Lionel Tudisco travaille depuis 2012 pour l’administration de la Ville de Sion, capitale du Valais. Il a été responsable de « AcclimataSion », un projet pilote d’adaptation au changement climatique de la ville, soutenu par la Confédération entre 2014 et 2016.
«J’ai vécu quelques années sur l’arc lémanique, notamment pour réaliser mes études de géographie. Puis j’ai déménagé en Valais, lorsque j’ai été engagé par le Service de l’urbanisme et de la mobilité de la Ville de Sion. En revenant dans mon canton d’origine, j’ai pris conscience du paysage exceptionnel de la région et de son importance pour ses habitants. Je me rappelle qu’à cette période, le plan directeur communal – un document qui fixe les grandes orientations stratégiques de la ville sur les trente ans à venir – mettait en avant les spécificités du paysage sédunois avec un souhait appuyé de les conserver et de les valoriser tout en fixant des limites claires à l’urbanisation pour éviter les problématiques liées à l’étalement urbain. La Municipalité affirmait donc la particularité de Sion, un territoire ‹entre ville et paysage›, ça m’avait interpellé.
De fait, Sion a une identité paysagère très forte. Sa vieille ville date de l’époque médiévale. Avec les récentes fusions de communes de coteau, le territoire de la commune s’étend du centre urbain en fond de vallée jusqu’au montagnes, à 2000 mètres d’altitude. Il comprend par exemple deux coteaux parsemés de vignes ou de forêts, suivant l’exposition, des collines héritées de l’époque glaciaire, des châteaux médiévaux ou encore des lacs. Tout cela forme un paysage très varié, voire hétéroclite, qui concentre pratiquement toutes les problématiques suisses. Pour les spécialistes de l’aménagement du territoire et les urbanistes, c’est un territoire très intéressant à travailler.
Le paysage est pris en compte dans tous nos projets. Nous recevons quotidiennement des demandes de préavis pour de futures constructions. En appliquant notre règlement des constructions, nous devons parfois réaliser une pesée d’intérêts, nous questionner si c’est vraiment le bon endroit pour implanter ce genre d’affectation. Notre but est de tirer parti du paysage pour essayer de structurer le développement de la ville au mieux, tout en permettant aux nouveaux usages et changements en cours comme l’adaptation au changement climatique d’être considérés. Nous devons d’abord établir quelles sont les valeurs d’un territoire, les éléments en danger ou les éléments identitaires à préserver. Il s’agit ensuite de mettre en place des processus pour protéger ou non ces éléments-là. L’idée n’est pas de placer la ville sous cloche, elle doit pouvoir évoluer.
Nous avons d’ailleurs beaucoup travaillé sur la notion de changement perpétuel, notamment en développant avec la SIA une application de réalité augmentée qui montre l’évolution des espaces publics de la Ville de Sion au cours du dernier centenaire. À l’annonce d’une modification, il peut y avoir des réactions fortes et des blocages, car le paysage est hautement lié à l’émotionnel, à l’attachement culturel ou aux souvenirs qu’on en garde. Ces notions psychologiques sont importantes à prendre en compte pour accompagner les démarches de changement.
Dans le cadre d’‹AcclimataSion›, nous avons notamment développé des guides pédagogiques destinés à la population. Ils expliquent pourquoi il est essentiel d’apporter de la nature et du soin aux aménagements extérieurs dans les projets de transformation ou de conception d’un bâtiment. Pour moi, une des missions des collectivités publiques consiste à faire prendre conscience aux acteurs de la construction de leur responsabilité à l’égard du paysage et de ses valeurs naturelles et culturelles. Il n’y a pas seulement la ville qui soit responsable de créer des projets de qualité, les privés aussi ont un rôle à jouer, ce sont surtout eux qui font la ville.»
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