partis, la vie sociale finit par s’arrêter.

Connu depuis des décennies, ce cercle vicieux constitue un thème central du développement régional. Mais il y a sans cesse des tentatives réussies de le combattre – certaines grâce au soutien de la Nouvelle politique régionale (NPR) – par des projets, des concepts et des stratégies de développement.

Travail et logement flexibles en région de montagne

Tant les acteurs du développement régional que les communes concernées ont repris espoir ces derniers temps en considérant les formes de travail flexibles. Celles-ci sont apparues dans le sillage de la numérisation. À ce jour, elles sont pratiquées surtout par les grands centres informatiques et par les centres de services du milieu urbain. Mais elles pourraient s’étendre à d’autres branches et secteurs et même aider la périphérie la plus malmenée par le déclin économique à prendre un nouvel essor. Nombre de personnes impliquées dans le développement régional à tous les niveaux ont des attentes à ce sujet. Mais la pertinence réelle de la recette de développement associée à ces formes de travail n’est pas encore prouvée avec certitude, même si la culture du télétravail, prescrite dans de nombreuses entreprises au cours des dernières semaines et des derniers mois à cause de la pandémie de Covid-19, a bien fait avancer les choses.

Si la numérisation supprime les obstacles de l’espace, du temps et de la matière, les territoires les plus périphériques se retrouvent effectivement à proximité des centres. Avec ses formes de travail flexibles le marché du travail, organisé de manière décentralisée, peut étendre ses tentacules dans les endroits les plus reculés. Tout semble soudain très simple, du moins dans les branches où les employés exercent la majeure partie de leur activité sur PC. Habiter et travailler en région de montagne ? Au fait, pourquoi pas à l’aire de la connexion numérique, des contacts virtuels, du télétravail, des espaces de coworking et de l’impression 3D !

1000 espaces de co-working

Les nombreux espaces de coworking, aménagés aussi à l’écart des centres urbains au cours des dernières années, démontrent que ce scénario est davantage qu’un vœu pieux. Selon une enquête de la Haute école de Lucerne (HSLU), il existe maintenant dans l’espace rural suisse cinquante espaces de travail partagés, utilisés de manière flexible par quelque 2500 travailleurs. Ce nombre paraît certes encore modeste, mais le phénomène est très récent.

La coopérative VillageOffice est un moteur de ce développement en Suisse. Elle a accompagné de ses conseils la mise en place de trois douzaines d’espaces de coworking en région rurale, périphérique ou alpine, dont huit dans le cadre de projets NPR. Fabienne Stoll, responsable de la communication de VillageOffice, parle d’une tendance encore embryonnaire. « Plus de trois millions d’actifs pourraient dès aujourd’hui travailler de façon mobile, constate-t-elle, mais seul un million d’entre eux le font déjà et travaillent de temps à autre à domicile. Mais je crois que la situation actuelle donnera une puissante impulsion, car de très nombreuses firmes et leurs employés y ont pris goût avec la crise du coronavirus. » Fabienne Stoll estime qu’environ un tiers des postes de travail de bureau organisés de manière traditionnelle disparaîtront à moyen terme. Une part importante du travail pourrait être externalisée vers des postes de travail à usage temporaire situés dans des communes rurales et des régions de montagne. VillageOffice s’est fixé pour objectif de recouvrir toute la Suisse rurale de quelque mille espaces de coworking au cours des prochaines années, notamment aussi pour des raisons écologiques. Selon les calculs, une telle offre permettrait d’économiser 4,4 milliards de kilomètres de trajets pendulaires par an et donc des dizaines de milliers de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone.

Les pronostics de Timo Ohnmacht sont un peu plus prudents. Ce professeur à la HSLU a étudié ce phénomène encore récent dans le cadre d’une étude du Fonds national. « On enregistre certes des succès, mais les sites locaux de coworking n’ont encore aucune utilité mesurable pour l’économie régionale, conclut-il. Le mouvement du coworking pourrait toutefois bientôt obtenir davantage de résultats grâce à des espaces de travail partagés bénéficiant d’un soutien public, qui donnent des impulsions durables à l’espace rural en tant qu’instruments de développement régional », estime-t-il.

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Les espaces de co-working Voisins à Genève disposent tous d’un café. © regiosuisse

L es communes doivent améliorer leur attractivité comme lieux de résidence et de vie. Les espaces de co-working n’y suffisent pas à eux seuls.

Plus les logements sont abordables, plus la localité est attractive

Les espaces de coworking sont un peu le fer de lance des formes de travail flexibles dans l’espace rural. Mais le nombre croissant de pendulaires à temps partiel qui accomplissent leur travail de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps à domicile est plus important en termes économiques. La situation actuelle du marché du logement alimente cette réorganisation du travail. Dans la récente étude de Credit Suisse sur le marché immobilier suisse1, des chercheurs ont étudié la relation entre les flux pendulaires et le choix du domicile. Ils ont constaté une tendance à résider en zone rurale. Fredy Hasenmaile, responsable de l’analyse immobilière chez Credit Suisse, déclare: «De moins en moins de gens cherchent leur domicile directement là où ils exercent leur profession, mais de plus en plus là où il y a des logements abordables. Et ils restent en général fidèles au domicile une fois qu’il a été choisi. Celui-ci devient la constante d’une vie, avec des changements d’emploi de plus en plus fréquents et un environnement professionnel qui ne cesse de changer.» Le quatre pièces moyen de 110 m2 coûte plus de 1,5 million de francs en ville de Zurich. À 60 minutes de train, on peut l’avoir pour moins de la moitié selon l’étude de Credit Suisse.

Il n’est pas étonnant que de plus en plus de gens en aient assez des logements chers en ville. De toute façon, ils préfèrent habiter près de la nature lorsqu’il est possible de le concilier avec leur travail. Les travailleurs pendulaires – neuf employés de Suisse sur dix en font partie – sont attirés de plus en plus loin en périphérie à cause de la situation des prix. «Ceci favorisera l’établissement des nouvelles formes de travail dans l’espace rural» concluent les auteurs de l’étude de Credit Suisse. Un sondage de gfs-zurich réalisé sur mandat du SECO2 parvient à une conclusion similaire. Les pendulaires de longue distance qui assument une heure ou plus de trajet aller simple jusqu’au travail manifestent le plus vif intérêt pour les nouvelles formes de travail. C’est une catégorie en forte croissance ces derniers temps et qui constitue maintenant 20 pourcents des pendulaires. Presque tous seraient ravis de pouvoir travailler à domicile certains jours, voire davantage.

Infrastructure nécessaire

Avec le changement des besoins en matière de logement, le potentiel de développement des formes de travail flexibles est donc incontestablement important pour l’espace rural ou périphérique. Une certaine infrastructure est cependant nécessaire pour que ce potentiel puisse être exploité.

  • Immeubles: Le défi le moins important est probablement la mise à disposition des immeubles nécessaires. Selon VillageOffice, l’offre et la demande, par exemple d’espaces de coworking, sont en équilibre à l’heure actuelle. En outre, il y a justement dans les régions rurales des bâtiments inoccupés qu’il est possible, si nécessaire, de reconvertir et d’équiper rapidement et pour un coût relativement faible. Par ailleurs, de nombreux employés ont aménagé leur bureau à domicile depuis longtemps.
  • Réseaux de télécommunication: La Suisse est certes déjà relativement bien pourvue de connexions Internet performantes par rapport aux pays voisins. Mais le fossé ville-campagne se creuse à de nombreux endroits dans le domaine de l’infrastructure. S’agissant des formes de travail flexibles, l’appel à la meilleure desserte possible de toutes les régions de Suisse est compréhensible. Différentes possibilités sont envisageables pour fournir aux régions périphériques et aux centres touristiques alpins une interconnexion aussi performante que dans les centres urbains. Avec son concept de promotion du très haut débit, le canton des Grisons soutient par exemple le développement des autoroutes de l’information. La NPR cofinance les travaux conceptuels dans le cadre de projets régionaux de viabilisation. La technologie de radiotéléphonie 5G représente aussi une opportunité pour les espaces ruraux et les régions de montagne. Mais son développement est bloqué par des oppositions et pour des raisons politiques.
  • Mobilité: La nouvelle main-d’œuvre flexible reste en majorité formée de pendulaires à temps partiel. Elle souhaite pouvoir répartir librement son activité entre le bureau à domicile ou l’espace de coworking du village et le poste de travail dans un centre urbain. La qualité des voies de communication constitue ici la condition déterminante. Plusieurs projets dont la NPR a aussi soutenu les travaux préparatoires de planification et de conception, ont contribué à combler les lacunes dans ce domaine au cours des dernières années. Ils ont surtout servi – dans le cadre d’Interreg – à améliorer les transports publics transfrontaliers dans les régions de Bâle, de Genève, du Jura et du Tessin. À cela se sont ajoutés des essais pilotes d’utilisation intelligente de différents modes de transport, y compris de nouvelles formes de mobilité partagée. Mais les promoteurs du développement régional estiment que tout cela n’est de loin pas suffisant. «En Suisse, toute personne devrait pouvoir accéder au bureau de coworking le plus proche en 15 minutes à vélo ou en transports publics» selon un objectif énoncé par VillageOffice. Étant donné que la main-d’œuvre flexible reste le plus souvent composée de pendulaires à temps partiel, Peder Plaz, directeur du Forum économique des Grisons, estime que «créer des distances pendulaires raisonnables sur l’ensemble du territoire suisse serait probablement la mesure la plus efficace pour asseoir aussi les nouvelles formes de travail dans l’espace rural et préserver l’occupation décentralisée du pays».

Gestion et mise en réseau des espaces de co-working

Reto Bürgin, géographe-économiste à l’Université de Berne, étudie notamment au moyen de la géolocalisation la nouvelle «multilocalité» numérique liée aux espaces de coworking situés dans les régions alpines suisses. Voici son impression: «Dans le meilleur des cas, les espaces de coworking à eux seuls contribuent à réduire le trafic pendulaire. Mais il faut davantage pour qu’ils relancent, en tant que moteurs de développement, l’économie et la vie sociale d’une commune: ce phénomène encore récent doit s’ancrer dans les esprits et l’exploitation des espaces doit être intensive.» Une bonne offre de locaux professionnels équipés d’une infrastructure parfaite n’est donc qu’un bon début. Afin que le scénario d’avenir prometteur se réalise pleinement pour les espaces ruraux et périphériques, la main-d’œuvre flexible doit se mettre en réseau pour former une communauté. C’est dans ce cadre qu’elle pourra développer des idées, échanger ses impressions sur ses problèmes, créer de nouveaux concepts et éventuellement s’impliquer dans de nouvelles coopérations. «Les échanges mutuels génèrent souvent des projets innovants, de nouveaux produits, services ou modèles économiques, jusqu’à des démarches de recherche et de développement qui s’effectuent hors des institutions traditionnelles», explique Timo Ohnmacht, professeur à la HSLU, en décrivant l’évolution possible.

Les exploitants des espaces de coworking peuvent donner des impulsions décisives pour créer une communauté. «On demande des rencontres informelles de la communauté, des exposés, des manifestations de réseautage avec des entrepreneurs externes, des séminaires, des événements publics», suggère Timo Ohnmacht. Les espaces de coworking exploités de cette manière peuvent devenir un «microcluster» attractif de la promotion économique locale. La NPR poursuit aussi cette approche. C’est ce que montrent déjà plus d’une douzaine d’exemples s’inscrivant dans le cadre de projets NPR. En voici une sélection: le Macherzentrum Lichtensteig (SG) , le co-working-Space Steckborn (TG), le Mountain co-working Mia Engiadina à Scuol (GR, cf. «regioS no 14»), la «Plattform Haslital» (BE), la Working Station St-Imier (BE) et le projet Interreg «GE-NetWork» (GE). Ces «microclusters» ont différents effets en amont et en aval. Car les télétravailleurs, coworkers et autres, contribuent à animer les villages et utilisent les services locaux: de la restauration aux installations de loisirs et aux artisans, en passant par le commerce de détail, la poste et le salon de coiffure, ce qui accroît encore la création de valeur ajoutée locale et l’emploi.

© regiosuisse

Espaces de coworking: pôles de développement des villages

L’économiste Jana Z’Rotz, de l’Institut d’économie régionale et d’entreprise (IBR) de la HSLU, va plus loin: «Nos études ont révélé que, dans l’espace rural, les espaces de coworking axés uniquement sur le travail sont plus difficiles à exploiter.» Elle préconise donc des espaces de travail partagés multifonctionnels, qui fournissent aussi des services culturels et sociaux. Elle souhaite que jeunes et moins jeunes utilisent ces lieux ensemble et que ceux-ci soient également des lieux de rencontre de quartier ou de village, des ateliers publics, des services d’accueil et de conseil, avec des cafés et des garderies – en bref des pôles de villages animés.

La NPR peut déjà fournir de bons exemples: le projet Swiss Escape «Co-Living/Co-Working Grimentz (VS)», le projet de développement participatif du village de Saint-Martin (VS) et la «Generationehuus Schwarzenburg» (BE). En phase de lancement, cette maison a valeur de modèle pour toute la Suisse en raison de son ampleur thématique. Elle dispose d’un espace de coworking avec atelier, de deux appartements pour colocations multigénérationnelles, d’une garderie, d’un bistrot, de différents organismes sociaux et de locaux destinés aux consultations médicales, aux manifestations, etc. La Confédération et le canton de Berne ont soutenu la phase de conception dans le cadre d’un projet NPR en versant 140 000 francs. L’organisation responsable, une société anonyme d’utilité publique, a maintenant recueilli 3,5 millions de francs par le biais de dons, en majeure partie privés, pour réaliser le concept. Actuellement, la «maison multigénérationnelle» commence à fonctionner progressivement dans une ancienne villa acquise par la société anonyme et située au milieu du village. L’offre de locaux est limitée pour l’instant car le bâtiment est soumis à une rénovation douce. «Nous serons entièrement opérationnels dès que nous pourrons nous installer dans l’immeuble que nous prévoyons de construire», explique la directrice Linda Zwahlen Riesen.

Un facteur économique sous-estimé

Il est certain que le monde du travail 4.0 accroît le potentiel des espaces ruraux ou périphériques en tant qu’espaces économiques et résidentiels. Il fait augmenter les chances d’améliorer la desserte des villages et des communes et ainsi celles de garder dans la localité la valeur ajoutée créée par les services locaux. Mais jusqu’à présent, seules quelques communes saisissent précisément ces opportunités et les exploitent systématiquement. «Il est d’autant plus important de discuter largement des possibilités, pour la politique régionale, de tenir davantage compte, dans les régions périphériques, de projets qui visent aussi à renforcer l’attractivité résidentielle dans le sens de la complémentarité entre le logement et le travail», explique Peder Plaz. Il préconise donc un changement de paradigme au sein de la promotion économique et de la NPR, auxquelles il reproche «de miser trop unilatéralement sur la création d’emplois et de sous-estimer l’importance de l’attractivité résidentielle comme argument de recrutement et facteur économique».

Olivier Crevoisier, professeur de sociologie à l’Université de Neuchâtel, dans le cadre de son étude sur l’économie «résidentielle et présentielle»4, propose par exemple d’importantes pistes de réflexion sur la direction que le développement devrait viser. Ses résultats de recherche suggèrent que le soutien fourni aux projets par la NPR devrait davantage tenir compte de l’attractivité résidentielle comme argument de recrutement et facteur économique, ainsi que des circuits économiques locaux. Cette intention se reflète aussi dans les mesures pilotes NPR 2020-2023 pour les régions de montagne.5 Ces mesures testent de nouvelles voies pour soutenir le développement économique de ces régions. Les expériences résultant de ces mesures seront intégrées dans le développement de la NPR dès 2024.

regiosuisse.ch/npr – villageoffice.chgenerationehuus.chswissescape.co

1 Un cycle sans fin – Marché immobilier suisse 2020, Credit Suisse

2 Sondage de gfs-zürich sur mandat du SECO

3 Atlas de la large bande, Office fédéral de la communication (OFCOM)

4 Crevoisier O., Segessemann A.: L’économie résidentielle en Suisse:identification et mise en perspective

5 Développement économique des régions de montagne: instruments et mesures de la Confédération – Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 15.3228 Brand du 19 mars 2015

Lichtensteig: centre pour créatifs

Lukas Denzler

Installé dans les anciens locaux de la poste de Lichtensteig (SG), le «Macherzentrum Toggenburg» s’est établi comme espace de co-working au cours des trois dernières années. Cet espace est devenu un carrefour pour les jeunes entrepreneurs et les indépendants de la région. La communication moderne et la numérisation créent de nouvelles possibilités – d’autant plus sous l’effet de la crise du coronavirus. L’initiative régionale «Ort für Macher*innen» relie enfin diverses activités de la région du Toggenburg.

Jadis bureau de poste, aujourd’hui espace de co-working : depuis son inauguration officielle en août 2018, le bâtiment imposant situé au centre de Lichtensteig (SG) met à disposition des postes de travail et des salles de conférence utilisables de manière flexible – une offre que dix personnes utilisent désormais régulièrement. Les échanges d’idées et d’expériences dans un cadre propice à l’inspiration constituent une part importante du concept. Mais fin mars 2020, l’entreprise fonctionne au ralenti comme dans tout le pays. Conformément aux exigences de la crise du coronavirus, la recherche pour cet article n’a pas été effectuée sur place, mais par téléphone et appel vidéo. Elle a révélé que ce n’est pas par hasard que cette initiative en faveur de nouvelles formes de travail a émergé à Lichtensteig.

Lichtensteig est une petite ville du Toggenburg (SG) au fier passé. Pendant des siècles cette localité, titulaire du droit municipal et du droit de tenir marché, a été le centre administratif du Toggenburg. Au cours des dernières décennies toutefois, les activités administratives régionales et le commerce de détail se sont de plus en plus déplacés vers la ville voisine de Wattwil. En raison d’un exode constant, le nombre d’habitants est tombé à moins de 2000. Autrefois pilier économique de la vallée, l’industrie textile a fermé ses portes. Des usines et des bâtiments vides attendent de nouvelles utilisations.

Vent de renouveau grâce à une stratégie communale

Les autorités communales ont identifié depuis quelques années le problème de cette spirale fatale. Le déclin était visible surtout dans la vieille ville, autrefois très animée. Pour redresser la situation, les habitants de Lichtensteig ont pris contact avec le Réseau vieille ville, une offre de conseil d’EspaceSuisse. Après une analyse approfondie, le conseil communal a élaboré en 2013 la stratégie communale «Mini.Stadt 2025» avec la population. «140 citoyennes et citoyens intéressés se sont impliqués dans le processus», se souvient Mathias Müller, qui avait été élu président de commune peu auparavant. Le processus a fait naître de nombreuses activités: après le déménagement de l’administration communale dans l’ancien bâtiment d’ubs, l’hôtel de ville s’est transformé en un lieu de culture. La Kalberhalle, où des veaux se sont vendus jusqu’en 2005, a été reconvertie en lieu de spectacles avec les associations.

Puis la poste a fermé en 2016. La commune a sauté sur l’occasion et acquis les locaux. « Nous voulions absolument rendre possibles de nouvelles activités publiques à cet endroit situé au centre », explique le président de commune. C’est à ce moment-là qu’il a lu, dans un journal gratuit, un article sur VillageOffice, une jeune organisation qui veut aussi promouvoir de nouvelles formes de travail comme le co-working en région rurale. Des contacts ont été noués : l’étincelle a jailli, des idées ont été développées. Il s’agissait de créer dans ces locaux un lieu propice à l’inspiration pour les gens qui ont des idées nouvelles ou qui veulent réaliser leurs propres projets.

Thomas Kobelt et Céline Rolli (collaboratrice des espaces de co-working) en plein travail au «Macherzentrum Toggenburg» © regiosuisse

Vu que cette idée correspondait très bien à la stratégie communale, Mathias Müller a cherché des gens prêts à la développer. Il a trouvé Tobias Kobelt, qui s’apprêtait à se mettre à son compte dans le domaine du conseil en gestion et en développement d’entreprise. «Quand on m’a posé la question, j’ai réalisé qu’il manquait assurément une offre de ce genre», se souvient Tobias Kobelt. En octobre 2017, on est parti de presque rien. Une équipe de base s’est formée peu à peu. «Pendant la première phase, nous devions sans cesse expliquer ce qu’était le co-working.» Une année et demie plus tard, le «Macherzentrum Toggenburg» était connu bien au-delà de Lichtensteig. Grâce à la location des postes de travail, la coopérative réalise maintenant un produit suffisant pour pouvoir payer le loyer usuel dans la localité ainsi que les charges.

Co-working et numérisation

En temps normal, l’offre du «Macherzentrum Toggenburg» s’étend bien au-delà de l’utilisation commune de l’infrastructure. Les contacts et une atmosphère propice à l’inspiration sont importants pour les jeunes entrepreneurs. Le « rendez-vous mensuel des créatifs », auquel sont invitées des personnalités qui parlent de thèmes liés à l’entrepreneuriat et à l’innovation, doit aussi y contribuer. «Nous souhaitons coopérer encore davantage avec des entreprises», explique Tobias Kobelt. Celles-ci pourraient par exemple sponsoriser des postes de travail de ce centre et mettre leurs employés à disposition à la journée.

Plusieurs jeunes entrepreneuses et entrepreneurs ont aménagé une place de travail fixe dans les anciens locaux de la Poste.© regiosuisse

«Ces derniers temps, de plus en plus de gens venant des petits villages de la vallée se présentent pour demander comment fonctionne l’espace de co-working», constate Tobias Kobelt. «C’est bon signe. Quelque chose commence à changer dans les esprits du Toggenburg.» L’éclosion pourrait réussir. Des offres analogues au modèle du « Macherzentrum » voient maintenant le jour dans les communes de Kirchberg, de Nesslau et de Degersheim.

Il est primordial que l’accès à l’offre soit facile – Mathias Müller en est convaincu. La première phase nécessite en outre un certain soutien et un acte de confiance de la part des autorités. «Quand on met des locaux à disposition et que l’on crée de nouvelles possibilités pour les gens, on investit toujours aussi dans ces personnes.»

Démarrer au niveau local – développer au niveau régional

Le centre pour créatifs ne reçoit pas de fonds de la Nouvelle politique régionale (NPR), car le canton de Saint-Gall a pour principe de ne pas soutenir les initiatives de co-working par le biais de la NPR. Il en va autrement pour l’initiative plus générale «Ort für Macher*innen». Celle-ci a certes son origine à Lichtensteig, mais elle vise toute la région du Toggenburg et regroupe diverses activités. Le centre accueille également sous son toit le «Rathaus für Kultur», des projets sociaux comme les «centres de rencontre pour familles du Toggenburg», la coopérative de quartier et de travail bénévole «Zeitgut Toggenburg» ainsi qu’un bureau de prospective.

La Rathaus für Kultur à Lichtensteig © regiosuisse

En 2019, le centre a posé sa candidature comme projet-modèle pour un développement territorial durable soutenu par la Confédération. Vu que ce projet ne s’est pas réalisé, le canton de Saint-Gall a laissé entrevoir un soutien dans le cadre de la NPR. La discussion à ce sujet s’est finalement focalisée sur deux thématiques, rapporte Markus Schmid (du service Promotion économique de l’Office de l’économie et du travail du canton de Saint-Gall): la première est le manque de personnel qui incite à chercher de nouvelles formes de travail (new work), des moyens de concilier la vie de famille et l’activité professionnelle (retour à la vie active, temps partiel), et à exploiter le potentiel de la main-d’œuvre âgée de 50 ans et plus (nouveaux modèles de travail, approches innovantes). La seconde thématique porte sur le développement de zones d’activités ; il existe des terrains qui s’y prêtent à Lichtensteig, par exemple une usine inoccupée. On élabore également des plans pour un atelier artisanal et créatif afin de compléter le centre pour créatifs. Les initiatives locales, suscitées en premier lieu par la stratégie communale, gagnent en dynamisme et rayonnent de plus en plus à l’échelle régionale.

regiosuisse.ch/nprlichtensteig.ch/ministadt2025macherzentrum.chortfuermacher.chrathausfuerkultur.ch familienzentren-toggenburg.chespacesuisse.ch

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Moins de trafic pendulaire grâce aux espaces de co-working

Raphaël Chabloz

Créer entre 150 et 200 lieux d’ici 2025 couvrant l’ensemble du territoire du Grand Genève et proposant près de 7000 places de travail, utilisées par environ 35 000 clients, c’était l’objectif affiché par «GE-NetWork», deuxième étape d’un projet Interreg visant à développer le télétravail et le co-working au bout du Léman. En 2014, une vingtaine de lieux étaient référencés, il y en avait plus de 50 en 2018. Cependant, ils restaient encore très largement concentrés sur la partie suisse du Grand Genève et au centre de l’agglomération. Les études réalisées lors de la première phase de ce projet montrent que la naissance de ce réseau franco-suisse permettrait de réduire de 6% les déplacements sur l’agglomération – soit près de 12 millions de déplacements annuels. Autre intérêt, dynamiser des régions périphériques. Si les «start-upers» ont déjà l’habitude du télétravail, les grandes entreprises sont encore frileuses. Leur démontrer les avantages de ces nouvelles formes de travail et les accompagner dans ce processus de transformation reste un objectif prioritaire du projet.

Plusieurs solutions sont envisagées pour que les nouveaux lieux soient viables dans les communes périphériques: des partenariats publics-privés, ou des modèles offrant des services en plus de l’offre de co-working. Du côté de collectivités publiques, plusieurs possibilités d’action existent. Les grands employeurs peuvent avoir un rôle d’exemplarité, mener des projets-pilotes. Second levier, la mise à disposition de foncier. Les communes peuvent également investir pour réduire la prise de risques, mais avec à terme l’objectif d’atteindre l’autonomie financière.

interreg.chteletravail-geneve.com«GE-NetWork» dans la base de données des projets sur regiosuisse.ch

Vous trouverez ici la version intégrale en allemand

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